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Les fondements du système de santé mis à mal

Publié le 10 février 2012 par Delits

Créée en 1945, l’Assurance maladie s’est construite sur trois principes fondamentaux : l’égalité d’accès aux soins, la qualité des soins et la solidarité, permettant à chacun de se faire soigner selon ses besoins, quels que soient son âge et son niveau de ressources. Au-delà de ce principe bien connu, de nombreux indicateurs laissent à penser que le système est aujourd’hui malmené.

D’après le rapport annuel 2011 sur l’état de santé de la population en France coordonné par la Direction des études de l’évaluation et des statistiques (DREES), l’état de santé des Français « apparait globalement bon » comparativement aux pays de même niveau de vie, bien que pourtant la mortalité prématurée, survenant avant l’âge de 65 ans, y est l’une des plus élevée de l’Union Européenne. Outre ce constat global, il y est également précisé que des « disparités sensibles perdurent tant entre hommes et femmes qu’entre territoires ou entre catégories sociales et dans certains groupes de population », des disparités qui s’expliqueraient notamment par les « effets combinés de comportements de santé (que ce soit en termes de comportements individuels, de mode de recours ou d’accès au système de soins), de niveau d’exposition à des risques environnementaux et de conditions de travail différenciés entre groupes sociaux. »

Un système pas vraiment égalitaire

Un constat s’impose aujourd’hui : le principe d’égalité d’accès aux soins érigé comme principe fondateur du système de soins a « du plomb dans l’aile » et les Français l’ont bien noté. En avril dernier, seules 30% des personnes interrogées par l’institut LH2 approuvaient l’idée selon laquelle aujourd’hui en France tout le monde a les mêmes chances d’être en bonne santé ou de le rester, une très nette majorité partageant l’avis contraire (70%).

Deux chiffres très récents issus d’une étude d’Harris Interactive illustrent particulièrement ce constat : 50% des Français déclarent avoir déjà reporté des soins (pour lui-même ou pour un membre de sa famille) et 35% y ont même déjà renoncé (dont 22% ont dû le faire plusieurs fois). Confirmant les tendances énoncées par le rapport annuel de la DREES, l’analyse détaillée des résultats révèle que nous ne sommes effectivement pas tous égaux en la matière. Les femmes (41%, contre « seulement » 28% des hommes) et les catégories socioprofessionnelles les plus modestes se révèlent davantage confrontées à ces situations de renoncement aux soins (42% chez les CSP-, 55% dans les foyers où le revenu net mensuel est inférieur à 1200€ et 46% dans ceux où ces revenus sont inférieurs à 2300 € / mois). A contrario, parmi les moins exposés figurent les hommes, les personnes les plus âgées, les plus diplômées et les plus hauts revenus.

Le niveau de revenus et la dimension financière apparaissent dès lors comme des variables particulièrement discriminantes lorsqu’il s’agit d’appréhender cette question de l’accès aux soins.

Premier frein à l’égalité d’accès aux soins : la dimension pécuniaire

Ces facteurs mis en avant par le rapport annuel de la DREES expliquent probablement en partie les distorsions existantes entre les Français, mais il faut également y voir, de manière sous-jacente et transversale les conséquences d’une dimension économique qui s’immisce de plus en plus dans le parcours de soins des Français. Dans le sondage LH2 d’avril dernier, les interviewés considérant que le système de soins en France est inégalitaire désignaient « le prix élevé des soins et des médicaments » (50% de citations) comme première cause de cette inégalité et plaçaient en troisième « les niveaux de remboursement insuffisant de la Sécurité sociale » (43% de citations).

Pour les Français, les dépenses de santé font partie intégrantes de leur budget et constituent un poste de dépenses sur lequel ils ne souhaitent pas rogner. En dépit du contexte de crise économique où les Français s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat et gardent un œil sur leur portefeuille, plus des deux tiers d’entre eux (68%) déclaraient en novembre 2011 selon Harris Interactive qu’ils ne feront pas d’économies sur leurs dépenses liées à la santé. 82% considèrent même qu’à plus grande échelle l’Etat ne doit pas faire d’économies en la matière.

Ainsi, au quotidien, si les dépenses de santé ne subissent pas les conséquences de la rigueur qui s’installe dans grand nombre de foyers, elles sont tout de même scrupuleusement surveillées. Dans la cinquième vague d’enquête du baromètre Prévoyance Santé, il était mesuré à titre d’exemple que 80% des Français déclarent être vigilants sur le niveau de remboursement des dépenses de santé (stable par rapport à 2007), que 53% font attention au niveau des remboursements d’une consultation avant de prendre un rendez-vous médical, que près des deux tiers acceptent aujourd’hui systématiquement les médicaments génériques (-8 points) et que plus des trois quarts jugent qu’il est indispensable d’avoir une mutuelle. Parallèlement, 68% des Français considèrent que par rapport à il y a deux ans, le budget restant à leur charge après avoir obtenu le remboursement de la Sécurité sociale a augmenté.

Si cette vigilance accrue à l’égard des dépenses de santé se justifie il est vrai par un contexte économique difficile et anxiogène, elle s’explique également par le fait, qu’à l’autre bout de la chaîne, les indicateurs sont au rouge et les annonces régulières relatives au déficit de la Sécurité sociale n’ont rien d’encourageantes bien que les prévisions annoncées pour 2012 soient « moins pires » que par le passé. Précisons ici que le gouvernement a en effet annoncé un déficit du régime général en forte réduction en 2012 par rapport aux années précédentes, puisqu’il sera de 13,9 milliards d’Euros et réduit de 40% par rapport à 2010…

Une dimension économique qui n’est pas seule responsable de ces inégalités

Fin 2011, une étude réalisée par l’Ifop révélait que cette renonciation aux soins était finalement plus complexe qu’il n’y paraissait de prime abord et que deux autres facteurs, en dehors de l’aspect financier, avaient leur part de responsabilité dans cette accession aux soins parfois difficile. Il s’agit d’une part des délais d’obtention d’un rendez-vous (58% des Français déclarent avoir déjà renoncé à des soins auprès d’un spécialiste pour ce motif, +32 points en cinq ans ; 38% dans le cas d’une consultation chez un généraliste, +15 points) et d’autre part, de l’éloignement géographique du médecin que l’on souhaitait consulter (28% lorsque ce dernier est un spécialiste, +19 points). La comparaison de ces données avec celles mesurées en 2007, fait apparaitre qu’en l’espace de cinq ans, la situation s’est particulièrement dégradée.

Dès lors, au travers de ces deux résultats, c’est davantage l’organisation du système en lui-même qui est pointé du doigt avec d’un côté des médecins en nombre insuffisant (dans certaines spécialités notamment) et de l’autre l’épineuse question de la désertion de zones jugées « moins attractives », des sujets sur lesquels certains candidats déclarés à la prochaine élection présidentielle se sont déjà prononcés. D’ailleurs, 48% des personnes jugeant le système de soins inégalitaire désignent « le manque de médecins et d’hôpitaux dans des certains endroits » comme étant le deuxième facteur à l’origine de ces inégalités.

Un sujet qui préoccupe l’opinion

Face à ce ressenti et à ce vécu, quelques inquiétudes se font jour dans l’opinion. Pour près des trois quarts des Français, la qualité du système de soins se détériore (74% contre 61% en 2007), et pour près des deux tiers d’entre eux la situation va encore se dégrader.

Dans la dernière vague d’enquête du baromètre historique de TNS sur les préoccupations des Français, « la santé et la qualité des soins » figurent en troisième place avec 50% de citations, derrière « le chômage et l’emploi » (74%) qui demeurent toujours et très nettement en tête de ce classement et « l’évolution du pouvoir d’achat » (57% de citations), qui au bénéfice d’une progression de huit points, a détrôné la santé de sa deuxième place. On notera par ailleurs toujours dans ce classement que « le financement de l’assurance maladie » se positionne dans la première moitié de ce classement en recueillant 30% de citations qui le place devant des thématiques phares telles que « le logement » ou « la sécurité des biens et des personnes ». Notons toutefois que si un certain nombre de grands indicateurs semblent démontrer que la situation se dégrade, la santé a toujours fait partie des grands sujets qui préoccupent les Français.

Quid de l’égalité d’accès aux soins comme sujet de campagne ?

Plus qu’un mal français, l’évolution des différents systèmes de soins en application aujourd’hui en Europe inquiète jusque dans les sphères les plus hautes. Ainsi et comme le rappelle le rapport annuel de la DREES, « le Parlement Européen a adopté le 8 mars 2011 une résolution en faveur de la réduction des inégalités de santé dans l’Union Européenne. Cette résolution rappelle aux Etats membres que la lutte contre les inégalités de santé est une priorité qui doit être mise en œuvre dans les principes du « Health in all policies » (une inclusion de la santé dans toutes les politiques) ».

Si certains candidats ont déjà énoncé quelques-uns de leurs projets pour garantir l’accès aux soins à tous, le sujet semble pour l’instant être occulté par d’autres enjeux. Pourtant et dans le contexte décrit précédemment, les Français attendent d’être rassurés quant à l’avenir de ce système français et souhaitent que le sujet trouve sa place dans le débat public. Dans un récent sondage publié par Harris Interactive, les trois quarts des Français interrogés répondent d’ailleurs par la négative à la question « Selon vous, les candidats à l’élection présidentielle font-ils de la santé et de la protection sociale une priorité de leur programme ? ». Dans le même temps, plus d’une personne sur deux souhaitent que l’avenir du système de santé français soit un enjeu primordial (52%) lors de la prochaine élection présidentielle quand 46% (plus modestement) y voient un enjeu « important mais pas primordial ». Toutefois quelles que soient les attentes des Français en la matière, les candidats, compte tenu de la teneur du déficit de la Sécurité sociale qui s’inscrit dans un contexte plus général de gestion de la dette publique, ne pourront, a priori, pas faire l’impasse…


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