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Terreurs d’enfant

Publié le 01 février 2012 par Corboland78

La lecture récente du roman de Jean Giono, Regain, a réveillé en moi mes terreurs d’enfant. Ceux qui ont lu le bouquin s’en étonneront à juste titre. En fait ce n’est pas au texte mais à l’image que je fais référence car le livre avait été adapté au cinéma par Marcel Pagnol en 1937.

Je vous en rappelle rapidement le scénario. Un village de montagne se meurt et ne subsistent que Panturle, un homme dans la force de l’âge, et la Mamèche (Marguerite Moreno), une très vieille femme. Celle-ci se jure de redonner vie au hameau avant de mourir, pour cela elle va jeter ses dernières forces dans une ruse consistant à effrayer un colporteur (Fernandel) et sa jeune assistante (Orane Demazis), de telle manière qu’ils déroutent leur chemin et atterrissent au village, ce qui devrait faciliter le rapprochement entre Panturle et la jeune femme…

Dans le film, Marguerite Moreno, petite vieille tout de noir vêtu, sautille au loin dans la garrigue, silhouette indistincte, ce qui fiche la frousse à Orane Demazis puis par ricochet à Fernandel. Cette scène est depuis, dénommée « Hop ! Hop ! » onomatopée rendant bien la sensation de bondissements soudains et imprévus. Quand j’avais vu le film à la télévision, dans les années 60 j’imagine, ce passage m’avait terriblement effrayé et il reste dans ma mémoire, comme l’un des trois souvenirs cinématographiques les plus anciens et effrayants de ma jeunesse.

Je n’ai pas retrouvé trace des sautillements de la Moreno, mais voici un extrait du début de cette scène :   

 

Ayant évoqué ce souvenir, je ne peux manquer de repenser aux deux autres, d’abord Les disparus de Saint-Agil, un film de Christian Jaque (1938) avec Michel Simon et Eric Von Stroheim. Dans un collège internat de Saint-Agil, un soir, trois jeunes élèves disparaissent mystérieusement après avoir surpris dans la nuit, un homme qui visitait l’établissement.

La scène qui m’avait le plus impressionné, c’est quand au détour d’un couloir, la caméra fixe brusquement une feuille de salade au sol, signifiant la disparition ex abrupto d’un gamin, le légume étant destiné à sa tortue à laquelle il tient beaucoup. Ce passage joint aux réunions nocturnes secrètes dans la salle de classe de sciences avec le squelette, brrr ! Tout cela me ficha longtemps les jetons.


Les disparus de Saint-Agil (III) par RioBravo  

Autre souvenir sensible mais beaucoup plus évaporé dans ma mémoire, La main du diable, le film de Maurice Tourneur (1942) avec Pierre Fresnay, Noël Roquevert et Pierre Larquey. Le film commence dans un relais de montagne où des clients sont rassemblés dans la salle du restaurant et discutent. Tout d'un coup, un étrange individu fait irruption. Il a ce qui ressemble à une boîte à chaussures sous le bras, n'a pas de main gauche et paraît avoir le diable à ses trousses. Suite à une coupure de courant, la boite à chaussures disparaît. Les clients le pressent de raconter son histoire. Pour conserver l’amour de celle qu’il aimait, un peintre désargenté a passé un pacte avec le diable.

L’horreur, dans ce film, c’était cette main que se transmettent les maudits jusqu’à ce qu’elle retrouve son véritable propriétaire, à la fin du film, à savoir un prêtre défunt. A un moment, on voit cette paluche, se carapater toute seule sur le sol de la pièce, comme une araignée plutôt mahousse. Je suis certain que j’en avais les cheveux dressés sur la tête quand j’ai vu cette horreur à la télévision.

Enfin, dernier souvenir, mais lui n’est plus qu’une sensation, une somme d’impressions restées gravées dans ma mémoire. Je n’en sais ni le titre, ni les acteurs, rien, et j’aimerais réellement retrouver la référence exacte de ce programme, diffusé lui aussi dans les années 60, années de ma tendre jeunesse. Par contre j’ai le sentiment fort, qu’il ne s’agissait pas d’un film mais d’une dramatique, comme La caméra explore le temps, par exemple, 38 épisodes diffusés entre 1957 et 1966. Nous sommes dans la scène finale, la caméra est au milieu de la pièce circulaire donnant sur le jardin par de hautes portes-fenêtres, on ne voit pas les personnages, la caméra est l’œil de l’un deux (une femme je crois ?), dehors la nuit et dans les feuilles mortes on entend craquer des pas qui tournent autour de la maison, la caméra fixe une porte qui s’ouvre, la personne dans la pièce et les spectateurs savent qu’elle va mourir, tuée par le visiteur. Fin du film. Ces craquements de pas dans les feuilles mortes ont longtemps hanté mes nuits d’enfants. 

Ce sont là, les seules vraies frayeurs cinématographiques que j’ai connues, car j’étais un gamin et prenais les images sans pensées raisonnées. L’effet voulu par le réalisateur, fonctionnait parfaitement et me clouait devant le poste de télévision. Plus tard, adolescent ou adulte, quand j’irai au cinéma, même s’il m’est arrivé de sursauter pendant une scène, je garde toujours en mémoire que je suis au cinéma, j’ai toujours cette distance qui m’interdit de plonger complètement dans l’histoire qui se déroule sous mes yeux. La perte de l’innocence …


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