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Bettencourt: le Sarkogate peut-il enfin démarrer ?

Publié le 05 février 2012 par Juan
Bettencourt: le Sarkogate peut-il enfin démarrer ? Mercredi dernier, une nouvelle assez incroyable a glacé quelques nuques à l'Elysée: les juges de Bordeaux qui instruisent l'affaire Bettencourt ont convoqué Eric Woerth, l'ancien grognard de Sarkofrance.
Avec les deux enquêtes relatives à l'attentat de Karachi de mai 2002, l'enquête Bettencourt est la troisième affaire d'envergure qui pourrit la fin de ce dernier quinquennat de Nicolas Sarkozy.
Ces affaires ont un point commun, le financement illégal de campagnes présidentielles.
Le Sarkogate peut-il enfin commencer ?
Eric Woerth, dans la mire.
Mercredi 8 février, Eric Woerth sera donc à Bordeaux. Il est convoqué par les juges qui enquêtent sur les multiples volets de l'affaire Bettencourt. On évoque une mise en examen dans l'instruction ouverte pour « trafic d'influence et financement politique illégal ».
Le 21 janvier dernier, Mediapart révélait les conclusions des experts désignés par la Cour de justice de la République: « les terrains forestiers et l’hippodrome de Compiègne cédés par l’ex-ministre du budget l’ont été pour moins du tiers de leur valeur ». Le site ajoutait: « la mise en examen d’Eric Woerth devient presque inévitable ». Mais l'audition d'Eric Woerth mercredi prochain n'a rien à voir avec cette affaire. Elle concerne plus directement Nicolas Sarkozy.
Les juges s'interrogent de savoir si Eric Woerth a enfreint les règles de financement politique pour le compte de la campagne présidentielle de 2007 de Nicolas Sarkozy, et, pire, profité de la faiblesse de la milliardaire Bettencourt.
Rappelons quelques faits:
  1. En juin dernier, une expertise médicale attestait que Liliane Bettencourt avait commencé à souffrir d'une « démence mixte » et d'une « maladie d'Alzheimer à un stade modérément sévère », avec « un processus dégénératif cérébral lent » (Source: Mediapart).
  2. Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune de Liliane Bettencourt, avait embauché Florence épouse d'Eric Woerth en 2007, pour lui « faire plaisir » (disait-il).
  3. Patrice de Maistre a été décoré de la Légion d'honneur par Eric Woerth lui-même en janvier 2008. 
  4. En 2007, la milliardaire fraudait le fisc, ce qu'elle a reconnu après la publication des enregistrements pirates de conversation à son domicile.
  5. Quand Eric Woerth était ministre du Budget, aucun contrôle fiscal ne fut opéré sur Mme Bettencourt.
  6. Mediapart avait publié ces enregistrements en juillet 2010. Le procureur Philippe Courroye, à l'époque en charge d'une enquête préliminaire sur l'affaire, avait demandé Leur interdiction. Mardi dernier, la Cour de cassation a confirmé la valeur probante de ces enregistrements.
  7. En 2007, Eric Woerth était trésorier de l'UMP, fonction qu'il conserva jusqu'au printemps 2010 alors qu'il était devenu entre-temps ministre du Budget puis du Travail.
  8. Grâce au bouclier fiscal renforcé par Nicolas Sarkozy, Liliane Bettencourt se fit rembourser 30 millions d'euros d'impôts en 2007.
  9. Depuis un an, les juges de Bordeaux ont multiplié les perquisitions (siège de l'UMP, domicile d'Eric Woerth), les saisies (journal intime du photographe François-Marie Banier, comptes de campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, etc).
  10. Valérie Pécresse, actuelle ministre du Budget, a repris Sébastien Proto à son service. Ce jeune homme était directeur de cabinet (adjoint) d'Eric Woerth jusqu'en 2010. C'est un ami du fils Arnault dont le beau-père est ... Patrice de Maistre.
... et Sarkozy ?
Il y a ensuite les accusations, que les juges cherchent à vérifier: d'après ces mêmes enregistrements et le témoignage de l'ancienne comptable Claire Thibout, Patrice de Maistre aurait remis 150.000 euros en espèces à Eric Woerth, ce qu'il dément, pour le financement de la campagne de Sarkozy en mars 2007.
On sait aussi que Nicolas Sarkozy a toujours suivi cette affaire avec une attention hors normes. On aurait cru à une menace terroriste. Le procureur Philippe Courroye en a fait les frais. L'ami du Monarque, fin 2011, a été mis en examen pour « collecte illicite de données à caractère personnel par un moyen frauduleux déloyal et illicite » et pour « violation du secret des correspondances ». Il avait ordonné l'espionnage de deux journalistes du Monde qui assuraient beaucoup de révélations de procès verbaux dans l'affaire Woerth/Bettencourt.
Dans d'autres démocraties, Nicolas Sarkozy ne serait plus président. Qu'un procureur soumis au parquet, c'est-à-dire à son gouvernement, et son directeur des services de renseignement soient mis en examen dans une affaire d'espionnage politique aurait été le coup de grâce. La France reste une curieuse monarchie républicaine.
Il y a 10 jours, le 26 janvier dernier, Nicolas Sarkozy s'est permis d'affirmer que l'indépendance de la justice avait progressé pendant son quinquennat. On s'était pincé. Le Monarque ne manquait pas d'air.
Dans l'affaire du Karachigate, Nicolas Sarkozy a multiplié les obstructions. Le secret-défense fut étendu à des bâtiments entiers. L'affaire était grave. Elle concerne plus directement le Monarque et l'un des futurs candidats à la présidentielle de 2017, le bien-nommé Jean-François Copé.
Le Sarkogate peut-il enfin commencer ?


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