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Fable de Marie de France : Le Lion chassant

Publié le 07 février 2012 par Unpeudetao

Jadis la coutume et la loi
Exigeaient que le Lion fût Roi
De toutes les bêtes qui sont
Et qui de par ce monde vont.
Du Bufle il fit son Sénéchal,
Le tenant pour preux et loyal.
Le Loup obtint sa prévôté.
Tous trois, étant au bois allés,
Virent un Cerf et le chassèrent,
Puis, l’ayant tué, l’écorchèrent.
Le Loup au Buffle alors demande
Comment se partager la viande.
« Cela dépend de mon seigneur
Car à tout seigneur tout honneur. »
Le Lion a dit, puis a juré
Qu’il aurait tout, en vérité :
La première part, étant Roi,
Il la prenait, c’était de droit ;
La deuxième lui revenait
Comme étant des trois qui chassaient ;
La troisième, il l’avait gagnée
Car, le Cerf, il l’avait tué ;
Qui prendrait l’autre quart pour lui
Serait son mortel ennemi,
Nul ne voulut donc y toucher :
Le Cerf lui resta tout entier.

Le Lion alla une autre fois
Avec des compagnons au bois.
La Chèvre y fut, et la Brebis.
Un Cerf y fut à nouveau pris
Et l’on pensa le partager.
Le Lion dit : « Je veux tout garder.
La plus grosse part est pour moi,
La cour y consent : je suis Roi ;
La deuxième est pour mes efforts ;
La troisième car je suis fort
Et, l’autre, je l’ai divisée :
Pour l’avoir, il faudra lutter. »
Quand ses compagnons l’entendirent,
Plantant là le tout, ils s’enfuirent.

C’est ainsi, à n’en point douter,
Quand un pauvre a pour associé
Un homme plus puissant que lui :
Nul gain ne lui fera profit.
Le riche voudra l’emporter,
Le pauvre perdra ses alliés
Et si un gain est imparti,
Le riche prendra tout pour lui.

Marie de France (XII siècle).

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