Une fois n’est pas coutume, je laisse ma plume… Violaine d’Harcourt jeune designer diplômée depuis 2010 nous faisant l’écho du dernier salon Stockholm Furniture Light fair 2012.
Chronique d’une design week à Sockholm
Du 7 au 12 février s’est tenu à Älvsjö la “furniture & light fair” de Stockholm.
S’y rendre, pour un amateur de design habitué à dévorer les pages de blogs pour se tenir informé des actualités, c’est un pur moment de bonheur ! On peut enfin s’asseoir, essayer, toucher. Et s’informer sur tous ces meubles et objets qu’on est fréquemment contraint à voir sur un écran.
Le plus novateur et amusant se trouve souvent dans la partie consacrée aux jeunes designers : La Green House. Ici, les écoles de design exposent et donnent beaucoup de libertés et de moyens à leurs étudiants.
C’est de l’expérimentation pure. Mais dans la Green House il y a aussi des designers plus au fait du métier et des réalités financières qui l’accompagnent.
J’ai rencontré un de ces jeunes studios : Mandalaki. Son nom signifie “pince à linge” en grec.
C’est le symbole qu’ils ont choisi comme ligne directrice de leur projet : utilité, design suivant la fonction, quête de l’essentiel. Ils visent l’instauration de gestes mécaniques et de nouvelles habitudes adaptées à notre environnement.
Ces trois designers en herbe ont entre 25 et 27 ans : Giovanni est milanais, Enrico vénitien et Koli rhodien.
Ils se sont rencontrés au cours de leurs études en design industriel à Milan. Après avoir travaillé ensemble sur différents projets, allant de l’installation éphémère au design de mobilier, ils en sont arrivés à une évidence : la nécessité de créer leur propre studio. Quelle énergie ont-ils déployé pour participer à ce salon ! “Milan nous ennuie” disent-ils, “là bas la foire est devenue trop grande, on s’y perd.
On préfère venir à Stockholm et s’immerger dans les racines de notre métier. Ils sont donc partis en voiture, depuis Milan, vers le grand nord, l’avion revenant trop cher pour le transport de leur meubles. Ils sont arrivés à destination 4 jours plus tard, après une étape à Berlin et une autre à Copenhague, où des amis les ont hébergé. Plus de 5000 km aller-retour, 6 jours sur place, une belle entreprise! Un exemple de volonté estimable de la part de ces jeunes pousses, qui croient en leur projets et en leur métier. Ils ont notamment mis au point des tréteaux pour bureau, dans lesquels sont directement intégrés des prises électriques et des connections USB. Destiné aux bureaux et aux écoles, cet ingénieux système sera prochainement édité et distribué par la société grecque Dromeas.
Coup de cœur personnel pour leurs installations lumineuses. www.mandalaki.com
Un peu plus loin dans ce département grouillant de jeunes talents, une designer venue de mon loin, certes, mais non pas moins volontaire : la norvégienne de 28 ans Kristine Five Melvaer.
Elle présente pour sa part une collection de luminaires appelés Ray, Sunday et Light Jars. Son objectif est de créer des produits attachants, afin de lier émotionnellement l’objet et son utilisateur. L’affection qu’elle porte à ses créations est déjà une belle réussite !
Le thème de sa collection “le corps, la peau et le contexte” donne une approche sensitive du sujet, et c’est ce qui la rend particulière. La ‘Light Jar’ est faite de chêne travaillé à la main et de verre soufflé. Une lampe qui permet, au delà de sa fonction éclairante, d’y ranger des objets ou babioles ainsi exposés “sous verre”. Un concept simple, sensé et poétique. L’originalité de la démarche de Kristine est probablement due à son parcours multidisciplinaire : après un diplôme en design industriel à Oslo, elle a étudié le graphisme et ter- mine actuellement des études de communication visuelle. www.kristinefivemelvaer.com
Je poursuis ma promenade dans cet immense temple du design. Dans le hall d’entrée, l’invitée d’honneur de cette année : la française Inga Sempé, célèbre par le nom de son père l’illustre illustrateur du Petit Nicolas mais aussi par certaines de ses pièces devenues presque cultes : le canapé ‘Ruché‘ édité chez Ligne Roset et la lampe ‘Vapeur‘ faite dans un papier plastique recyclable a 60%, le Tyvek éditée chez Moustache.
Elle est l’unique française à travailler avec des maisons suédoises, notamment Wastberg qui édite depuis 2010 ses lampes ‘w103b‘, ‘w103c‘ et ses suspensions du même modèle. Lors de ces salons, l’univers des blogs Internet a désormais sa place : pour la quatrième année consécutive, Designboom a son territoire attribué, sur lequel 40 designers venus des quatre coins du monde exposent leurs créations. Chacun est assis derrière sa petite table, présentant humblement son travail fait main, fabriqué en édition limitée. Ils œuvrent avec application, sous nos yeux intrigués, en espérant rencontrer d’éventuels acheteurs, distributeurs ou simplement un journaliste qui pourrait évoquer le travail auquel ils se consacrent avec passion.
http://www.designboom.com / http://www.ingasempé.fr /http://wastberg.com
Dans le Hall A on retrouve tous les studios “in” du moment, à côté des grands qui restent en vogue depuis des années. Pour en citer quelques uns, étaient présents Muuto, le célèbre studio danois créé en 2006.
Son nom, inspiré du finnois “muutos” qui signifie “nouvelles perspectives” et son slogan “New Nordic” donnent une idée de l’esprit de leur collection. S’efforçant de remettre au goût du jour de design scandinave, ils rencontrent un succès à la hauteur de leur démarche. Plus que jamais, les grands italiens sont là : Flos, lié depuis sa création aux frères Castiglioni, n’a pas manqué le rendez-vous.
Le suisse Vitra était lui aussi présent, avec toujours foule à son stand. Tous rivalisent d’inventivité, déployant des scénographies parfois extrêmement originales, et tentent d’attirer le plus de visiteurs à coups de coupes de champagne et autres appâts aguicheurs. www.muuto.com
Mention spéciale au danois Hay qui, depuis à peine 10 ans, s’est donné pour mission de redorer le blason du design de son pays. Ils étaient ici installés dans une chaleureuse maison de bois, où l’on trouvait des meubles, mais aussi des accessoires de bureau et un choix varié d’articles textiles. Leur stand ne passait pas inaperçu.
On pouvait notamment s’asseoir sur une très belle réédition en hêtre de la ‘J77′ de Folke Palsson (1960′). L’italien Luceplan a, pour sa part, mis en valeur son produit phare de l’année : le luminaire ‘Hope’ de l’argentin Francisco Gomez Paz et de Paolo Rizzato, lauréats du Compasso d’Oro ADI 2011.
Pour sa conception, les deux designers ont utilisé des matériaux contemporains et fait appel a des technologies extrêmement sophistiquées comme l’utilisation de lentilles de Fresnel. Ces lentilles en polycarbonate étaient destinées, à l’origine de leur création, à équiper le système optique des phares de signalisation marine. Ici, elles permettent de multiplier la source de lumière et la diffusent en une multitude de facettes lumineuses et brillantes, tel le célèbre diamant Hope dont ce luminaire porte le nom. Le résultat : une lampe architecturale surprenante de légèreté. www.hay.dk
Considérée comme le plus grand événement annuel en ce qui concerne le design scandinave, la foire du meuble de Stockholm est à la hauteur de sa réputation. Non seulement pour ce que l’on y voit en matière de mobilier, mais aussi par l’atmosphère sereine et inspiratrice qui s’en dégage. Les gens du nord ont su donner au design des lettres de noblesse qu’il n’est pas prêt de perdre.
Une visite de la ville même de Stockholm permet de s’apercevoir que le goût et le raffinement y sont omniprésents, tant dans l’esthétique générale qu’ils s’efforcent d’y instaurer que dans les manières respectueuses des ses habitants, qui vous parlent dans un anglais plus que parfait et s’habillent avec la plus grande élégance malgré le froid qui peut sévir !
Rédactrice : Violaine d’Harcourt