La disparition de Malev suscite l’inquiétude
Après Spanair, Malev… La faillite de la compagnie nationale hongroise suscite interrogations, perplexité et inquiétudes. Entreprise de dimensions relativement modestes, avec une flotte d’une vingtaine d’avions et une cinquantaine d’escales, elle était installée sur un niche commerciale, apparemment dans la durée, et que l’on croyait solide. Elle n’en a pas moins accumulé récemment des pertes relativement importantes, s’est adressée à l’Etat, a obtenu des aides mais la Commission européenne ne l’a pas entendu de cette oreille : la règle est a même pour tout le monde. D’où une demande de remboursement de financements étatiques jugés indus et l’effondrement soudain.
Jusqu’au dernier moment, il a été question de plan d’urgence, de mesures exceptionnelles mais rien n’y a fait. ILFC a déjà commencé à reprendre les 737 qui lui appartiennent et les low cost se sont précipitées à Budapest pour tirer parti de l’aubaine, c’est-à-dire la mise à disposition, si l’on ose dire, du marché hongrois.
Du coup, les questions se télescopent à propos de la viabilité d’un modèle économique lentement en voie de disparition, celui d’une compagnie de petit gabarit, forte d’une bonne image et d’une longue tradition : Malev avait 66 ans ! Elle avait adhéré à Oneworld mais n’avait pas cherché à s’adosser à l’un ou l’autre ténor. De plus, Malev avait échoué à l’époque où elle avait conclu un partenariat ambitieux avec Alitalia : cette dernière trouvait ainsi l’accès au marché prometteur de l’Europe de l’Est (pour reprendre l’expression alors en vigueur), Budapest devait devenir un second hub à côté de celui de Milan, les réseaux étaient complémentaires. Mais il apparut bientôt que c’était là une fausse bonne idée et elle ne survécut pas aux difficultés pratiques.
Aujourd’hui, on imagine volontiers le chagrin des Hongrois, l’épilogue étant dévastateur. Ils avaient connu le nouveau départ, après la Seconde Guerre mondiale, avec des Polikarpov et autres Iliouchine et Tupolev, puis un virage prudemment négocié les avait conduits aux portes de l’IATA, tout un symbole, et au choix du Boeing 737 pour remplacer une flotte devenue tout à fait obsolète. L’accord avec Alitalia avait fait le reste et Malev était ainsi entrée de plain-pied dans le transport aérien moderne. Mais elle n’a finalement pas résisté à l’application de règles du jeu de plus en plus dures.
On constate, au lendemain de cette faillite, que les low cost, telle une horde de barbares, se sont précipitées dans la place, témoignant d’une réactivité commerciale que ne connaissent pas les compagnies dites traditionnelles. On n’avait pas encore bien compris que Malev ne renaîtrait en aucun cas de ses cendres que Ryanair annonçait déjà la création d’une «base» à Budapest, dotée d’entrée de quatre avions installés sur place. EasyJet a suivi, puis Jet2.com, Norwegian tandis que Wizz Air, bien sûr, trouvait là de nouvelles opportunités de développement.
Ce sont donc les spécialistes des petits prix qui se sont mobilisés en temps réel. Sans crier victoire pour autant, par décence, mais qui vont augmenter d’autant leurs parts de marché. L’ELFAA, European Low-Fare Airlines Association, prudemment, se limite à un commentaire très bref, lapidaire à souhait : l’association se contente en effet de constater que ses membres viennent au secours de passagers abandonnés, et cela pour la deuxième fois en une semaine. Y aura-t-il d’autres victimes, après Spanair et Malev ? C’est malheureusement probable. Et, pendant ce temps-là, la grève continue dans le transport aérien français…
Pierre Sparaco-AeroMorning