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Référendum : le problème, c’est le chômage, pas les chômeurs

Publié le 12 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Le référendum sur les chômeurs proposé par Nicolas Sarkozy est une manœuvre cousue de fil brun. Dénoncer « l’assistanat » peut être politiquement payant, mais instrumentaliser politiquement la détresse d’une partie de nos compatriotes constitue une faute lourde. Ce que l’on attend d’un candidat, ce sont ses propositions pour sortir du chômage et non celles sur la meilleure façon de policer les chômeurs.
Par Alain Madelin

Référendum : le problème, c’est le chômage, pas les chômeurs

En évoquant l’idée d’interroger directement les français par référendum pour savoir si « les chômeurs avaient le droit de refuser une formation ou un emploi », le Président de la République était assuré de déclencher une polémique. Assurément cette polémique était calculée et voulue par les fins stratèges populistes et droitiers de l’Élysée. Sans doute escomptent-ils aussi tendre un piège à la gauche et rabattre les électeurs du Front National. Mais la ficelle est trop grosse et le piège ne peut que se retourner contre eux.

Certes toutes les études d’opinion montrent qu’il existe une majorité de français pour expliquer les situations de pauvreté et d’exclusion par la « paresse » ou la « mauvaise volonté ». Dénoncer « l’assistanat » peut être politiquement payant. Mais là, la manœuvre est cousue de fil brun. Faire de cette question une affaire de « valeurs », dont on promet, le cas échéant, de laisser les français juges, contre des partenaires sociaux réfractaires ; traiter dans une même démarche référendaire les chômeurs comme des immigrés clandestins qu’il faudrait reconduire de force dans les frontières du travail ; instrumentaliser politiquement la détresse d’une partie de nos compatriotes, tout ceci constitue une faute lourde.

Ce que l’on attend d’un candidat, ce sont ses propositions pour sortir du chômage et non celles sur la meilleure façon de policer les chômeurs. C’est qu’il sache aussi – et c’est d’autant plus fort pour un président sortant – unir les français et organiser le dialogue social.

Dire cela, ce n’est pas nier qu’il puisse y avoir toujours besoin de mieux adapter notre système d’indemnisation du chômage, de formation et de recherche d’emploi.

Sans nul doute des fraudes existent. Tout comme pour les impôts ou l’ISF. Mais c’est là une affaire de contrôles et de sanctions. Assurément, il faut aussi tout faire pour éviter que des familles entières ne s’enferment dans l’assistance et dans la dépendance. Nul doute qu’il faille encore développer la formation des chômeurs, rendre plus incitatif le passage d’une situation de dépendance à une situation de travail (c’était l’objet du RSA).

Pour tout cela, tous les instruments existent déjà. Un chômeur qui refuse deux offres « raisonnables » d’emploi peut être radié. La formation peut être incluse dans un « projet personnalisé d’accès à l’emploi », et son refus peut entrainer des suspensions d’allocations. La recherche d’emploi est contrôlée.

On peut certes vouloir encore perfectionner ces dispositifs, s’inspirer des recommandations de l’OCDE, des expériences plus ou moins réussies menées dans les autres pays. Mais ceci – il faut le rappeler – est d’abord de la responsabilité des partenaires sociaux depuis 1958. L’assurance-chômage, ce n’est pas l’assistanat. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un mécanisme ou par des cotisations assises sur les salaires, ceux qui ont un travail souscrivent une assurance pour le jour où ils pourraient être au chômage. Ils ont des droits en contrepartie de leurs cotisations.

Aujourd’hui, la sagesse commande de renforcer le domaine contractuel autonome des partenaires sociaux. Il serait exécrable de voir l’État dicter sa loi à l’assurance-chômage.

Il est vrai qu’au-delà de cet espace d’assurance couvert par les cotisations, il existe un espace de solidarité financé par l’impôt et qui légitime l’intervention de l’État et les efforts de réinsertion. Nul doute qu’il faille développer des parcours personnalisés, des formations adaptées et le cas échéant des emplois d’utilité sociale offerts par les entreprises ou les collectivités locales pour que les enfants ne parlent pas de leur père en disant qu’il est au chômage ou au RMI mais qu’il travaille à la bibliothèque de la ville ou aux espaces verts. C’est une question de dignité et d’estime de soi.

Tout ceci constitue un champ de réflexion et d’actions raisonnable. Sûrement pas un objet de référendum. Tout le monde sait bien d’ailleurs qu’il ne verra – heureusement – jamais le jour.

Agiter aujourd’hui cette perspective, parler de référendum, c’est prendre le risque de stigmatiser des chômeurs qui n’en peuvent mais. C’est faire croire que l’État pourra rendre obligatoire des emplois qui n’existent pas. C’est méconnaître que le chômage a vite fait de briser des familles et de conduire à des situations de misère et de détresse. Et qu’au moment où il semble de bon ton de hiérarchiser les valeurs, le respect de cette détresse humaine, le devoir d’attention et de compréhension doivent l’emporter sur le désir de police.

C’est pour cela que je m’étais ému des propos maladroits et choquants de Laurent Wauquiez dénonçant « l’assistanat » comme un « cancer » de la société française et prônant l’instauration punitive d’un travail obligatoire. C’est pour cela encore que j’avais mis en garde l’UMP qui, dans son programme, reprenait cette thématique de la « lutte contre les dérives de l’assistanat » en voulant alors croire que de telles propositions ne seraient pas reprises le moment venu par le Président-candidat.

Cette stigmatisation des plus faibles n’est pas acceptable. Elle heurte de trop nombreux français. Elle ne sera pas acceptée.

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