C’est un détail. Mais un détail qui retient l’œil averti.
Une page Facebook de campagne a été lancée pour le presque-candidat Nicolas Sarkozy. Adoptant la nouvelle présentation « timeline » du réseau social, elle s’ouvre par une large photographie de couverture, qui met en scène le président, souriant, au milieu de Français également souriants.
Des femmes, avec des hommes derrières elles. Quadras, quinquas, sexagénaires peut-être, à vue d’œil. Un groupe remarquablement homogène, un groupe dont l’homogénéité évoque immédiatement, par contraste, les absents : les jeunes, déjà, et ensuite les Français dont on qualifiera pudiquement la peau d’un peu plus foncée.
Hasard ? Peut-être les communicants de Nicolas Sarkozy ont-ils pris, sans plus de réflexion, une photographie qu’ils ont trouvée à leur goût. Mais j’ai du mal à croire qu’à ce niveau d’enjeu, on choisisse de manière totalement aléatoire un visuel aussi important. Ce serait, du reste, une faute professionnelle : les images en politique ont valeur de symbole, et en l’occurrence, celle-ci envoie subliminalement un message sur la représentation de la France de Nicolas Sarkozy.
Ce sentiment est encore renforcé par l’inscription saillante sur la photo : « … fierté d’appartenir à une grande, vieille et belle Nation : la France ». Texte et image se nourrissent mutuellement : faut-il comprendre que le cœur de la France, l’essence véritable de notre « vieille et belle nation », exclut les Français qui ne ressemblent pas à ceux de cette photographie ?
Celles et ceux d’entre vous qui suivent mes billets avec quelque assiduité savent que je suis tout sauf un thuriféraire béat du concept de « diversité », et que je suis strictement opposé à tout ce qui a trait à des statistiques ou quotas ethniques. On ne va pas se mettre à comptabiliser le nombre de couleurs de peau différentes sur les photographies officielles, ni à mesurer leur représentativité de notre société. Ce serait absurde et ridicule. Mais ici, l’absence totale de « diversité » (y compris générationnelle) finit par faire sens. Cette photographie « de couverture » ressemble à une projection très précise de la cible électorale de Nicolas Sarkozy, et renvoie à la stratégie actuelle – droitière et conservatrice – du président et de ses proches, entre Claude Guéant et son classement des civilisations, et les annonces de référendum « anti-étrangers ».
Tout ceci est d’autant plus frappant, que Nicolas Sarkozy est l’homme que l’on peut par ailleurs créditer d’avoir ouvert à des Français de couleur (et jeunes) des ministères d’importance, en 2007. L’image du jour peut donc être vue comme un résumé cruel de l’échec des 5 dernières années. Echec qui conduit le sortant à faire campagne sur un seul bout de la France, arquebouté sur son socle de soutiens, et comme retranché derrière eux. Peut-on, dans ces conditions, prétendre (re)briguer le poste de Président de la République, censé rassembler tous les Français ? C’est la question des prochaines semaines.
Romain Pigenel