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Primaire républicaine : « Romney en position de force »

Publié le 31 janvier 2012 par Delits

Les primaires républicaines avancent vite, le rapport de force a ainsi considérablement évolué entre les différents candidats et nombre d’entre eux ont jetté l’éponge en cours de route.

Délits d’Opinion fait le point avec Pierre TOULLEC, Président de l’association des amis du Parti Républicain.

Délits d’opinion : Après les premiers résultats des élections dans plusieurs Etats, la situation s’est remarquablement décantée parmi les candidats.

Pouvez-vous nous faire un point d’étape et nous présenter les principaux favoris ?

Pierre TOULLEC : Suite aux premiers résultats, de nombreux candidats ont effectivement dû abandonner la course à la Maison Blanche. Restent en lice quatre Républicains.

- Rick Santorum a gagné l’Iowa, premier Etat à voter le 3 janvier. Candidat modéré en économie mais cherchant à être vu comme le plus conservateur sur les valeurs, le sénateur Santorum avait basé l’ensemble de sa campagne sur une forte victoire dans le premier Etat et s’en servir pour se propulser sur le devant de la scène pour les suffrages suivants. Cependant, il lui manque aujourd’hui les moyens financiers pour avancer plus loin dans la campagne. Il ne possède pas non plus l’organisation nationale nécessaire pour affronter les autres candidats dans les 47 prochains Etats. Malgré sa victoire en Iowa, il parait aujourd’hui peu probable que Rick Santorum ait une chance de l’emporter.

- Mitt Romney a remporté le New Hampshire, Etat ayant propulsé la candidature de John McCain vers la victoire en 2008. Il est en solide position pour remporter la nomination, ayant reçu un grand nombre de donations lui assurant les finances pour une longue campagne. Il a aussi reçu le soutien de nombreux anciens des administrations de Ronald Reagan, George H W Bush et George W Bush. Sa grande faiblesse reste son passé centriste qu’il a admis. Il a reconnu que l’expérience du pouvoir l’avait rendu plus conservateur qu’il ne l’avait été avant de devenir gouverneur. Ce passé fait que certains conservateurs continuent à chercher une alternative parmi les trois autres candidats présents dans cette course. Il est aujourd’hui le grand favori pour gagner la Floride, qui se prononcera sur la primaire Républicaine le 31 janvier.

- Newt Gingrich a pour sa part gagné en Caroline du Sud, le dernier Etat à avoir voté à ce jour. Centriste et ancien Président de la Maison des représentants (1995 – 1999), il a eu beaucoup de mal à lancer sa campagne plombée par de nombreux scandales ayant eu lieu dans les années 1990. Considéré comme un très bon orateur, il a cherché à reconstruire sa réputation au cours des nombreux débats ayant eu lieu entre les candidats. Fin décembre, un fort mouvement de soutien a commencé à se construire autour de sa candidature grâce à son positionnement en tant que dernier candidat « anti-Romney », ceci l’aidant à gagner en Caroline du Sud le 21 janvier. Cependant, sa campagne ayant eu du mal à attirer les électeurs pendant de nombreux mois, il ne possède ni l’argent ni la structure militante de Mitt Romney ou de Ron Paul pour lui permettre de se lancer dans une campagne de grande envergure dans les 47 prochains Etat à voter.

- Ron Paul est le seul candidat à n’avoir, pour le moment, gagné aucun Etat. Cependant, ses résultats restent impressionnant pour un candidat libertarien habitué à bouleverser la droite Américaine. Arrivé troisième en Iowa et second au New Hampshire, il a battu Newt Gingrich lors de ces deux occasions. Sa performance en Caroline du Sud fut cependant bien plus décevante. Il faut rappeler que Ron Paul n’est pas candidat pour gagner, il l’a affirmé plusieurs fois. Son objectif est de défendre des idées qu’il considère comme le cœur philosophique du mouvement conservateur.

Délits d’opinion : Quelles sont les stratégies de ces favoris ? Auprès de quel électorat ont-ils la côte ?

Pierre TOULLEC : Rick Santorum a réussi son pari de gagner en Iowa. Cependant, son manque de moyens l’oblige à se concentrer sur un Etat après l’autre. Il a besoin de trouver une nouvelle victoire dans les prochaines semaines dans un Etat clef avant le 6 mars. Ce jour sera le « super-mardi » au cours duquel onze Etats se prononceront. Sans victoire d’ici là, il n’aura pas la capacité à se structurer et à recevoir les fonds dont il a besoin pour continuer sa campagne de manière efficace.

Ses électeurs sont très conservateurs et vont plutôt se tourner vers lui pour des questions liées aux valeurs morales, au mariage gay, la famille ou encore l’avortement. Il est en cela différent des autres candidats, qui eux misent leurs candidatures sur le discours économique.

Mitt Romney est en position de force en ce moment. Sauf grosse surprise, il devrait gagner la Floride, premier Etat important en taille et en population. Son immense réseau et sa solide base financière construite autour d’un soutien de nombreux donateurs républicains lui assurent une capacité à faire campagne dans l’ensemble des Etats à venir. Il a besoin de conserver un minimum d’avance sur ses adversaires au cours des prochaines semaines pour lancer une « offensive » politique dans l’ensemble des onze Etats du super-mardi, action qu’aucun de ses adversaires n’est en mesure de faire du à leurs manques de moyens et de militants.

Ses électeurs sont plutôt de centre-droit. Il attire aussi les indépendants et les centristes qui ne veulent plus de la gauche au pouvoir. Enfin, il reçoit aussi un soutien (relatif) de la part des plus conservateurs, principalement chez ceux qui préfèrent jouer dès maintenant l’unité.

Newt Gingrich a misé l’ensemble de sa campagne sur les débats et sur sa capacité oratoire. Son propre discours est qu’il est en mesure, étant le meilleur débateur, de vaincre le Président Obama au cours des différents débats qu’il aura avec lui s’il emporte la primaire Républicaine. A côté de cela, la fragilité de sa campagne l’oblige à orienter son discours vers les autres candidats. En particulier, il continue à se présenter comme celui qui peut vaincre le modéré de la campagne, Mitt Romney. Enfin, son discours s’oriente en priorité contre l’ensemble de ce qui représente « l’establishment » à la fois politique et médiatique. Il a plusieurs fois tenté (parfois avec succès) de se rendre populaire en attaquant directement les journalistes, en particulier au cours des débats. Sa difficulté reste l’absence d’organisation sur le terrain pour lui permettre de gagner. Il dépend d’associations extérieures à sa propre campagne pour faire passer son message, et s’il ne parvient pas à assurer d’autres victoires au cours du mois de février, il n’aura pas la popularité suffisante pour gagner lors du « super-mardi ».

Ses électeurs sont assez atypiques en comparaison aux autres candidats. Malgré le soutien de plusieurs personnalités de droite, le mouvement qui l’a porté à la victoire le 21 janvier en Caroline du Sud est plus un mouvement en recherche d’une alternative à Mitt Romney qu’une réelle adhésion à son discours et à son programme. Cela lui permet de s’assurer les voix de nombreux électeurs conservateurs et de centre droit, mais ne déclenche pas d’enthousiasme réel.

Ron Paul enfin a une stratégie entièrement différente. Sa volonté n’est pas de gagner, mais de s’assurer un soutien suffisamment fort pour faire passer son message et sa philosophie. Cela signifie arriver à la convention Républicaine d’août avec un fort soutien et de nombreux délégués pour le représenter et montrer l’importance du mouvement libertarien au sein de la droite Américaine. Afin d’accomplir cet objectif, il se concentre sur les plus petits Etats dans lesquels une campagne « traditionnelle » et des militants de terrain auront plus d’impact comparé aux Etats tels que la Floride, New York ou la Pennsylvanie.

Ses électeurs sont généralement jeunes, plutôt moins de 35 ans, très au courant des questions politiques et économiques. Ses militants lui sont dévoués d’une manière rarement vue dans des élections, et sont présents dans les cinquante Etats. Enfin, sa campagne a très bien joué sur l’utilisation d’internet, et ce depuis 2007. Cette stratégie a fonctionné, et nous pouvons estimer que c’est grâce à cela qu’il a pu s’imposer auprès des jeunes électeurs.

Délits d’opinion : Le dernier débat jeudi soir en Floride a vu le ton monter entre les différents candidats et les attaques personnelles fuser. Ne craignez-vous pas un relatif « pourrissement » de la campagne ?

Pierre TOULLEC : Cette campagne s’est effectivement retrouvée remplie d’attaques personnelles, notamment sur le passé des candidats. Pour ma part, je pense qu’il s’agit d’une bonne chose. La présidentielle française en est l’exemple parfait. Lors des primaires socialistes et vertes, les candidats ont souhaité ne pas rentrer dans les attaques personnelles et rester sur le programme et les idées uniquement, sans même réellement critiquer le programme de leurs adversaires au sein de ces deux partis. La conséquence en a été la non-préparation totale de leurs campagnes et l’arrivée de scandales ou affirmations absurdes une fois le choix des électeurs réalisés. L’organisation de ces primaires sur une courte période et aussi loin de l’élection présidentielle ont fait que les socialistes et les électeurs verts se retrouvent bloqués avec leurs candidats sur lesquels ils découvrent jour après jour de nouvelles révélations. Il est étonnant par exemple que la gestion de la Corrèze par François Hollande ne soit pas intervenue dans le débat socialiste. Aujourd’hui, ce dernier se voit obligé d’affronter les autres candidats avec ce sujet brûlant auquel il n’a pas répondu dans le passé.

A l’inverse avec ces primaires Républicaines, les plus gros risques, scandales et changements de positions sont dévoilés. Les électeurs de droite peuvent faire leur choix en toute connaissance de cause et n’auront probablement pas la surprise de découvrir un scandale caché quelques jours avant l’élection le 6 novembre. Ces attaques participent donc à un renforcement des différents candidats, les obligent à travailler leurs argumentaires et les préparent au mieux pour affronter le Président Obama.

Propos recueillis par Olivier.


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