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Mort de Franca Maï - "Les coquelicots sont éternels"

Par Triol

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Mes yeux sont remplis de coquelicots chatoyants… Il y a du sel sur leur rosée. Parce que tu es morte, grande sœur. Morte, dans cet espace-temps, bien sûr, mais pas dans l’Absolu. Cet autre espace qui nous reste invisible et que tu habites maintenant. Ses questions qui nous taraudent, ses peurs et ses espoirs… Je t’envierai presque, toi qui, à présent, en connais les réponses.

Enfin…

Où es-tu ? Es-tu venue papillonner autour de mes pensées amoureuses ? As-tu fait une visite à ma table ces jours-ci, depuis mercredi dernier, alors que ma main sur la souris cherchait les traces, au cours de cette décennie, de nos rires et fêtes en mots et images ? Ces témoins – si limités – de nos forces vitales de nos essences en perpétuel mouvement. As-tu soufflé tes vagues nacrées autour de mes hésitations ? Ici, je t’avais dessinée. À partir d’une photo qui n’était pas de moi. – Je n’étais pas encore la photographe à qui, par la suite, tu allais ici aussi donner ta confiance – Tu es en train de câliner un crâne humain. Là, tu déchires ta peau avec tes ongles. J’entends ta voix me dire que nous sommes sœurs. Parce que cette image-là, elle dit ce que j’ai raconté dans mon roman, J’air, exactement. J’ai peur, sais-tu. J’avais déjà peur avant que tu t’envoles. Mais s’il te plaît ne m’engueule pas pour ça. Ça me fait flipper ces trucs-là, moi. Ces histoires où on se croise, on se lie, on s’aime, on vit des trucs ensemble, on partage des choses fortes, tantôt durables et tantôt furtives, on se brouille, on se retrouve, en s’aimant encore plus fort qu’avant, et puis un jour, il faut se séparer. Parce que c’est comme ça. Et toi tu t’envoles. Et puis nous on reste là. Et alors on reste ainsi, avec notre putain de mémoire qui nous repasse les films de nos émotions mêlées. Quelque part, je me dis qu’on a tant connu toutes les deux, tant vécu. Feu de la rencontre, feu de joie en broussailles multico, et puis nos passions nous entrainent, amitiés claires-obscures, pièges tendus dans lesquels on tombe toutes deux, à cause de la part d’innocence que les fillettes qui nous habitent nous soufflent avant toute raison, et puis avec le temps, la vérité, déshabillant nos âmes maquillées de pluies, et l’amour ressurgi, jamais enfui en fait, toujours plus fort, plus grand que tout, plus grand que nous… la vie en personne.

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J’en ai écrit des lignes avec toi grande sœur. Et parfois même sans que tu le saches. Et j’en ai jeté des coups de pinceau, des coups de crayons, pour célébrer ta beauté insolente, ce noct-miroir, parfois tes incompréhensions déchaînées, qui étaient aussi les miennes. On nous a tant comparées dans le monde de la littérature d’ailleurs, j’y pense, ici ou là. Il n’y a pas de hasard n’est-ce pas. Ce poignard planté dans notre ventre, est du même tranchant. Le métal précieux de ce monde si jeune, peut-être moribond, si injuste, terrible, et si magnifique aussi. Des petites filles dans des corps de femme. Des corps blessables, des âmes fortes. Attentives au sensationnel, au sens primal du mot. Jouisseuses et donc, réceptacles à la souffrance qu’un grain de sable, même moindre, peut jeter dans l’harmonie, toujours fragile, pour ne pas dire subtile, d’une liesse intérieure légitime. Mais qu’il faut tout de même voler. Et parfois à main armée. D’autorité, comme on dit… Une seconde. Une heure. Un jour. Ô ma belle mon Eternelle, rien de ce que je pourrais trouver via les vaisseaux créatifs que cette vie-mort nous donne, ne montera assez haut pour traduire et rendre la puissance de ce que mon cœur de frangine exalte.

Je t’aime, Franca.

Comme disaient certains peuples dit primitifs (ah ah) -étaient-ce plutôt les romains ?-, la mort d’un être ne survient qu’à partir du moment où il n’y a plus de vivant pour se souvenir de lui. Alors, sois bien certaine, que ta mort n’est pas encore venue et même,

Qu’elle est encore très loin.

La Faucheuse, on sait lui parler, crois-moi. En ces heures où nous vacillons sous ses rictus faussement victorieux, elle se tient bien à distance. Elle n’a pas droit de cité. On la crève et avec quelle allégresse tu vois ! Tu es là. Avec nous. En nous. Pour toujours.

Je t’aime Franca, je t’aime.

C’est une respiration. Au-delà d’histoires techniques d’oxygène.

On se reverra.

Encore.

Oui.

Fuck la tristesse !

Les coquelicots ne meurent jamais.

Sandrine Rotil-Tiefenbach

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