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The kids are not alright

Par Blanche @BlancheCL

Soirée sans parents à la maison, et je me suis dit que ça ferait une bonne occasion de poster enfin quelque chose ici, ce que je n’ose pas faire depuis environ 10 jours. Je suis comme timide devant ce nouveau blog, cette nouvelle page d’article WordPress superclasse, en tout cas mille fois plus classe que skyblog.

Ma vie de préparationnaire s’effondre. Et c’est peu dire. La classe préparatoire est un système très relativement bénéfique à l’épanouissement des élèves. Comprendre : si en sortant du bac vous êtes déjà quasi-adulte, bien dans vos shoes et que vous savez ce que vous voulez, quelles sont vos valeurs, si vous êtes psychologiquement forts et que vous êtes prêts à supporter la difficulté et le snobbisme ambiant, oui, la prépa peut vous réussir; mais si vous êtes encore un ado, à la vision légèrement bancale des choses et à la recherche de votre petit être perdu dans le monde, si vous avez un légère tendance à quoi que ce soit (stress, fatigue, bouffe, perte de confiance), vous deviendrez probablement ce que tout élève de prépa devient à un moment ou à un autre : aliéné. Et je ne le dis pas au sens métaphorique du terme, je ne le dis pas dans le sens « taré » ou même légèrement bargo, trop stressé ou préoccupé de ses notes et de son avenir, je le dis au sens propre : une partie de vous s’éteint, certes pas définitivement, mais quand même, au bout d’un an et demi de cette soit-disant course à l’excellence. Je ne saurai pas dire exactement laquelle s’est éteinte en moi, mais croyez une chose : je n’ai plus la moindre envie de lever mon stylo pour aucun prof d’aucune prépa d’aucune ville de France, et je n’ai plus envie de discuter avec quelque élève-fou-sado-masochiste de prépa que ce soit. Car oui, mesdames et messieurs, pire que l’administration inefficace et bornée de mon bahut mal-chauffé et à l’organisation douteuse, pire que mes profs psycho-rigides et mono-maniaques, il y a les élèves de Khâgne (à prononcer avec un ton plein d’emphase) qui agissent comme s’ils étaient tout bonnement retournés tout droit au Jardin d’Eden, alors que nous vivons de la façon la plus évidente et aux yeux de tous comme des esclaves. Et je vous prie de ne pas prendre mes mots trop au pied de la lettre : personnellement, il y a longtemps que je ne suis plus esclave de la prépa, je ne pense pas en fait l’avoir jamais été, tant je me contrefous de ce bazar. Mais eux gambergent dans une sorte de monde parallèle, qu’on croirait être le celui des bisounours, se félicitent de leur joyeuse « ambiance de classe » (mot sacré, ne pas montrer la moindre condescendance si l’on ne veut pas passer pour le rabat-joie de service) et réfutant tout argumentation (celle-ci, pour n’en citer qu’une) pouvant ébranler leur petit nid bien chaud d’intellos bas-de-gamme. Et j’ai bien du mal à mettre le doigt sur la question principale. Serait-ce   »mais où vous a-t-on appris à être si faibles, si peu préoccupés de votre maturité et de votre fierté de jeunes adultes, où vous a-t-on dit que vous vouliez à tout prix être rabaissés en permanence par des profs à l’autorité plus que douteuse, où avez-vous perdu votre lucidité, votre dernier milligramme de sens critique? » ? Ou bien est-ce plutôt : pourquoi, au nom du Seigneur, passez-vous votre temps à vous plaindre des devoirs, des profs et de leur attitude infantilisante et dégradante, du bahut mal foutu, et ce non seulement sans ouvrir une seule fois votre charmante petite bouche pourtant capable de débiter 20 minutes de stupidités sur l’agriculture sud-américaine, mais surtout sans accorder le moindre crédit à une personne prenant la peine de faire le sale boulot à votre place, d’écrire un article bien senti, bien ficelé, dénonçant TOUS les problèmes que vous pouvez rencontrer en tant qu’élèves, en un mot une personne capable contrairement à vous de protester un tant soit peu contre ce que vous subissez passivement sans jamais broncher? On ne vous demande pas de monter sur les tables en jetant vos stylos à plume sur les professeurs en criant « révolution! » (quoi qu’ils le mériteraient), simplement d’essayer des les habituer un minimum à l’information capitale qu’ils semblent n’avoir toujours pas reçue : vous êtes des humains à part entière, et surtout des adultes. Je crois avoir entendu quelque part qu’en prépa on apprenait aux élèves à s’exprimer? Que diable ne le faites-vous ?

Il semblerait que ce soit pire encore que la peur, que la lâcheté, qui empêchent nos pauvres brebis d’émettre le moindre son face aux rigides affirmations professorales, mais bien une disparition totale de libre-arbitre. Lorsqu’on accuse le système, ils ne sont capables que de dire « n’importe quoi, c’est exagéré » (bravo pour leur avoir enseigné comment s’exprimer de façon argumentée et construite…) et d’ailleurs, le prochain qui me dit « mais non, ça dépend des gens, c’est pas vrai pour nous, nous on va bien », je lui fais bouffer sa copier de philo et écrire mille lignes à base de « Dans ce cas, je dois arrêter de me plaindre de tout ce qui ne va pas et assumer ma faiblesse et ma lâcheté ».

Je serai ravie de répondre à la question suivante, que je leur laisserai très généreusement l’occasion de me poser : et toi, pourquoi tu ne fais rien, grande prêtresse du jugement dernier ? La réponse est simple, mes chers amis : CE-N’EST-PAS-MA-GUERRE. Vous m’avez tellement dégoutée de tout, vous et vos professeurs adorés, que j’en ai perdu jusqu’au goût de de vouloir à tout prix changer les choses, qui est pourtant habituellement plutôt prononcé chez moi. Je n’en peux tellement plus de vos jérémiades que sitôt la dernière journée de cours terminée (ou même avant ça) et mes équivalences en poche, je vous laisserai crever dans votre stress du concours et dans votre médiocrité, je ne m’occuperai plus jamais de vous et de vos pitoyables histoires de réveil raté, de devoir mal révisé et de colles pathétiques, en un mot : je pourrai enfin me foutre allègrement de toutes ces conneries. Le système est mauvais, un des plus mauvais que je connaisse, et vous n’êtes pas les seuls à blâmer pour ça. L’éducation nationale est mauvaise, c’est un fait. Mais si vous continuez à la fermer, vos enfants chéris qui iront en prépa auront les mêmes problèmes incessants que vous, et ici je peux même dire que nous, parce que vous n’aurez pas eu le cran de lever la main pour autre chose que donner une bonne réponse en cours de litté. Bref, pour résumer ma position, je refuse d’engager quelque partie de mon esprit ou de mon corps que ce soit dans un combat perdu ; et je n’ai pas pour habitude de considérer les combats comme perdus d’avance, mais je rends les armes devant un tel mur de rigidité. Oui, c’est bien le mot qui caractérise ce système : la rigidité. La peur du changement. Seul conseil possible : détendez un peu les ficelles de votre string, faites du sport, prenez de la drogue, et faites l’amour, parce que lorsque vous serez enfin normalien (et c’est pas demain la veille) vous appartiendrez pour toujours à la catégorie de population la plus méprisée de toutes (trop bien payée, trop intelligente, vivant complètement en retrait de la réalité) et aurez perdu pour toujours une chance d’avoir une vie sociale normale en dehors de votre petit milieu intellectuel et guindé.

J’ai conscience de passer pour une adolescente en crise crachant rageusement sur le système du haut de son soit-disant donjon de valeurs morales, pour une gamine teigneuse et légèrement atteinte d’un complexe de supériorité à peine masqué, pour une grosse rabat-joie. Mais je vais vous dire, je suis pas loin de ça. Je l’assume. Je n’en peux plus de sourire à mes petits camarades et de leur faire la conversation sur la santé en Europe, le Cône Sud et François Villon, parfois même carrément malgré moi. Il est grand temps de se rendre compte qu’on ne change pas un monde en restant le cul sur sa chaise. The kids are not alright.

The kids are not alright

Tags: coup de gueule, Marie Desplechin, Prépa

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