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Ce méchant capitalisme qui provoque la misère partout où on n’en veut pas

Publié le 27 janvier 2012 par H16

Le forum de Davos a été ouvert mercredi dernier, par Angela Merkel elle-même, et déjà, la presse française ne peut plus s’empêcher de relayer les tourments qui agitent les grands « capitalistes » du monde : le catipalimse est en train d’échouer, un autre monde est possible, la finance va nous tuer, argh et tout ça…

Et effectivement, tant du point de vue d’une presse toute acquise à cette opinion que de la part d’une frange des participants au forum, le capitalisme tel qu’ils le conçoivent est en train de vivre une passe difficile. Ce n’est plus exactement un océan de bonheur sucré aux profits toujours grossissant sur lesquels ils naviguent, et ils en sont fort marris.

Il est amusant cependant que les vocalisations les plus fortes au sujet du capitalisme qui se meurt sont finalement toujours le fait d’une brochette de personnes qui ont systématiquement évolué dans ce que j’appelle le capitalisme de connivence.

Rares, très rares sont les patrons qui, partis de rien ou à peu près, se sont hissés à un rang suffisamment élevé pour participer à Davos et émettre bruyamment en direction de journalistes aux gros micros mous prêts à bondir que « Le Capitalisme N’A Plus Sa Place Dans Le Monde Qui Nous Entoure ». En effet, les patrons les plus discrets ont généralement dû, pour se faire une place au soleil, batailler âprement contre ces corporations acoquinées depuis des lustres avec des états aussi bouffis que complaisants et corrompus, et pour eux, la notion de capitalisme ne recouvre en rien les notions que manipulent avec tant de verve les dirigeants politiques, les leaders syndicalistes, les journalistes et … les patrons de corporations parvenus à leur poste par leur réseau et leurs manœuvres.

Ainsi donc, le capitalisme n’aurait plus sa place ? Le capitalisme, finalement, ça ne marche pas ?

Pourtant, certains l’ont essayé, s’y sont frottés, et en ont trouvé suffisamment de bénéfice pour l’adopter !

Prenons l’exemple de l’Inde.

Techniquement, c’est un pays dont la constitution spécifie qu’il est socialiste. Et depuis son indépendance jusqu’en 1991, le socialisme y fut bel et bien utilisé pour dicter les politiques économiques sur place. Comme le capitalisme, c’est mal (et n’a pas sa place dans le monde qui nous entoure, selon les frétillants participants de Davos), il n’a pas été tenté dans le sous-continent qui a rapidement abrité plus d’un milliard d’humains.

C’est donc une économie dirigiste, étatique, et une politique de grands travaux cadencée par des plans quinquennaux que ne renierait pas la France d’aujourd’hui (et une Union Soviétique depuis longtemps disparue), que l’Inde a choisis depuis 1947 jusqu’en 1991, période rythmée par des famines (notamment en 1966, 1972, 1980) et une croissance modeste (autour de 3%, avec une population en croissance de plus de 2.5%) – l’expression spécifique de « croissance à l’Indienne » vient d’ailleurs de cette période.

Mais en 1991, suite à une petite crise de rien du tout (où l’Inde fut sur le point de faire défaut de sa dette – aucune similitude avec la situation européenne, hein), l’Inde a choisi de libéraliser assez notoirement son économie.

Ouvrant la voie au capitalisme le plus méchant, celui qui lance des brouettes de renards libres dans des poulaillers libres, les réformes supprimèrent un paquet de monopoles publics, baissèrent les taxes douanières et les taux d’intérêts, et autorisèrent l’investissement étranger dans beaucoup de secteurs. Le train de libéralisation a continué depuis lors, avec une réduction très sensible du contrôle de l’Etat dans l’économie, la finance et dans la vie des Indiens en général.

Après une telle catastrophe turbo-néo-libérale barbouillée de capitalisme cynique, l’Inde a observé une croissance très forte (7% en moyenne entre 2000 et 2009), une forte augmentation de l’espérance de vie, une amélioration notoire de la scolarisation et du niveau de vie général, la part d’Indiens vivant dans un état de pauvreté « aiguë » tombant de 26,1% en 1999 à 21,8% en 2004, sur une population totale de 1,1 milliard de personnes (soit plus d’une quarantaine de millions de personnes qui s’extraient de la plus grande misère, ce qui n’est pas mince). En 1991, le PIB s’établissait à 1186$ (ajusté en pouvoir d’achat) par habitant. En 2010, il atteignait 2972$ (soit plus de 150% d’augmentation).

Socialisme, capitalisme ...

Bref, l’horreur absolue.

On pourra lire d’ailleurs avec profit les articles Wikipedia consacrés à la question (notamment celui-là) ainsi que l’excellent article paru récemment sur Enquête & Débat qui ajoute quelques données intéressantes sur le sujet.

En définitive, d’un côté, les Capitalistes de connivence chouinent un peu à Davos en pleurant sur leurs difficultés, et refusent de voir à quel point l’État s’est imposé dans la vie de tous les Occidentaux. De l’autre et dans le même temps, l’Inde essaye le capitalisme, précisément en retirant l’État de tous les secteurs où il avait fourré son groin baveux, et trouve ça très chouette.

La conclusion qui s’impose est évidemment qu’il faut que l’État régule tout ça, c’est évident !

Impression largement renforcée lorsqu’on tombe sur un récent article de The Economist et qui fournit l’intéressant graphique suivant :

Real GDP change per person 2007-2012

Comme on peut le constater, s’il y a bien un problème de modèle, ce n’est probablement pas celui du capitalisme qui est en cause ici (la Chine n’a pas observé ce genre de performance lorsqu’elle s’en tenait aussi loin que possible sous le joug maoïste, hein). En revanche semblent moins bien s’en sortir les pays qui dorlotent leur population en les chouchoutant dans une sociale-démocrassie cotonneuse et payée à crédit sur les générations futures.

La conclusion qui s’impose est évidemment là encore qu’il faut que l’État en remette une couche, vite !



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