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« Les valeurs à la hausse dans la campagne présidentielle »

Publié le 15 février 2012 par Delits

Nicolas Sarkozy dans son entretien au Figaro Magazine qui titrait en une « mes valeurs pour la France », aurait-il sifflé la fin de partie d’une campagne présidentielle d’experts endormie sous les chiffres et les mesures sur fond de crise monétaire et sociale, quittant le terrain de l’économie pour celui des valeurs et rehaussant ainsi le débat à un niveau politique au sens premier du terme ?

Il est vrai que notre société, face à la montée d’une nouvelle forme de pouvoir supra nationale née de la mondialisation et de la déréglementation financière, assiste impuissante à une crise qui trouve ses racines hors de nos frontières mais qui vient impacter notre vie quotidienne tant en termes d’emploi que de pouvoir d’achat.

Quoi de plus naturel pour les candidats à l’élection présidentielle que de proposer à leurs électeurs en pertes de repère, un projet, une boussole, un sens pour leur avenir et celui de leurs enfants.

Un retour aux valeurs traditionnelles

Il n’est pas surprenant d’assister ainsi au retour des valeurs dans notre société, comme ultime refuge de notre devenir.

Dans une étude publiée en novembre 2011 par l’IFOP pour Europe 1 et Paris-Match à six mois de l’élection présidentielle, on retrouvait en tête du classement les valeurs républicaines que sont la liberté, l’égalité et la laïcité. On notera en écho à l’interview de Nicolas Sarkozy que la responsabilité, le travail et l’autorité étaient citées respectivement par 88%, 83% et 72% des Français. Plus surprenant, le mot « entreprise » qui se situe en 5ème position est en hausse de 13 points par rapport à l’enquête de 2006. A contrario, sont rejetées sans surprise la mondialisation et le capitalisme, perçues comme les maux actuels de notre société, comme l’atteste la dernière vague de février du baromètre TNS Sofres pour TriElec 2012 : 62% des personnes interrogées estiment que les conséquences économiques de la mondialisation sont extrêmement négatives pour la France.

A cet égard, il est intéressant de relever également dans un autre registre régalien que l’image des armées, seule institution publique épargnée par nos concitoyens, n’a jamais été aussi bonne, sans doute parce qu’elle incarne le dernier rempart de notre sécurité collective dans un monde de plus en plus incertain, mais aussi parce qu’elle représente des valeurs qui font le fondement moral de notre société. Ainsi un récent sondage CSA réalisé pour le ministère de la défense montrait que pour deux Français sur cinq les valeurs associées à la Défense faisaient partie des valeurs clés de la société française : l’esprit d’équipe, la discipline et le courage étaient largement plébiscités.

Cela étant, si ce retour aux valeurs « traditionnelles » est souhaité par les Français, c’est sans doute aussi parce qu’elles n’ont jamais été autant menacées : un tiers seulement des Français considère que la devise de la République est bien appliquée aujourd’hui. L’attachement à la valeur « travail » est également contrarié puisque près de 80% des Français estiment qu’il y a trop d’assistanat et de personnes qui abusent des prestations sociales et près de la moitié des Français déclarent qu’on ne laisse pas assez de liberté aux entreprises.

Cette même étude de TNS Sofres montre que 55% des Français pensent que l’école devrait donner avant tout le sens de la discipline et de l’effort. On est bien loin de l’esprit de mai 68.

La « reliance » : synthèse des valeurs collectives et des valeurs individuelles

Le débat qui s’est enflammé sur les civilisations montre loin s’en faut que les valeurs restent dans l’esprit des Français un sujet sensible ou tout au moins clivant. Certains commentateurs politiques prédisent ainsi un combat des valeurs autour des projets des deux principaux candidats. Mais existe-il des valeurs de droite et des valeurs de gauche ? Selon l’étude de l’IFOP, la droite et la gauche partagent au moins deux valeurs qu’elles placent toutes deux en tête du classement : la liberté et la responsabilité. Les sympathisants de gauche se tournent ensuite vers l’égalité, la solidarité et la laïcité alors que ceux de droite prônent l’effort, la Nation et l’entreprise.

Il est clair que dans le discours politique de droite on pense davantage à la Nation comme ciment de notre société autour de nos valeurs républicaines, alors que dans celui de gauche on évoque plutôt l’Etat comme garant de notre cohésion sociale. Le sens donné à deux valeurs communes que sont la responsabilité placée en 1er à droite et la liberté placée en 1er à gauche n’est sans doute pas le même : d’un côté on parlera d’une responsabilité morale comme « complément indispensable de la liberté » pour citer les propos du président de la République, comme rempart d’un libéralisme débridé qui génère les crises que nous subissons aujourd’hui, de l’autre on évoquera une responsabilité sociale qui protège la liberté du citoyen face à la crise économique.

On pourrait ainsi résumer schématiquement qu’un débat se prépare autour d’un côté des valeurs plus individuelles qui prônent l’action et de l’autre des valeurs plus collectives qui incarnent la protection.

Cette dichotomie se retrouve dans la société d’aujourd’hui partagée entre un individualisme développé par Internet et sans doute exacerbé par la crise, une sorte « de chacun pour soi » et un retour de nouvelles formes de collectif symbolisé de manière virtuelle par les réseaux sociaux et de manière réelle par le goût des fêtes (fête des voisins, pots d’entreprises, vide-greniers par exemple). Le monde associatif ne s’est d’ailleurs jamais aussi bien porté depuis quelques années.

Ce nouveau lien social qui fait la synthèse entre l’individu et le collectif que certains appellent « reliance », que l’on pourrait traduire en reprenant la définition d’Edgar Morin par une volonté de recréer des liens, s’exprime à plusieurs niveaux : à soi-même (l’idée de « se retrouver », aux autres (se rapprocher des autres) et à la société (se réapproprier le monde).

  * * *

Valeurs individuelles, valeurs collectives, c’est en somme le défi de nos politiques que de les réconcilier et de les faire partager, face à une société de plus en plus cloisonnée, de plus en plus opposée, de plus en plus démembrée. Ce n’est pas un hasard si les jeunes d’aujourd’hui désabusés se retournent vers les valeurs familiales à la recherche d’un foyer stable.

Ce n’est pas surprenant que les Français se réapproprient également les valeurs républicaines.

Face à la crise économique et à la mondialisation, les électeurs inquiets ou déboussolés (n’oublions pas que le peuple français est le plus pessimiste d’Europe) se retournent vers ceux qui se présentent pour guider la Nation en leur demandant à la fois de les protéger mais aussi de redonner un sens aux valeurs communes qu’incarne la République.

 


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