Magazine Médias

Quel est le parti suisse le plus libéral?

Publié le 14 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Plusieurs partis helvétiques actuels ou disparus se revendiquent ou se sont revendiqué du libéralisme. Aujourd’hui encore, le parti le plus libéral n’est pas forcément celui que l’on croit. Alors, UDC ou PLR?

Par Stéphane Montabert (UDC), depuis Renens (Suisse).

Quel est le parti suisse le plus libéral?Sur le départ, le président du Parti Libéral-Radical suisse Fluvio Pelli a fait son autocritique – un exercice relativement difficile, et vraisemblablement raté.

Je suis libéral. Cette conviction profonde, aboutissement d’un cheminement personnel, est très antérieure à mon adhésion à un parti politique suisse. Mais elle me pousse naturellement à suivre ce qui se passe dans les rangs du Parti Libéral-Radical.

On peut se demander: que fait un libéral à l’Union Démocratique du Centre? Poser cette question montre un manque de compréhension des valeurs réelles sous-jacentes à chaque formation politique, tant l’UDC que l’actuel PLR. Mais comme cet aspect des choses est central pour notre compréhension, il faut procéder à un développement.

Si on devait vraiment la réduire en deux mots, l’UDC est un parti libéral-conservateur. Libéral sur le plan de la responsabilité individuelle et de l’économie, conservateur sur le plan de la société, par respect des traditions et du mode de vie helvétique prévalant jusqu’à une époque relativement récente.

Lors de ma toute première rencontre officielle dans le parti, la traditionnelle soirée pour les nouveaux membres, je me suis présenté de but en blanc: « Stéphane Montabert, politiquement libéral, nouveau membre UDC. » Je me demandais si une telle annonce n’allait pas provoquer quelques haussements de sourcils. Il n’y eu rien de tout cela. Non seulement je fus parfaitement accueilli et accepté, mais surtout, je découvrais vite que j’étais loin d’être seul. Bien d’autres membres, élus et cadres de l’UDC partageaient les mêmes valeurs que moi.

Alors, l’UDC, un vivier de libéraux? C’est aller un peu vite en besogne. L’UDC compte dans ses rangs de solides conservateurs, et on pourra même dénicher des socio-démocrates, hélas, sans se donner trop de peine. Un mouvement tel que l’UDC ne saurait être monolithique, ne serait-ce qu’à cause de sa taille. Mais même eux peuvent être amenés à épouser un certain degré de libéralisme, par simple utilitarisme. Et il y a à l’interne une forte proportion de libéraux, des gens qui ont estimé, comme moi, que la défense de l’éthique libérale était mieux défendue par l’UDC qu’à travers n’importe quel autre parti.

On peut évidemment se demander pourquoi ces « dissidents » ne sont pas dans le giron du parti libéral officiel. Ce qui nous amène à nous y intéresser d’un peu plus près.

Pour commencer, la dénomination du parti libéral est Parti Libéral-Radical, et ce n’est pas pour rien. Dans libéral-radical, il y a libéral, mais surtout radical; ceux qui s’intéressent à l’histoire politique suisse ne peuvent que s’étonner de la fusion récente de deux mouvements aux valeurs aussi antagonistes. Comme le mentionne Wikipedia:

Le PRD a été le parti le plus important de Suisse et représentait l’exclusivité du Conseil fédéral jusqu’en 1892. La construction de la Suisse moderne doit beaucoup au PRD, qui était alors situé à la gauche de l’échiquier politique (d’où son nom de radical). D’autres partis, tels que le Parti socialiste se sont positionnés plus à gauche que le parti radical, qui est de ce fait devenu un parti de droite.

Oui, les libéraux helvétiques ont choisi entre 2005 et 2009 de s’unir avec des radicaux considérés comme « héritiers de la gauche anticléricale et jacobine des libéraux de 1830″ et nostalgiques de la vision de République Helvétique voulue en son temps par Napoléon. Certes, tout ceci remonte à deux siècles, mais quelques valeurs cardinales du radicalisme sont restées bien vivaces, comme le centralisme et l’étatisme, foncièrement opposés au fédéralisme et au principe libéral de subsidiarité.

Quel est le parti suisse le plus libéral?Les libéraux n’ont pas accepté ce mariage de la carpe et du lapin que pour de basses raisons électoralistes ; la démarche d’un mouvement en perte de vitesse a été rendue d’autant plus facile qu’ils se sont eux-mêmes singulièrement éloignés des principes libéraux classiques, forçant certains d’entre eux à prendre le maquis. Même s’ils le prétendent encore parfois, ils ne sont plus guère les défenseurs des entrepreneurs et des PME (qui se tournent en masse vers l’UDC) mais ceux des banquiers de l’establishment et des grandes entreprises, le « capitalisme de connivence« , la même alliance malsaine entre administrateurs et politiciens qui ronge bien d’autres pays occidentaux.

Pendant des décennies, l’appartenance à la famille radicale était pratiquement un choix professionnel: être cadre du parti était la marque d’appartenance à une certaine élite, un marchepied permettant d’intégrer un siège confortable dans un conseil d’administration de grande entreprise. Cette position d’antichambre du pouvoir économique a amené nombre d’affairistes et d’ambitieux à faire carrière au sein du parti – avec des convictions politiques plus que discutables.

Finalement, les deux composantes de la fusion ne sont, de loin, pas de force égale: les radicaux écrasent les libéraux à l’interne et dans les rouages du parti. Seules les sections « jeunes » laissent un peu plus d’oxygène aux défenseurs de la liberté.

C’est ainsi que le PLR en est devenu à tenir des positions invraisemblables de naïveté et complètement à contre-courant du libéralisme, comme l’adhésion à l’Union Européenne (un ensemble supra-national antidémocratique et bureaucratique) ou le refus du renvoi des criminels étrangers (au nom d’une doctrine universaliste faisant fi de la réalité).

Au sein du PLR, les traditions helvétiques de neutralité, d’indépendance et de démocratie directe sont perçues comme un héritage désuet, quand elles ne sont pas ouvertement combattues.

Pour ceux qui s’intéressent aux médias suisses, il y a à peu près autant d’écart entre le libéralisme authentique et le libéralisme sauce PLR qu’il y en a entre le magazine Bilan sous la direction d’Olivier Toublan (ou sa version alémanique) et ce qu’il est devenu sous la plume d’un Stéphane Benoit-Godet et d’une Myret Zaki… Rien d’étonnant donc à ce qu’un Fathi Derder, émanation journalistique romande portant sa médaille anti-UDC en sautoir, en devienne l’ambassadeur à Berne.

Sachant tout cela, choisir l’UDC n’a rien d’un crève-coeur pour un libéral. Les piques partisanes de certains membres du PLR font sourire, mais montrent aussi que les membres de ce parti, à supposer qu’ils soient eux-mêmes libéraux, semblent bien peu capables d’appréhender la puissance des forces libérales au sein de l’Union Démocratique du Centre – un manque de discernement qui résonne comme une parodie de ce qu’ils reprochent à l’UDC.

Cela allait-il changer avec « l’autocritique » de Fluvio Pelli? C’était en attendre beaucoup. Le président sur le départ d’un agrégat sur le déclin s’est contenté d’un mea culpa du bout des lèvres; s’il a vilipendé « les excès de l’économie » trop vite couverts par le parti – quelle audace! – il regrette le virage tardif en faveur de l’écologie  (parce que retourner sa veste sur le nucléaire après Fukushima n’a rien à voir avec de l’opportunisme…) et bien sûr, dénonce le « populisme » des autres partis, en se gardant bien d’en donner la définition.

Ce n’est que si le PLR atteint à nouveau une part d’électeurs de 20% ces prochaines années qu’il pourra remettre à leur place les ennemis d’une Suisse libérale: « Pour cela, nous devons porter le feu libéral vers les gens de ce pays », estime Fulvio Pelli.

Le PLR à 20%? On risque d’attendre longtemps. Quand au « feu libéral » porté par M. Pelli, il risque de ne pas réchauffer grand-monde…

Tous les partis politiques suisses sont traversés par des courants, et le PLR ne fait pas exception. Mais l’incarnation actuelle du grand vieux parti est peut-être plus fragile que n’importe quelle autre. Les tensions sont vives entre des philosophies libérales et radicales diamétralement opposés. Bien sûr, les échecs électoraux successifs n’arrangent rien. Mais il est difficile de convaincre les électeurs quand la moindre discussion profonde à l’interne risque de dégénérer en divorce. On en est réduit à aligner des lieux communs, dans la plus banale superficialité, et son président nous en a malheureusement gratifié d’un dernier exemple.

Personne ne sait de quoi l’avenir sera fait, mais il faudra encore du chemin avant que le PLR ne soit le siège d’un réveil du libéralisme, à supposer que cela survienne un jour.

En attendant, l’indépendance et la neutralité helvétiques, la souveraineté populaire, la baisse des impôts, la gestion saine des deniers publics, l’attention sur les fonctions régaliennes de l’Etat et la défense du fédéralisme n’ont jamais été aussi bien défendus que par l’UDC. Qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, c’est un fait.

J’ai une certaine affection pour mes collègues de pensée dans les rangs du PLR, mais j’estime pourtant que place des libéraux est au sein de l’UDC. J’étais parvenu à cette conclusion il y a plusieurs années déjà, et je n’ai jamais eu à le regretter.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Copeau 583999 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte