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laïcité : le retour à gauche ?

Publié le 20 février 2012 par Polluxe

laïcité : le retour à gauche ?Que ce soit avec Hollande au Bourget ou Mélenchon à Villeurbanne, cette campagne électorale se signale par un retour du mot laïcité dans les discours de gauche. C'est une surprise, voir un retournement.

Longtemps dévoyée, à droite comme à gauche, par l'adjonction d'adjectifs qui en dénaturaient le sens (laïcité " ouverte ", " positive ", " plurielle "...), de fait abandonnée par des élus locaux soucieux d'acheter la paix sociale en misant sur le religieux par faiblesse ou par conviction, la laïcité a finalement été récupérée par le Front National qui n'en est pas à une contorsion idéologique près. D'autant que ces temps-ci le FN a tendance à ramasser tous les sujets qui trainent...

Il était temps de réagir. Mais qu'en est-il exactement ? Des discours aux programmes, y-a-t-il une cohérence ?

C'est Hollande qui a dégainé le premier. Dans son projet en 60 engagements, la laïcité occupe le point 46:

Je proposerai d'inscrire les principes fondamentaux de la loi de 1905 sur la laïcité dans la Constitution en insérant, à l'article 1er [La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale], un deuxième alinéa ainsi rédigé : "La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l'État, conformément au titre premier de la loi de 1905, sous réserve des règles particulières applicables en Alsace et Moselle."

Rappel. L'article 1er de la Constitution dit :

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales.

Et le Titre 1er de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat dit :

Art. 1 - La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public.
Art. 2 - La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1 er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'État, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites aux dits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons.

Aie ! Ça commence donc mal pour Hollande.

L'idée de graver dans le marbre de la Constitution un principe si important et si malmené me parait une bonne idée. Ce serait le mettre nettement au dessus des lois qui devraient s'y conformer et cela permettrait d'éviter à l'avenir les contournements de la loi de 1905, au niveau communal comme au niveau national : il y a un an, par exemple, A.Minc proposait un " texte intermédiaire " pour permettre le financement par l'Etat des lieux de cultes musulmans... C'est à dire un texte contraire au principe même de séparation des Eglises et de l'Etat.

Mais constitutionnaliser en même temps l'exception que constitue le régime concordataire est une aberration ! Après la 1ère guerre mondiale, au moment de sa réintégration dans le territoire français, L' Alsace-Moselle a gardé le régime du Concordat de 1801, à savoir un régime où l'Etat subventionne le culte et salarie les prêtres des quatre religions reconnues à l'époque (catholique, luthérienne, calviniste, israélite). Ecrire un principe et son contraire est un non-sens. Certains territoires pourraient demander à se voir appliquer le régime de l'exception. Cela reviendrait donc à affaiblir la laïcité et à renforcer le régime concordataire. Un comble !
De plus, ce régime est aujourd'hui bancal puisqu'il ne reconnait pas l'islam, 2e religion de France. Il faudrait donc en toute logique l'étendre à l'islam. Et pourquoi pas à la religion évangélique, qui est en plein boom, ou au bouddhisme ou à toute religion qui demanderait à être reconnue. Et tout cela au frais du contribuable.

Bref, il vaudrait mieux ne rien faire et garder la situation actuelle plutôt que d'inscrire l'exception concordataire dans la Constitution.
A l'inverse, inscrire le principe de séparation des Eglises et de l'Etat dans la Constitution, et lui seul, serait l'occasion de le renforcer et de l "appliquer à tous les territoires de la République " une et indivisible ".
C'est ce que propose Mélenchon qui est beaucoup plus carré sur le sujet. Voici ce qui est dit dans le programme du Front de gauche :

La laïcité est un pilier de la République une et indivisible, un principe vivant et porteur de droits inaliénables garantis à tout membre de la société, français ou étranger : la séparation du politique et du religieux, la liberté de conscience et de culte, l'égalité des citoyens en tout domaine sans discrimination d'aucune sorte ; la neutralité de l'État à l'égard de toutes les convictions philosophiques, religieuses ou politiques.
[...] Nous réaffirmons le bien-fondé et l'actualité de la loi de 1905 sur la laïcité. Toutes les modifications ultérieures de la loi de 1905 affectant ces principes seront abrogées. Pour nous, cette loi fondamentale de notre République a vocation à s'appliquer à tout le territoire national.

Une phrase d'un communiqué sur le sujet résume parfaitement bien la situation : " Pour le Parti de Gauche la laïcité souffre déjà d'être attaquée par Nicolas Sarkozy et salie par le Front national, elle n'a pas besoin d'être ainsi trahie par ses amis supposés. "

Bien sûr, il va falloir un peu de courage, " oser la laïcité " en quelque sorte. Pour autant cela ne veut pas dire se précipiter. Les territoires concernés pourraient avoir un temps d'adaptation.
L'UFAL (Union des familles laïques) va dans ce sens et propose à Hollande une reformulation du texte à insérer dans la Constitution :

" La République assure la liberté de conscience, garantit le libre exercice des cultes et respecte la séparation des Églises et de l'État, conformément au titre premier de la loi du 9 décembre 1905. Des lois organiques fixent, avant le 1er janvier 2017, les modalités d'extinction des autres régimes des cultes subsistant sur le territoire de la République. "

Hollande doit en effet revoir sa copie !


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