Ce lundi 13 février, le tribunal de grande instance de Lyon a déclaré la firme américaine agrochimique Monsanto responsable de l'intoxication de l'agriculteur charentais Paul François, qui avait utilisé le Lasso, un herbicide appartenant à la firme. Cette dernière devra indemniser l'agriculteur de la totalité de son préjudice, une première en France.
En 2004, Paul François, agriculteur dans les Charentes, a été intoxiqué par des vapeurs de l'herbicide Lasso de Monsanto. Il fut rapidement pris de nausées et d'évanouissements, puis d'une multitude de troubles l'obligeant à interrompre son activité pendant près d'un an: bégaiement, vertiges, maux de tête, troubles musculaires. Ses troubles persistants ont été reconnus en maladie professionnelle en 2008 et Paul François est désormais considéré comme invalide à 50%.
Paul François a alors lancé une procédure en responsabilité civile contre Monsanto. L'audience a eu lieu le 12 décembre 2011, devant la 4è chambre civile du TGI de Lyon. Lors de cette audience, l'avocat de l'agriculteur, Me François Lafforgue, a notamment reproché à Monsanto d'avoir "tout fait pour laisser le Lasso sur le marché" alors que sa dangerosité avait été établie dès les années 1980, d'où son interdiction au Canada, en Angleterre et en Belgique (ce n'est qu'en 2007 qu'il a été retiré du marché français).
Le TGI de Lyon a aujourd'hui rendu sa décision dans cette affaire en "condamnant Monsanto à indemniser entièrement Pierre François de son préjudice". Une expertise afin d'évaluer les préjudices et fixer les dommages et intérêts a ainsi été ordonné par la Justice.
Voici donc une grande victoire pour Paul François, qui a notamment créé en 2011 l'association Phyto'Victimes qui vient en aide à tous les agriculteurs touchés par les pesticides. Suite à ce verdict, l'agence nationale de la sécurité sanitaire (Anses) a d'ailleurs décidé de s'autosaisir pour mener une enquête globale sur la santé des agriculteurs, dont les conclusions sont attendues d'ici 2013.
Les réactions de joie et de soutien sont nombreuses auprès de l'agriculteur :
" Générations Futures salue cette décision courageuse du TGI de Lyon. La reconnaissance de la responsabilité de Monsanto dans cette affaire est essentielle : les firmes phytosanitaires savent dorénavant qu'elles ne pourront plus se défausser de leurs responsabilités sur les pouvoirs publics ou l'utilisateur et que des comptes leurs sont demandés " a ainsi déclaré François Veillerette, Porte Parole de Générations Futures, dans un communiqué. " C'est une étape importante pour tous les agriculteurs et les autres victimes des pesticides qui voient enfin la responsabilité des firmes mise en cause dans les maladies douloureuses qui les touchent et leurs préjudices indemnisées " a-t-il ajouté.
La porte-parole d'Eva Joly Michèle Rivasi, a également réagit au verdict. "C'est une très bonne nouvelle et une belle victoire, en attendant que Monsanto fasse appel. Comme Paul François, de nombreux agriculteurs manipulent quotidiennement des produits extrêmement nocifs pour la santé et déclarent par la suite des maladies neurologiques qui peuvent dans certains cas s'avérer très graves. Alors qu'il est désormais impossible de nier l'impact sanitaire de l'utilisation de tels poisons, il est scandaleux de mettre tant d'obstacles aux agriculteurs et à la reconnaissance de leurs maladies en tant que maladies professionnelles. Plusieurs pays comme le Canada, le Royaume-Uni et la Belgique ont reconnu le Lasso comme dangereux dès les années 1980 et 1990. Du fait du lobbying exercé par Monsanto il a fallu attendre 2007 pour qu'il soit enfin retiré du marché français. Maintenant que les résultats médicaux et scientifiques sont indéniables, il faut supprimer les autres produits phytosanitaires concernés. Quand on considère le coût sanitaire, économique et environnemental, il devient évident qu'une autre agriculture, biologique et durable, est non seulement possible mais nécessaire", a-t-elle ainsi déclaré dans un communiqué.