François Hollande préconise un « renforcement de l’encadrement des loyers » dans les zones de « forte tension ». Une telle proposition, si elle venait à être mise en œuvre, nuirait aux aspirants locataires au lieu de les aider.
Par Vincent Bénard
Les arguments classiques contre un contrôle strict des loyers sont bien connus : les propriétaires, face au risque d’une baisse régulière de la rentabilité de leur bien, délaissent l’investissement locatif et n’entretiennent plus le parc existant, sauf subventions fiscales massives, coûteuses et aux nombreux effets pervers.
Ajoutons que plus le contrôle des loyers se renforce, plus le législateur tend à l’assortir de clauses ultra-protectrices des locataires en place, afin d’éviter que les propriétaires ne revendent leur bien pour pouvoir mettre fin au bail et se débarrasser d’un poids mort financier. C’est ce cocktail mortifère de contrôle et de forte protection des locataires, décidé en 1914 au début de la Grande Guerre, qui a conduit le pays à connaître l’une des plus grande pénuries de l’histoire, avec 2 millions de logements manquants en 1939, l’état de vétusté général du parc locatif étant en outre pitoyable.
Le rapport de M. René Dutrey (*), dont s’inspire M. Hollande, ne méconnait pas cette histoire dramatique. Il affirme également avec raison que les encadrements de loyers stricts aux Pays-Bas et en Suède font l’objet de vives critiques et réduisent considérablement l’offre locative privée.
France/Allemagne : une comparaison limitée
Par contre, il encense l’encadrement des loyers outre Rhin. Mais lorsque l’on en examine les modalités, on s’aperçoit qu’il n’est pas différent de celui en vigueur en France, la fixation initiale du loyer étant presque libre. Simplement, un dispositif de publication statistique des nouveaux baux permet d’informer les bailleurs et locataires des prix pratiqués, et à la loi d’interdire plus de 20% de variation autour de cette moyenne de marché : l’encadrement est ici fort souple.
Ajoutons que l’Allemagne connaît une baisse démographique du nombre de ses foyers de l’ordre de 100 000 unités par an, au contraire de la France, où cette démographie augmente encore de plus de 300 000 unités. En outre, les règles de libération du foncier constructibles y sont plus souples et notoirement plus respectueuses du droit de propriété qu’en France, permettant aux constructeurs de rencontrer la demande de logements neufs, locatifs ou non, sans difficulté à des prix contenus.
Il en résulte que le prix du logement neuf à l’achat n’a pas connu en Allemagne la même bulle que chez nous, et ce alors que le crédit y a été aussi bon marché. L’on ne peut donc absolument pas arguer de la « réussite » d’un « encadrement » des loyers en Allemagne pour justifier d’un renforcement de ce même encadrement en France, tant les contextes diffèrent. C’est pourtant ce que fait sans la moindre vergogne M. Dutrey, après avoir consacré plusieurs pages à relater des échecs de politiques comparables. La démagogie pré-électorale a ses raisons que la raison ignore.
Traiter les symptômes ou les causes ?
MM. Dutrey et Hollande ne s’interrogent pas vraiment sur les causes du manque d’offre locative, ne voulant traiter que les symptômes.
Ces causes ne sont pourtant pas compliquées à cerner. Les rentabilités locatives nettes baissent du fait de la bulle sur les prix du neuf, doublée d’une fiscalité punitive. De plus, le législateur et les juges tendent à surprotéger les locataires mauvais payeurs, transformant la pierre en placement à fort risque législatif.
Pourquoi les investisseurs iraient-ils placer leur épargne dans un placement à faible rentabilité et à haut risque ? C’est en levant ces freins que les gouvernements redonneront aux épargnants le désir d’investir dans la pierre, et pas en renforçant les contraintes déjà étouffantes qui pèsent sur les propriétaires, ce qui, au final, ne fera qu’exacerber les manques de logements dans les zones les plus demandées.
(*) René Dutrey, conseiller de Paris, est président de la commission urbanisme et logement de Paris Métropole.
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Tribune initialement parue le 16 février dans « Debat & Co », dossier « le logement, un casse tête aussi pour les entreprises ».
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