Après la Roumanie, le Maroc… Ce jeudi, Renault va ouvrir les portes de son usine géante à Tanger : 314 hectares de terrain pour 1,1 milliard d’euros d’investissements. Objectif, y construire les futurs véhicules low cost du groupe, alors que les capacités de productions de l’usine roumaine du constructeur sont désormais saturées. Mais chez certains, cette inauguration en grande pompe, avec le roi Mohammed VI et Carlos Ghosn, fait grincer des dents. En plein débat sur la désindustrialisation de la France, et alors que le chômage atteint des niveaux records, le moment est au minimum mal choisi. L’occasion de faire le point sur l’état des délocalisations automobiles en France.
1,1 million de véhicules de moins produits en France en 6 ans
En clair la production automobile en France a chuté de près de 40% entre 2005 et 2011. Au total, 1,7 million de véhicules (sur les 3,6 millions de PSA et Renault) ont donc été fabriqués en France en 2011 contre 2,8 millions en 2005, selon les chiffres publiés ce mercredi par les Echos. Une chute vertigineuse qui ne s’explique pas par la chute de la demande, loin de là. Sur cette période les immatriculations en France ont même légèrement progressé pour passer de 2,1 millions de véhicules en France en 2005 à 2,2 millions de véhicules l’année dernière.
531.267 véhicules produits en plus par les constructeurs français en 5 ans
Ce n’est pas non plus la production mondiale des constructeurs français qui a baissé. Celle-ci est en effet passée de 5,9 millions à 6,5 millions de véhicules en l’espace de 5 ans, selon les chiffres du CCFA (Comité des constructeurs français d’automobiles).
Un tiers de la production mondiale de PSA et Renault est française
Aujourd’hui, seules environ 31% des voitures produites par PSA et Renault le sont donc en France, alors que pour les deux constructeurs tricolores, l’Hexagone reste leur principal marché. Renault, qui est pourtant moins dépendant de l’Europe que PSA, y réalise par exemple 33% de son chiffre d’affaires.
5 milliards d’euros de déficit commercial dans le secteur
En 2011la Francea importé pour 46,8 milliards d’euros de véhicules, contre 41,6 milliards exportés, ce qui représente environ 10% du déficit commercial dela France. C’esten 2008 que la branche est devenue déficitaire pour la première. En2003, l’excédent commercial de la branche automobile était même de 12,6 milliards d’euros…
101.000 suppressions d’emplois en 10 ans
Toujours d’après les chiffres du CCFA, l’industrie automobile française a supprimé un peu plus de 100.000 postes en 10 ans, soit une baisse de 30% des effectifs environ. La filière employait en effet 321.000 personnes en 2000, contre 220 000 en 2010. Dans le détail, les constructeurs d’autos emploient aujourd’hui 137 000 salariés, contre 187 000 il y a 10 ans. Les équipementiers, eux, font actuellement travailler 60 000 personnes contre 113 000 auparavant.
Environ 50% des effectifs des constructeurs sont en France
Contrairement à ce qu’affirment les responsables politiques, la différence entre PSA et Renault concernant le pourcentage d’effectif travaillant en France n’est pas si importante. En 2010, 44% des effectifs de Renault étaient Français (54.263), contre 50% pour PSA (98.945). C’est donc loin des deux-tiers, un tiers régulièrement mis en avant par le chef de l’Etat.
PSA produit 3 fois plus en France que Renault
Toutefois, la différence entre les deux constructeurs existe bel et bien au niveau de la production. Selon les chiffres du CCFA, PSA produit trois fois plus en France que Renault, et cela a tendance se confirmer dans le temps. En 2011, PSA a monté 1,23 million de voitures dans ses usines françaises, soit une hausse de 3,6% sur un an, alors que seulement 444.862 véhicules (-6,4%) sont sortis des sites français de Renault. A l’inverse, le nombre de voitures assemblées hors de l’Hexagone par PSA a diminué de 4,7% à 1,93 million, tandis qu’il a augmenté pour Renault de 4% à 2 millions. La firme au losange, détenue à 15 % par l’Etat français, fabrique par ailleurs 29 % de ses moteurs en France, contre 85% pour PSA. Dans les véhicules utilitaires en revanche, la tendance est inverse puisque Renault produit plus en France que son éternel rival.
240 euros, le salaire mensuel d’un ouvrier à Tanger
Et une ribambelle d’aides étatiques bien entendu… il n’en fallait pas plus à Renault pour convaincre ses actionnaires d’aller installer une usine à quelques kilomètres à peine des côtes européennes. Mais en France, un tel chiffre a de quoi donner le vertige lorsque l’on sait qu’en moyenne un ouvrier français dans l’automobile est payé 1800 euros bruts par mois après 10 ans d’ancienneté. Or cette fois, personne n’est dupe : l’ouverture d’une nouvelle usine Renault à Tanger n’a pas seulement pour vocation d’alimenter le marché international, mais bien l’Europe, et notammentla France.
400.000 unités, objectif de production de l’usine de Renault au Maroc
Or aujourd’hui les ambitions de Renault concernant cette usine sont immenses. Le constructeur prévoit d’y produire entre 150 et 170.000 véhicules dans un premier, mais pourrait bien accélérer la cadence dès 2013, pour atteindre un niveau de production de 400.000 unités. Depuis longtemps, aucun site français n’a plus eu cette chance. En 2005 le site de Douai (Renault) produisait 418.100 unités contre 177.000 aujourd’hui. En Turquie et en Roumanie au contraire, les deux sites de Renault ont pratiquement doublé de taille sur cette période.