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Guéant à celui qui le lira !

Publié le 07 février 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Bon, ça suffit maintenant, avec cette histoire d’affiche du film Les infidèles ! On en est déjà au cinquième article sur le sujet, et ils ont beau avoir été écrits avec le talent coutumier des rédacteurs de notre webzine adoré, on va quand même pas épiloguer 107 ans sur cette affiche racoleuse mettant en scène un trait d’humour d’une finesse à peine digne du spectacle de Bigard ! D’autant que concernant le mauvais goût, Dujardin et ses petits copains ont été largement dépassés par le sieur Claude Guéant !

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Je m’étais bien juré de ne pas commenter les petites phrases-choc des politichiens aux abois (ah ! ah ! ah !), mais en entendant le sinistre de la terreur affirmer que « toutes les civilisations ne se valent pas », j’ai sursauté comme je n’avais encore jamais sursauté, même en ayant vent des pires provocations des Hortefeux, Mariani, Morano, Estrosi et autres xénophobes décomplexés de la droite anciennement républicaine. Un député apparenté PS (on y reviendra) a évoqué le régime nazi pour commenter cette citation, je lui avais coupé l’herbe sous le pied !

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Un ministre de la République affirme que toutes les civilisations ne se valent pas, qu’il y en aurait donc certaines qui seraient supérieures ou inférieures aux autres ; vous saisissez où est le problème ? La constitution de la République a pour source première la déclaration des droits de l’Homme qui débute textuellement par la phrase « Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. » Point. Quand on évoque une inégalité entre les civilisations, on attaque immédiatement les membres des civilisations supposées inférieures qui auraient donc été incapables de bâtir une civilisation dont la valeur peut être reconnue universellement. En clair, Guéant a tenu en public des propos qui vont directement à l’encontre de l’esprit d’un régime politique qu’il est censé représenter par ses fonctions. Certes, ce n’est pas la première fois que la République française se trouve en contradiction avec ses propres principes, le plus marquante de ses manquements étant de s’être taillé un empire colonial au nom de sa mission « civilisatrice » auprès de peuples « sauvages » ; on aurait pu croire la page tournée et la République sur la voie de la réconciliation avec ses principes, Guéant lui a fait faire un gigantesque bond en arrière.

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La question que je pose est la suivante : est-ce que Guéant pouvait ne pas le savoir ? Est-ce qu’il n’avait réellement pas conscience de la portée de l’énormité qu’il allait proférer et du tollé qui allait s’ensuivre ? Très franchement, j’ai un peu de mal à y croire ! Il est fort probable qu’il ait délibérément provoqué pour récupérer un terrain médiatique sur lequel le candidat du PS pousse son avantage : les hommes politiques sont coutumiers des petites phrases qui font un temps la une des journaux, mais généralement, ils se gardent bien d’étonner véritablement l’électeur qui se désintéresse très vite de ces propos, chaque phrase en chassant une autre… Dans le cas de la phrase de Guéant, on ne PEUT PAS passer outre ! L’oublier après l’avoir entendue serait criminel ! Qu’elle reflète bel et bien la pensée de ce salopard, il est difficile d’en douter, mais il est tout aussi difficile de douter que Guéant n’ait pas calculé son effet : en dépassant toutes les limites de l’acceptable, il nous a forcé à prêter attention à lui ! Il ne s’est pas contenté de faire l’intéressant, il s’est bel et bien rendu intéressant en laissant sa monstruosité éclater au grand jour !

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Le plus pervers dans l’histoire, c’est que l’opposition est bien obligée de réagir, ne pouvant se rendre complice d’une provocation de cette ampleur ; et c’est là que nous retrouvons notre député de gauche qui a évoqué les « camps de concentration » et le « régime nazi » pour commenter le rot de « Claude le relou » (comme le surnomme mon voisin de colonne Jonathan Hoesch) : sa réaction est tout à fait normale, je dirais même légitime, mais que fait le gouvernement en entendant cela ? Il quitte l’Assemblée, s’estimant grièvement insulté. L’accident fera date ! Guéant, à cet égard, est comme beaucoup de va-t-en-guerre : il pousse l’adversaire à bout pour le conduire à commettre l’irréparable et légitimer l’attaque, il provoque pour faire passer l’autre pour un provocateur. Trop facile après, pour l’UMP, de jouer les victimes du grand méchant socialiste amalgameur ! Guéant aura donc réussi ce que Sarkozy n’arrivait plus à faire tout seul : remobiliser les troupes d’un parti qui n’y croyait déjà plus ! Il a tendu un piège aux électeurs et à l’opposition et nous, on tombe dedans, comme un seul homme !

Tout ça est bien triste, mais ça pourrait être pire : imaginons un instant que cette tactique porte ses fruits et permette à Sarkozy d’être effectivement réélu… Allez, salut les poteaux !


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