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Petites fraudes fiscales entre amis (1) : le NiCaPanaSung

Publié le 09 mars 2008 par Kalvin Whiteoak

quelquedollars.jpgOn avait promis ici quelques exemples pratiques de fraude fiscale caractérisée connus des services fiscaux suisses et contre lesquels ces derniers se refusent à agir. Ce n'est donc pas pour une fois un manque de technicité qui les fait agir ou plutôt dormir comme ceci, mais une volonté politique claire transmise du haut de l'Etat, qu'il soit fédéral ou cantonal jusqu'aux services de contrôle.

On a choisi ici de décrire le "parcours fiscal" en Suisse du tout nouvel appareil sino-coréo-japonais NiCaPanaSung ZX-3500-TAX. Toute ressemblance avec une situation réelle ou des marques connues ne serait que pure coïncidence et bien sûr involontaire.   

Le lecteur de ce blog ne connaît sans doute pas par coeur la technique fiscale dite des prix de transferts. En gros elle consiste en deux volets principaux:

a) vendre non pas à un prix déterminé par le coût d'un produit mais par ce que le public d'un pays est prêt à payer pour ce produit (ce qui peut correspondre à un gros multiple de son coût, en Suisse ou ailleurs)

b) "loger" fiscalement et géographiquement les profits de ces ventes dans un pays à fiscalité faible ou plus faible que la moyenne.

Le résultat des courses est que l'on maximise le profit pour une minimisation de la taxation. Le conseiller fiscal moyen et peu fûté nomme ceci de l'optimisation fiscale et le facture très cher à ses clients en prenant un air docte… ici on l'appellera fraude caractérisée.

Et voici pourquoi.

Reprenons notre NiCaPanaSung de pointe et pour les besoins de l'exercice admettons que son coût est de Fr. 100.– à la sortie de son usine extrême-orientale. Pour gagner de l'argent sur cet article la firme doit donc le vendre plus cher aux revendeurs et donc au public.

Toujours pour l'exemple, disons que le profit est colossalement bon lorsque l'appareil est vendu Fr. 600.– au public riche. Mais il y a une grande différence entre le pouvoir d'achat suisse et celui des citoyens de Zanzibar. A Zanzibar, le public ne pourra même pas le payer Fr. 100.- alors que le Suisse moyen croira faire une bonne affaire (grâce à la publicité) en ne le payant que Fr. 600.–

Ensuite, il y a aussi le nombre d'articles vendables en volume qui entre en ligne de compte dans les calculs, mais on voit ici que les prix de vente publics ne reposent en rien sur le réel coût mais au contraire sont à la tête du client ou plutôt du pouvoir d'achat de son pays, compte tenu de la concurrence.

Notre firme japonaise ouvre donc une société à Zanzibar et une autre en Suisse pour vendre ses appareils sur les marchés respectifs. Souvent ces deux sociétés sont possédées par une sorte de holding intermédiaire géographiqument entre les deux pays et le Japon (une sorte de halte juridique obligatoire) qui est elle même détenue par la société productrice. Ces holdings sont bizarrement souvent en Hollande, pour diverses raisons mais notamment fiscales. Et donc pour reprendre le cours de notre histoire, si notre appareil voyage lui physiquement en direct entre Tokyo et Zurich et Tokyo et Zanzibar (avec des variantes possibles), il n'en va pas de même de son voyage juridique.

L'appareil pour la Suisse est facturé d'abord à Zanzibar pour Fr. 500.– , et Zanzibar refacture la Suisse pour Fr. 550.– .

La "pauvre" société helvétique (qui appartient au groupe) ne fait donc qu'un profit de Fr. 50.– par appareil si elle le vend Fr. 600.– En plus elle va sans doute recevoir une facture de frais de publicité qui va encore manger Fr. 15.– par appareil, mais ceux-ci iront par exemple en Hollande.

Quant à l'appareil destiné à Zanzibar, on va le facturer Fr. 120.- à la Hollande, qui elle va le refacturer avec une petite marge à Zanzibar pour disons Fr. 140.–. Mais comme sur le marché local on ne peut le vendre que Fr. 80.– la pauvre société de Zanzibar va devoir "essuyer des pertes" sur le commerce local, tout en engrangeant des profits juteux sur les appareils destinés à la Suisse qu'elle aura facturés. Mais pour un appareil vendu localement elle en vendra au moins cinquante en Suisse…

Et comme elle a négocié avec les autorités locales un arrangement pour ne quasiment pas payer d'impôt, le profit est presque net et peut s'envoler vers le Japon…

"Substance over form", disions-nous dans un autre billet. Là toutes les factures existent, sont des papiers bien réels, mais que des papiers, qui ne reflètent pas la réalité économique des transactions.

Le fisc suisse s'en contente, car il trouve son compte dans les fameux justificatifs. En réalité, la société suisse devrait elle-même faire le profit de Fr. 500.– (Fr. 600.– moins Fr. 500.– et être taxée ainsi). En fait elle ne réalise dans l'opération comptable qu'un profit de Fr. 35.- (Fr. 600.–  moins Fr. 550.– moins encore 15 francs de publicité ).

Et le tour est joué. On a volontairement simplifié la technique décrite pour qu'elle reste à peu près compréhensible, et amplifié les chiffres pour les besoins de l'exercice. Mais il y a des variantes encore bien plus "subtiles" en vigueur.

Ne pas prétendre que ceci est de la fraude caractérisée est une aberration juridique, dans la mesure où les justificatifs ne correspondent pas à l'usage commercial et surtout sont des titres (au sens du droit pénal) qui constatent des contre-vérités économiques.

Si une firme ou un fisc voulait contester l'existence quotidienne de ce type de transactions, elle ou il peut le faire ici avec plaisir dans les commentaires, pourvu que celà soit argumenté.


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