Les journalistes de DirectBordeaux7 se sont couchés très tard ou levés très tôt pour aller à la rencontre de ces gens qui travaillent tout ou une partie de la nuit. Qui sont-ils et que font-ils ? Comment gèrent-ils leur rythme de travail atypique ? Quels sont les avantages mais aussi les risques à travailler la nuit ou en horaires décalés ? Voici le dernier rendez-vous de notre série consacrée aux travailleurs de l’ombre.
«Cela fait quatre ans que je vis à Bordeaux, et je ne sais pas vraiment à quoi ressemble cette ville le soir ! Par contre je connais très bien la ville du petit matin...» Et pour cause : cette ville, c’est lui qui la réveille. Thomas Demol anime la «matinale» de France Bleu Gironde en compagnie d’Alain Ginestet. Du lundi au vendredi, c’est ce duo qui accompagne le réveil des auditeurs de l’antenne locale de Radio France, entre 6h et 9h. Thomas Demol est le fil conducteur de l’émission, enchaîne les chroniques, les interviews, les musiques. Alain Ginestet, journaliste, présente les rendez-vous d’information de cette tranche horaire qui est, pour toutes les radios, le créneau le plus important car le plus écouté. Professionnellement, ces deux-là sont donc plutôt bien lotis. Seul problème : la matinale a, comme son nom l’indique, la fâcheuse tendance à commencer très tôt le matin ! Et si la prise d’antenne ne se fait qu’à 6h, horaire encore raisonnable, la journée de travail de ce duo nocturne commence nettement plus tôt. Thomas se lève «juste avant 4h», Alain «au plus tard à 3h». Dur dur.
Course contre la montre
«J’habite juste à côté pour ne pas perdre de temps en trajet. J’arrive à la radio vers 3h30 pour un premier journal à l’antenne à 6h. Deux heures et demi ne sont pas de trop pour tout préparer», explique Alain Ginestet. Il faut en effet se mettre au courant de l’actualité de la soirée et de la nuit, écrire le contenu des éditions sur la base des reportages laissés par les collègues journalistes la veille au soir, lire la presse... et ensuite enchaîner les interventions à l’antenne pendant trois heures, en les calibrant à la minute près. «La matinale est une course contre la montre, le stress de la pendule est omniprésent, explique le journaliste. Mais c’est ce qui la rend intéressante. Et puis j’aime l’idée de découvrir l’info avant tout le monde et de la diffuser à mon tour». Thomas ne cache pas non plus son plaisir : « Réveiller les gens le matin c’est génial ! ça instaure une relation particulière avec les auditeurs». Mais en contrepartie, il faut accepter quelques sacrifices qui ne sont pas sans conséquences sur la vie personnelle et sociale : se coucher tôt et conserver une hygiène de vie stricte pour «tenir la distance».
Vie sociale perturbée
«S’il y a quelques avantages à ce rythme décalé (comme faire la sieste pendant que les autres travaillent, avoir un bout d’après-midi à soi pour faire les courses et les démarches administratives, ou bien être tranquille à la séance de cinéma de 14h30 le jeudi !) il y a aussi de sérieux inconvénients, raconte Thomas Demol, qui quitte la radio en fin de matinée. En ce qui me concerne, à 21h30 il n’y a plus personne !
ça veut dire pas concerts, pas de films à la télé... et même le week-end il est difficile de retrouver un cycle normal. Alors la vie sociale en prend forcément un coup. Ca fait 9 ans que je vis sur ce rythme. Mon corps le gère bien, ça me paraît même de plus en plus facile. Mais les contraintes du rythme de vie commencent à me peser.» Se coucher, se lever, ne pas perdre la moindre demi-heure de sommeil tant celui-ci est compté, être bien réveillé quand le micro s’allume sous peine de bafouillages à répétition... Thomas et Alain connaissent, comme tous les matinaliers, l’obsession du sommeil. Chacun le gère à sa manière et en fonction de ses besoins physiologiques. «J’essaye de dormir cinq heures par nuit, ce qui fait quand même une nuit correcte, explique Alain Ginestet. Mon dernier flash est à 10h, je quitte la radio une heure après et je fais une courte sieste à la mi-journée. ça me laisse du temps pour moi l’après-midi. ça ne fait que quelques mois que je suis matinalier, pour le moment le rythme ne me pèse pas et j’ai la chance d’avoir une compagne compréhensive. Mais il y a des impératifs à respecter pour tenir le choc : moi je dois prendre le train du sommeil avant 22h30, sinon c’est foutu !» Thomas aussi a ses règles incontournables. «Quand le réveil sonne à 3h50, ne surtout pas se dire ″je reste encore au lit trois minutes″. C’est la catastrophe assurée !» •
Sophie Lemaire