Z'ont la niaque à Lestignac !

Publié le 30 janvier 2012 par Eric Bernardin

Cela doit faire environ un an que je suis avec intérêt le blog de Mathias Marquet. Le ton employé sur celui-ci change pour le moins de l'ordinaire, tout comme ses commentaires qu'il laissent ici et là dans la bloglouglousphère. Mon retour passager en Dordogne était donc l'occasion de rencontrer ce jeune vigneron, mais aussi de découvrir ses vins.

Surprise : nous nous sommes déjà rencontrés auparavant, en fait. Mathias faisait partie de la même promotion de BTS viti-oeno que Laure Colombo. Et nous avions été invités tous les deux à une p'tite sôôôt'rie organisée par ses parents et Marie-Laure Lurton. Nous nous sommes d'ailleurs aperçus qu'elle avait employé le même subterfuge pour nous faire venir (genre soirée grillade entre potes, alors que c'était un dîner plutôt chicosse).

Par ailleurs, nous avons de la chance. Dans une semaine plutôt morose climatiquement, il y a un beau ciel bleu, ce qui permet de se balader dans les vignes et de faire le tour des différentes parcelles. Ce qui surprend le plus, ce sont les variétés des sols, plus ou moins argileux ou limoneux, parfois avec du calcaire, parfois des silex. 

Ceux-ci réagissent d'ailleurs plus ou moins rapidement à la biodynamie pratiquée aujourd'hui sur le domaine. Certains ont une très belle texture (cf photo ci-dessus) d'autres vont encore demander du temps et du travail pour atteindre l'harmonie.

Des parcelles de vignes ont été arrachées et vont être replantées après une longue période de repos. Certaines avec des cépages surprenant pour la région comme le chenin ... ou le grenache noir ! Ce sera aussi l'occasion d'augmenter la densité de plantation, car vous aurez remarqué que les rangs de vignes sont très larges dans ce secteur du Bergeracois.

En tout, il y a treize hectares de vignes. Suffisant pour donner de l'occupation aux trois personnes qui travaillent sur le domaine : Jean-Marie, Mathias et sa compagne Camille (qui se forme à son tour en alternance à Blanquefort). Au début de l'exploitation en 2008, la moitié de la production était vendue au négoce, histoire d'avoir de la trésorerie. Aujourd'hui, la part est beaucoup plus faible, signe que les bouteilles se vendent plutôt bien. 

Si le bâtiment viticole a un beau potentiel architectural, celui-ci n'est pas encore prêt pour accueillir les cars de touristes. Il y a tout ce qu'il faut pour faire du bon vin (dont un superble pressoir pneumatique) , mais pas de quoi faire rêver monsieur Toulemonde, habitué à voir des jolis chais à la télé. 

Les techniques de vinification peuvent paraître désarmantes de simplicité. Il n'y a ni pigeage, ni remontage pour extraire. Uniquement des très longues macérations avec seulement un "mouillage du chapeau". Evidemment aucune levure exogène. Et du soufre ajouté a minima à la mise si nécessaire (le moins souvent possible).

J'ai pu déguster les blancs 2011 en cuve, qui présentaient de la netteté et de la fraîcheur. Et différents lots de rouges 2010 en barrique. Ils étaient servis à "basse température", mais cela ne les a pas desservis, bien au contraire : cela renforçait leur "minéralité". Les deux lots rebus le lendemain à une température plus conventionnelle avait un boisé plus ostentatoire (qui ressortait très peu la veille).

Puis, dans la vaste cuisine/salle à manger, nous avons fait "dînette" avec du bon pain, du beurre, de la truffe et des tomates confites, quelques tranches de saucisson. Bref un casse-croûte très sympa durant lequel j'ai pu goûter les rouges déjà en bouteilles. 

Y a pas, fallait oser : Camille et Mathias l'ont fait. Eyeswinechut is born. Cela vaut le coup de lire l'intégralité de l'étiquette, car vous pourrez ainsi commencer ou finir la journée avec le sourire. "Pas de chichi ni de blabla mais que du glouglou". Le vin tient les promesses de l'étiquette. Le nez est très fruité après une bonne aération ; la bouche, par le gaz carbonique qu'elle contient, peut déconcerter. Je ne suis pas un grand amateur de "vin nature", mais je ne peux que remarquer que celui-ci a une belle pureté de fruit, ce qui est loin d'être toujours le cas. Et puis une grosse buvabilité, le "perlant" donnant l'impression que les 13.5°  du vin ne font plus que 11°... Reste que si ce vin peut beaucoup plaire aux amateur du genre, il risque de laisser de marbre ceux qui préfèrent les vins plus classiques (ça s'est vérifié le lendemain lorsque je l'ai fait déguster à des amis). Ceci dit, Mathias ne tire pas de fierté particulière à produire cette cuvée, un "vin de trésorerie", comme il l'appelle (7 €)

Là aussi, il fallait oser l'étiquette, mais aussi le nom assez hermetique de la cuvée. Cabwerant, ça pourrait évoquer le Cab' Sauvignon ou le Cab' Franc. Eh bien non, c'est tout simplement une contraction de Cabot Errant (le chien de la propriété a disparu durant les vendanges, ou les vinifs, je sais plus...). Et c'est un 100 % Merlot, ce qui avait stupéfié l'ami Olif qui l'a beaucoup apprécié. Perso, j'ai trouvé cela agréable, bien fait, mais manquant un peu de relief et de complexité (mais là aussi, d'une belle pureté de fruit, sans aucune déviation "naturiste" ce qui est un très bon point en ce qui me concerne)

J'ai nettement préféré l'Ancestral 2010, assemblage de Merlot et Cabernet Franc (et apparemment un peu d'Alicante Bouchet, cépage teinturier languedocien) ,au nez épicé, à la bouche fraîche et tonique et aux tannins veloutés. Un très bel équilibre général (12 €)

Pour finir, De terre et d'esprit 2010 (pas encore assemblé ni mis en bouteille) a tout pour me plaire : complexité aromatique, ampleur, fraîcheur, matière charnue, gourmande, avec une belle persistance. Bref,  un vin de très bon niveau qui montre le talent du vigneron, et laisse penser qu'il devrait faire partie des tous grands du Bergeracois dans les années à venir.

Mathias m'a donné deux échantillons de blancs car nous n'avons dégusté que les rouges à table. Elles ont été bues le soir-même chez un ami. 

Les Abeilles des Collinettes 2010  (100 % sauvignon) a un nez de fruits blancs mûrs, de miel. La bouche a une belle rondeur, mais aussi de la fraîcheur à revendre. La final se conclut par des amers rappelant l'écorce de pamplemousse. Un vin d'une grande buvabilité qui se boit avec beaucoup de plaisir (8.90 €)

Solelhas (65 % Muscadelle, 35 % Sauvignon) : nez confit, intense, assez envoûtant, me rappelant l'Acacia du Jonc Blanc, pour ceux qui connaissent. Bouche ample, mûre, avec une belle tension qui ne vous lâche plus jusqu'à la finale des plus expressives. Un très joli vin ! (12 €)

Bon, vous l'aurez compris : il y a un véritable fond derrière le talent de communicateur de Mathias. Le gars sait causer, mais il sait aussi faire du vin (il faut dire qu'il a fait son BTS en alternance au Clos Puy Arnaud, ça aide...). Lestignac deviendra sans nul doute une étape incontournable pour tout amateur des vins du Sud-Ouest. Mais laissez-leur encore un peu de temps pour terminer les travaux de rénovation ;o)


Chateau Lestignac, 4 route de Sigoules 24240 SIGOULES Tel: 05 53 58 8 437 chateaulestignac@gmail.com 

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