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Certaines catégories plus visées par le fisc

Publié le 22 février 2012 par Copeau @Contrepoints

Le tour de vis fiscal inscrit dans le récent accord de gouvernement inquiète – à juste titre – plus d’un contribuable. Mais il y a plus grave : l’instauration progressive d’un climat de suspicion envers plusieurs catégories de contribuables. Les prémisses d’une véritable « chasse aux sorcières fiscale » ?
Par Frédéric Wauters, Bruxelles, Belgique

Certaines catégories plus visées par le fisc
La lecture des titres qui fleurissent en ce moment dans les quotidiens et les hebdomadaires belges ne laisse planer aucun doute. Les  indépendants, et tout particulièrement les dirigeants de PME, sont aujourd’hui montrés du doigt et accusés de « fraude fiscale ». Derrière cette offensive médiatique se profilent les prémisses d’une répression fiscale tous azimuts.

Les liaisons dangereuses

La prolifération des articles consacrés à la “fraude fiscale” est d’autant plus inquiétante qu’elle entretient une confusion systématique entre la fraude fiscale et l’évitement licite de l’impôt. Premier responsable de ce glissement sémantique, le nouveau « secrétaire d’État à la lutte contre la fraude fiscale ». Si le titre de sa fonction évoque la chasse aux pratiques illégales comme les carrousels à la TVA,  la dissimulation intentionnelle et les faux en écriture, son discours est malheureusement tout autre. Dans ses déclarations à la presse, John Crombez fustige en effet essentiellement des pratiques parfaitement légales d’optimisation fiscale, au premier rang desquelles le passage en société. Cette dichotomie entre l’intitulé de la fonction d’une part, le discours et les actes de l’autre, a de quoi inquiéter.

Optimiser n’est pas frauder

Pourtant, la doctrine est sans équivoque. La véritable fraude fiscale requiert la conjonction de deux éléments: d’une part, la volonté de payer moins d’impôts, et d’autre part, un acte délictueux commis à cette fin. Cette conjonction est indispensable pour protéger le contribuable. En effet :

1) Si seule la volonté d’éviter de payer trop d’impôts était nécessaire pour se faire accuser de fraude, l’entièreté de la population pourrait se retrouver sous les verrous. En effet, le simple fait, pour un contribuable, de mentionner sur sa déclaration fiscale l’emprunt hypothécaire qu’il vient de contracter ou l’épargne pension à laquelle il vient de souscrire correspond, dans son chef, à une volonté claire de réduire sa facture fiscale. Par ailleurs, diverses possibilités existent pour pratiquer cette déduction, notamment pour les couples mariés ou cohabitants légaux. Sélectionner la stratégie la plus avantageuse, c’est déjà pratiquer de l’optimisation fiscale. Et ce n’est pas répréhensible, car pratiqué dans le respect de la loi. Pourquoi la création d’une société, un acte de bonne foi qui sert également à protéger le patrimoine privé de l’entrepreneur, serait-elle plus répréhensible ?

2) Si la seule infraction à la législation fiscale était requise, alors le contribuable de bonne foi qui commettrait une erreur dans sa déclaration, ou déclarerait en frais professionnels une dépense non déductible comme l’achat d’un costume, risquerait lui aussi la prison. Or, la législation fiscale devient tellement complexe que le risque de se tromper en toute bonne foi est bien réel.

Choisir délibérément la solution la moins imposée pour gérer son patrimoine privé ou les investissements de sa société n’est donc pas de la fraude fiscale. Pas plus que de faire une donation bancaire afin d’éviter de payer 3% de droits de donation. Du moment que le contribuable accepte les conséquences de ses actes (ne pas se “servir dans la caisse” de la société et éviter de mourir dans les trois ans), il n’y a rien de répréhensible. Faire croire le contraire est d’autant plus dangereux que ces propos s’accompagnent d’une stigmatisation de certaines catégories de la population: les indépendants et les entrepreneurs.

Tout contribuable serait un fraudeur ?

Les récentes déclarations du Ministère des Finances lui-même élargissent cependant la catégorie des fraudeurs potentiels. Il suffit de lire la liste des contribuables susceptibles de faire l’objet d’un contrôle fiscal. Outre les indépendants et les entrepreneurs, on y retrouve aujourd’hui les salariés qui déduisent leurs frais professionnels réels. Une nouvelle orientation se dessine dans la cosmogonie de l’administration. Pour paraphraser Jules Romains, l’administration estime aujourd’hui que “tout contribuable honnête est un fraudeur qui s’ignore”. La preuve ? Il tente de tenter de payer moins d’impôts, même si le procédé est parfaitement légal. Dans certains cas, il n’a même rien tenté : il lui suffit d’avoir payé trop. Ainsi, depuis plusieurs années, l’assujetti à la TVA envers lequel l’administration  de la TVA a des dettes serait bien mal inspiré d’en exiger le remboursement, sous peine de se voir infliger un contrôle approfondi. En clair, aujourd’hui, tous ceux qui ne paient pas l’impôt maximal sans broncher sont considérés comme des fraudeurs en puissance.

Vue sous cet éclairage, la situation a de quoi préoccuper. D’autant que le gouvernement prépare en ce moment même une nouvelle mouture de la « disposition anti-abus ». Son objectif: permettre au fisc de considérer comme « transparente » n’importe quelle opération qui ne lui plaît pas. Au contribuable de démontrer que l’opération (ou l’ensemble d’opérations) qu’il a réalisée(s) correspond à une réalité économique et financière. Si la mesure passe, elle revient à inverser la charge de la preuve: ce ne serait plus plus au fisc de prouver la culpabilité du contribuable, mais à ce dernier d’apporter la preuve de son innocence. Combinée à l’attribution systématique de mauvaises intentions à une frange de plus en plus large de la population, cette deuxième mesure ne laisse plus planer aucun doute: le maccarthysme fiscal est en marche.

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