C’est un secret. Le genre de secret si bien gardé que personne n’en parle. Ni bruit, ni chuchotement, ni off, ni fuite plus ou moins spontanée. Rien, aucun signe, aucune trace, à part bien entendu sur le blog du think tank Variae qui, pour avoir soufflé cette idée géniale au résident de l’Elysée, se permet aujourd’hui de vous la dévoiler en exclusivité.
Eh Angela, tu vas pas m'laisser tomber, hein ?
Oubliez les hypothèses sur la date d’entrée en campagne, le « J’ai Changé III – L’Ultime revanche », les stratégies pour que Marine Le Pen n’ait pas ses signatures, et autres contes à dormir debout. Le plan secret de Nicolas Sarkozy est bien plus radical. Et il sème des cailloux, tel un Petit Poucet UMPiste, depuis quelques semaines, pour vous le faire deviner. Il suffisait de garder les yeux ouverts.
Les rencontres au sommet, bilatérales, avec la chancelière allemande (« Avec Angela, c’est du sérieux »). La codirection de ce qu’il reste de l’Europe par un directoire germano-français. La référence permanente à la vertueuse Allemagne, besogneuse Allemagne, où la règle d’or fait figure d’évidence. Le partenariat politique avec Angela Merkel, transformée en VRP de l’Élysée, jusqu’à multiplier émissions communes et promesses de meetings à deux pour la campagne française. Le plan secret est énorme, comme on dit, mais simple : c’est Angela Merkel qui va se présenter, pour la présidentielle, à la place de Nicolas Sarkozy ; il est simplement en train de lui passer le relais. Mais oui !
Comme cette idée géniale a-t-elle germé ? Pour ainsi dire, elle s’imposait d’elle-même.
Déjà, toutes les civilisations « ne se valent pas », comme dirait Claude Guéant. Or de toutes les civilisations, c’est bien l’Allemande la meilleure : PME productives, grèves inexistantes, balance commerciale excédentaire, fête de la bière, discipline prussienne et berlines de luxe qui se vendent mieux que les nôtres. Tout ce qu’il faut pour secouer la France rongée par le cancer de l’assistanat, et renverser d’arrogants capitaines de pédalo voguant trop haut sur les sondages.
Ensuite, Angela Merkel est une femme. A elle seule elle cachera la forêt des très testostéronées investitures UMP pour les législatives. Elle n’est pas française : elle peut même entrer dans le quota diversité. A la différence de Nicolas Sarkozy, en outre, Angela Merkel n’a pas de bilan en France : comment pourra-t-on l’attraper là-dessus ? Au surplus, elle pourra toujours se cacher derrière sa méconnaissance de la langue, si on lui pose des questions gênantes sur les méfaits de son prédécesseur.
Sans compter qu’Angela Merkel a déjà le statut d’icône et de modèle international. Ne disait-on pas de Martine Aubry qu’elle était l’Angela Merkel française, pour louer son sérieux ? Inversement, connaissez-vous beaucoup de dirigeants étrangers que l’on qualifierait de « Sarkozy anglais/belge/italien/croate », à part pour en dire du mal ? Bon, en cherchant bien, vous trouverez quelques nourrissons prénommés Sarkozy dans les ruines fumantes de Tripoli. Mais à part cela …
Et puis, ne nous voilons pas la face, tôt ou tard nous serons tous des Allemands. Où bien nos voisins d’Outre-Rhin condescendront à racheter nos monceaux de dettes. Ou bien nous aurons réparé cette terrible erreur, dixit Sarkozy Ier, ayant consisté à faire l’union monétaire mais pas budgétaire ; et nous l’aurons réparée, donc, en ayant tous opté pour la rigueur germanique, en sabrant au passage notre modèle social parasitaire. Bref, le coq gaulois va bientôt chanter avec un accent bavarois, alors autant prendre les devants et déjà nous trouver une cheftaine teutonne. Cela nous évitera d’avoir à casser le nouveau traité européen, risque auquel nous expose l’élection du bolchévique François Hollande. Non mais vous vous rendez compte, cet inconscient qui propose de tenir compte de la volonté populaire pour défaire ce qu’ont fait ses prédécesseurs dans le dos des Français, à la sauvette avant l’élection ! Franchement !
J’en vois certains qui s’inquiètent au fond de la salle. Mais qu’adviendra-t-il de notre pauvre Nicolas, ce capitaine-courage du paquebot France, qui nous a éclairé le chemin dans la tempête ? Eh bien, le think tank Variae lui a conseillé de briguer le poste de Premier ministre de notre Kanzlerin-candidate. Président puis ministre, avant peut-être de redevenir président le temps de se faire oublier – Poutine style. François Fillon, de toute manière, perdra sa nouvelle circonscription parisienne, assassiné par la concurrence de Rachida Dati. Juppé-isé, le père-la-rigueur ! Quant à Jean-François Copé, il sera trop occupé à appliquer les consignes de la maison-mère CDU, dont l’UMP sera devenue une simple branche locale. Concentration kapitaliste, constitution de géant industriel et politique européen, etc.
Réjouissez-vous : nous n’aurons plus sans cesse à subir des comparaisons humiliantes avec l’Allemagne, puisque nous deviendrons, de fait, des Allemands. Elle est pas belle, la vie ?
Romain Pigenel
L’agence d’idées Variae poursuit sa profonde réflexion ici.