A cette époque, c’était il y a bien longtemps, j’avais des cheveux en ce temps-là, le petit village de Puerto Escondido, tout en bas du Mexique, sur la côte pacifique, était un petit rien du tout fréquenté uniquement par une poignée de surfeurs blonds et de deux pêcheurs, mon ami Ethan W. et moi-même.


Par ce beau jour de novembre, nous nous trouvions sur une barcasse guidée par le Senor Guillermo . Bon ; un petit mot en vitesse sur Guillermo : parfait petit macho mexicain grandes dents au sens propre et figuré, musclé comme un Apollon et ambitieux comme… je ne sais pas quoi.
Nous avions quitté le village de Puerto Escondido tôt ce matin en direction de l’”AZUL”, tout au loin, là où le Pacifique prend sa couleur foncée et où les marlins, sailfish et autres thons se disputent le territoire. Ethan et moi étions sagement assis de part et d’autre du petit esquif, chacun muni d’une grosse canne, traînant loin derrière des leurres aux couleurs riches comme des trésors de pirates. On avait bien sûr un peu mal à la tête, chose naturelle après la quantité astronomique de tequila que nous avions ingurgité la veille. Malgré ça, Ethan arrivait à inventer des histoires tordantes et tous les deux étions aux anges.
Ce type de pêche à la traîne ne m’emballait guère (une vraie pêche de beauf’ ! ) mais les quelques petits thons que nous avions capturés étaient prometteurs d’un dîner pantagruélique partagé par nos épouses à notre retour.
Et tout d’un coup, ma canne donne des signes infaillibles que quelqu’un d’importance sonne à la porte. Et c’est à ce moment que les ennuis débutèrent.

Guillermo s’empara de la maudite canne, banda ses muscles, tira comme un boeuf et, au bout de trois minutes me rendit cette saleté en me disant : « Tuna grande…TUNA GRANDE !!” . Je l’aurais tué, le Guillermo !
Une bonne demi-heure après, le” tuna grande” étaient amené à bord et moi, j’étais plus mort que le poisson qui nous avait, pendant deux bonnes heures, tiré si loin qu’on ne distinguait plus la côte mexicaine.

De retour au port, une foule énorme nous attendait, certainement inquiétée par notre grand retard. Guillermo, le héros du jour, fit magnanimement cadeaux aux villageois de MON thon ( l’ enfoiré !) signe visible qu’il était , de loin, le meilleur guide du bled. ( Nous apprîmes plus tard que ce poisson était le plus gros thon pêché à la ligne dans cette région.)
j’aurais bien aimé faire la peau à notre guide mais Ethan m’en dissuada. Il est vrai que nous étions minoritaires et seulement armés, à cette époque, d’un Opinel .
C’est peu de temps après que nous décidâmes à l’unanimité de déclarer la guerre au Mexique, d’abandonner la tequila et de suivre les conseils du bon docteur Sautel ( 07 Lablachère ) : Côtes-du-Rhône, matin , midi et soir.
