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ACTA : la guerre contre le progrès, la liberté et l’humanité

Publié le 23 février 2012 par Copeau @Contrepoints

acta-copyrightUn traité clandestin international est actuellement négocié entre des pays tels les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande, ceux de l’Union Européenne, le Japon, Singapour et le Maroc. Il peut être appréhendé comme la plus grande menace de notre histoire pesant sur l’émancipation de l’humanité.

Par Gennady Stolyarov II

Compte-tenu de l’ampleur des autres abus de pouvoir présents dans le monde d’aujourd’hui, et bien que mon constat puisse sembler exagéré pour certains, l’accord commercial anti-contrefaçon (ACTA, pour Anti-Counterfeiting Trade Agreement) contrevient à tous les principes d’une société civilisée, tant par son contenu que par la nature de la procédure conduisant à sa création.

Il menace de défaire les réalisations issues de la révolution de l’Internet et de renvoyer l’humanité vers une époque passée où les individus n’avaient pas de voix publique et aucun contre-pouvoir contre les institutions politiques mercantilistes privilégiées. L’ACTA bafoue même les droits essentiels qui sont pourtant reconnus de façon indiscutable : l’innocence tant qu’on n’a pas prouvé la culpabilité, le droit à un procès équitable, le droit à une vie privée, et l’utilisation non-abusive des contenus publiés. Par ailleurs, en raison de sa désignation comme accord commercial, l’ACTA pourrait être imposé au peuple des États-Unis par son président, sans même un vote du Congrès.

Quelques excellentes informations sur l’ACTA peuvent être trouvées dans les messages de Stephan Kinsella (ici et ici) et Justin Ptak (ici), ainsi que dans un communiqué détaillé de l’American University Washington College of Law.

Le premier texte décrivant le projet officiel de l’ACTA a seulement été publié en avril 2010, alors que le traité est en cours de négociation depuis 2006. Un projet ultérieur a été divulgué le 1er juillet 2010. Une discussion antérieure a été rendue publique par Wikileaks, le 22 mai 2008. En effet, les négociations de l’ACTA ont été couvertes du plus grand secret, ce qui devrait nous conduire à la plus forte vigilance concernant le bien-fondé et les bonnes intentions de ses rédacteurs.

Les demandes d’accès concernant l’ACTA au titre du Freedom of Information Act ont été refusées aux États-Unis pour raisons de « sécurité nationale » — tandis que d’importants intérêts spéciaux soutenant la propriété intellectuelle ont été autorisés à un accès privilégié à ces négociations. Les acteurs de cet accord sont les suspects habituels : la Recording Industry Association of America (RIAA), la Motion Picture Association of America (MPAA), Sony Pictures, et Time Warner — qui ont été invités par nul autre que le représentant américain au Commerce pour donner leur « avis » sur le traité.

Les membres du grand public, que les gouvernements nationaux sont normalement tenus de faire représenter dans ces négociations ACTA, ne sont pas autorisés à les connaître depuis des années. Pendant ce temps, des sièges à la table des négociations ont été offerts à des organismes parasitaires qui ont contrarié les libertés actuelles des créateurs et ruiné des milliers de vies avec plusieurs millions de dollars placés dans des poursuites judiciaires.

Ici, je vais simplement résumer les abus les plus saillants découlant de ce traité, mais j’encourage mes lecteurs à en apprendre autant que possible sur cet accord véritablement totalitaire. Mon autre objectif est ici de démontrer l’énorme danger que pose l’ACTA : il menace de ramener la civilisation humaine vers les âges sombres précédant la révolution des technologies de l’information et de la communication.

ACTA : la guerre contre le progrès, la liberté et l’humanité

Ainsi, les dispositions de l’ACTA amplifieront les déjà fort coûteuses dispositions du Digital Millennium Copyright Act (DMCA) de 1998.

Avant le DMCA, l’infraction de copyright était une infraction civile. Si le titulaire du « droit de propriété intellectuelle » à une œuvre se trouvait lésé par une distribution non autorisée, il pouvait poursuivre le « contrefacteur » au tribunal. Le DMCA a criminalisé la violation du copyright et a rendu le travail de milliers de créateurs innocents sujets à des avis de retrait de leurs œuvres frivoles et délétères, mais il permettait de conserver d’importantes protections pour les consommateurs individuels et les Fournisseurs de Services Internet (FSI). Par exemple, la « règle refuge » du DMCA déchargeait les FAI de toute responsabilité pour infraction au copyright de la part de leurs clients. Avec ACTA, cette protection est éliminée et les FSI deviendront des organes d’exécution du traité, sous la menace d’amende ou d’une fermeture s’ils ne se conforment pas aux règles.

Sous le régime du droit d’auteur actuel, un titulaire de « droits de propriété intellectuelle » est au moins formellement tenu de recueillir des preuves de toute violation de ses droits et de présenter une plainte. Avec l’ACTA, cette exigence sera éliminée, et le titulaire de « droits de propriété intellectuelle » n’aura même pas besoin de se plaindre pour que les gouvernements persécutent les contrefacteurs présumés.

L’absurdité de cette approche ne tarde pas à être reconnue. En effet, de nombreux détenteurs de droits d’auteur aujourd’hui — de la superstar aux créateurs à temps partiel de contenu en ligne — détournent délibérément des yeux lorsque d’autres reproduisent leur travail sans permission préalable, espérant tirer un profit de l’exposition qui en résulte. Sous L’ACTA, les gouvernements seront en mesure de sévir contre les fans de ces créateurs, et pire, contre les souhaits de ces créateurs eux-mêmes ! Même si l’on accepte la validité des droits de propriété intellectuelle (que je ne supporte pas), qui sera le vrai détenteur des droits avec ces nouvelles réglementations ? Le créateur individuel, ou les gouvernements et les grandes associations commerciales politiquement privilégiées qui étayent ce traité ?

Sous l’ACTA, le soupçon ou l’allégation d’avoir téléchargé ou consulté en ligne des données sous copyright rendront l’ordinateur ouvert à la perquisition sans mandat. Des amendes et autres sanctions seront applicables en cas de refus de ces perquisitions, tandis que quiconque consentira à une recherche sera certainement jugé coupable d’une quelconque « contrefaçon » ou autre délit. Sous l’ACTA, même la visualisation d’un site Web contenant des données qui violent un droit d’auteur — sans que le spectateur soit conscient de l’existence de ladite violation — sera considérée comme une complicité dans l’infraction !

Par ailleurs, l’ACTA rendra les individus susceptibles de subir des enquêtes et des condamnations, même pour la simple suspicion d’avoir obtenu des éléments via des canaux de distribution similaires à ceux utilisés pour des copies non autorisées. Donc, si vous avez déjà téléchargé un fichier mp3 gratuitement d’un artiste qui partage l’ensemble de son travail lui aussi gratuitement en ligne, vous ne seriez pas pour autant tiré d’affaire. Et ceci n’est pas trop loin de ce que les tenants de l’ACTA désirent : rappelez-vous que, avec la force de la loi américaine de son côté, la RIAA ne permet même pas aux artistes non membres de leur association de proposer leurs propres œuvres gratuitement sur ​​certains canaux — comme les radios en ligne. Cette organisation — la quintessence du mercantilisme et du protectionnisme en faveur de grands studios politiquement affiliés — jouirait de rien moins que la mort du libre et légitime partage de contenu en ligne.

Tout aussi important à retenir est que les gens qui n’ont jamais empiété sur le droit d’auteur de quiconque sont tout aussi susceptibles de souffrir de l’ACTA, en particulier s’ils ont quelque chose d’intelligent et controversé à dire en ligne. Si la longue histoire des abus du DMCA nous enseigne quelque chose, c’est qu’exprimer des idées approfondies n’est jamais à l’abri d’allégations malveillantes et artificielles de violation de copyright.

Des milliers de créateurs sur YouTube, dont les œuvres n’étaient pas sous copyright, ont été visés pendant des années par des requêtes de suppression (Takedown Notices) du DMCA par des fanatiques qui étaient en désaccord avec leurs idées. Le système stupide de réponse automatique de YouTube aux avis du DMCA a donné lieu à la suspension ou la fermeture des comptes de ces créateurs, même lorsque leurs accusateurs violaient clairement la loi en apportant ces accusations frivoles. Sous l’ACTA, les mêmes accusations pourraient entraîner beaucoup plus que la suppression d’un compte de vidéos sur Youtube ; les gouvernements assumeront le rôle de responsables de l’application des sanctions, et — à en juger par quelques exemples précédents tels que la guerre contre la drogue et la « sécurité des aéroports » — vous pouvez être certain qu’ils ne seront guère plus scrupuleux ou respectueux des droits individuels sur YouTube.

Alors que le traitement du système judiciaire actuel de la propriété intellectuelle est certainement imparfait, par rapport à l’ACTA, il est un brillant exemple du respect des droits individuels. Au fil des années, un certain nombre de dérogations pour utilisations équitables au droit d’auteur ont été creusées par les tribunaux pour protéger les individus qui cherchent à utiliser des portions de données sous copyright pour la recherche, l’enseignement, la satire, et le débat — parmi d’autres buts légitimes. L’ACTA fera grandement reculer la portée de ce genre d’utilisations équitables et entraînera la prise en compte de ces questions dans des systèmes judiciaires nationaux et dans le cadre d’un organisme international spécialement créé par le traité.

Dans le système actuel, il existe au moins l’espoir que d’autres objectifs stratégiques poursuivis par les mêmes organismes gouvernementaux — comme la croissance économique et le commerce « semifree » — pourront éclipser la répression draconienne sur des infractions douteusement classées. Mais avec une institution qui se consacrera principalement à persécuter les viols de droit d’auteur, il n’y aura pas de telles considérations compensatrices. La théorie de l’emprise réglementaire indique que cette institution va rapidement être récupérée pour servir les agendas de la RIAA, MPAA, et autres parasites du droit d’auteur.

Des commentaires explicites des négociateurs de l’ACTA nient que les gouvernements utiliseraient le traité pour lancer des efforts de recherche massive par les gardes-frontières sur les ordinateurs portables des voyageurs individuels et les lecteurs mp3. Toutefois, les ébauches et les discussions autour du projet de traité ne contiennent pas de dispositions n’autorisant pas ce genre de recherche. Il est sans importance de savoir si oui ou non l’intention est de cibler les massives opérations transfrontalières de « piratage » des opérations : lorsque l’exercice d’une contrainte d’une autorité contre des individus ordinaires est autorisée, il sera parfois invoqué quelque part par quelqu’un.

Pour être sûr, les recherches seraient dispersés et irrégulièrement appliquées, n’affecteraient pas tous les gens tout le temps. Mais le droit même d’effectuer une telle recherche fournirait une justification formelle pour incommoder et punir les personnes qui peuvent déplaire aux autorités pour d’autres raisons, mais qui, en l’absence de l’ACTA, n’apporterait aucune cause probable justifiant l’intervention d’appareils de contrôle. Pour citer le vilain Dr Floyd Ferris d’Ayn Rand dans la révolte d’Atlas :

Il n’y a aucune façon de gouverner des hommes innocents. Le seul pouvoir d’un gouvernement, c’est le pouvoir de sévir contre les criminels. Eh bien, quand il n’y a pas assez de criminels, on les fabrique. On déclare tant de choses pour être un crime qu’il devient impossible pour les hommes de vivre sans violer les lois. Qui veut d’une nation de citoyens respectueux des lois ? Qu’y a t-il là-dedans pour chacun ? Mais juste passer le genre de lois qui ne peuvent être ni observées ni appliquées ou objectivement interprétées — et vous créez une nation de hors-la-loi. Et vous encaissez alors sur la culpabilité des autres. [1]

Ce ne serait pas toute personne ayant un ordinateur portable ou mp3 qui serait fouillée à la frontière sous l’ACTA, mais la possibilité d’une telle recherche serait une épée suspendue au-dessus de chaque voyageur, tombant au gré ​​des responsables de l’application. Voudriez-vous prendre le risque de voyager avec un (ou des) appareil(s) électronique(s) sous un tel régime, ou préféreriez-vous vous en remettre à la corvée que sont les voyages sans ces derniers, comme avant l’âge des nouvelles technologies ?

La portée de l’ACTA se prolonge aussi dans le domaine des brevets. L’ACTA restreindrait considérablement la concurrence des médicaments génériques face aux marques coûteuses — créant encore plus de monopoles pharmaceutique qui contribueront à la flambée des coûts des soins de santé. Par exemple, si une cargaison de médicaments génériques voyageait d’un pays A (dont les lois l’autorisent) pour le pays B (dont les lois l’autorisent), mais devait passer à travers le pays C, où les lois sur les brevets interdisent ces médicaments, les fonctionnaires du pays C seraient habilités à confisquer la cargaison. Par ailleurs, les producteurs d’intrants utilisant des contrefaçons de médicaments génériques brevettés pourraient être persécutés sous l’ACTA, même si l’utilisation de leur produit dans les médicaments survenait à leur insu. Comme pour toute loi touchant la disponibilité des médicaments, l’accent que porte Frédéric Bastiat sur ​​les effets invisibles de ces mesures est primordial ici. Combien de vies seront perdues à cause de la confiscation de médicaments abordables, sûrs, en raison de l’ACTA ?

Les lecteurs qui m’ont suivi jusqu’ici penseront peut-être : « Bien sûr, l’ACTA est erronée et abusive à bien des égards, mais n’est-il pas exagéré d’appeler cela la plus grande menace faite à la civilisation ? » Je vais maintenant relever le défi de démontrer cette partie plus ambitieuse de mon argumentation.

L’Internet et les autres technologies de la communication et de l’information ont été les innovations salvatrices de ces 20 dernières années. Sous tout autre rapport, les sociétés occidentales en 2010 ont l’air beaucoup plus embrouillé et tyrannique qu’elles ne l’étaient en 1990. Considérons que le totalitarisme s’est effondré il y a 20 ans avec le bloc soviétique et qu’il commençait à être consciemment rejeté en Chine ; aujourd’hui, en Occident même, notre totalitarisme rampant avance au galop. Il y a vingt ans, on pouvait arriver à l’aéroport une demi-heure avant son vol, passer par une sécurité sommaire et à peine perceptible, et profiter d’un vol relativement confortable. Aujourd’hui, les aéroports sont peuplés de machines de fouille corporelle virtuelle, tandis que les compagnies aériennes renflouées ou subventionnées infligent une litanie d’abus aux voyageurs.

Même la torture par l’eau de l’administration Bush semble modeste comparée à la prérogative que l’administration Obama s’est accordée de façon unilatérale afin d’assassiner toute personne — citoyens américains inclus — sur le simple soupçon d’activités terroristes. Les premiers, seconds, quatrièmes, cinquièmes et dixièmes amendements à la constitution américaine ont tous subi des modifications graves qui auraient été impensables en 1990. Dans l’intervalle, de vastes segments de la population continuent de penser que tout cela est fait pour leur propre bien. Cependant, sans l’Internet, la majorité de ces abus auraient simplement été étouffés, comme ils l’ont probablement été pendant la majeure partie de l’histoire humaine.

Les actions des gouvernements nationaux n’ont pas été les seuls signes de détérioration au cours des 20 dernières années. En 1990, les grandes sociétés occidentales maintenaient toujours un semblant de compétence et se concentraient sur la satisfaction des désirs des consommateurs ; aujourd’hui, la plupart d’entre elles font la queue pour se faire renflouer. Elles ont refusé d’innover et refusent d’ajuster leurs structures institutionnelles obsolètes pour tirer parti des nouvelles possibilités technologiques. Comme on pouvait s’y attendre, elles ont commencé à péricliter.

Dans pratiquement tous les domaines de la vie — le transport, les finances, le divertissement et l’éducation — les individus ont commencé à se tourner vers des fournisseurs plus avant-gardistes et fiables, ce qui a été grandement facilité par l’Internet. Incapables de rivaliser le libre marché technologiquement renforcé , les vieilles institutions réclamaient plus de protection politique.

En effet, l’ACTA est en soi un exemple de cette tendance. L’industrie du divertissement hollywoodien désuète — avec son gigantisme, ses labels dévoreurs de capital, ses studios cinématographiques et sa politique de servir le plus grand nombre de déchets abrutissants à autant de personnes que possible — se trouve incapable de rivaliser ce nouveau paradigme où les créateurs et les consommateurs sont plus responsables.

Avec la nouvelle culture, les barrières à l’entrée sont beaucoup plus faibles, les technologies de diffusion de l’art et du divertissement sont beaucoup plus accessibles, et il existe de nombreux marchés de niche pour les consommateurs avertis qui rejettent la vacuité, la culture de masse conformiste diffusée par les entreprises de divertissement établies.

La montée de sites vidéo en ligne et la licence Creative Commons a encore davantage coulé les entités comme la RIAA / MPAA dans l’inutilité. Mais tout comme les banques et les compagnies automobiles de l’establishment américain, ces organisations ne savent pas s’adapter aux nouvelles réalités technologiques ; ni tirer leur révérence avec dignité. Ils préfèrent demeurer en tant qu’institutions vampiriques, durer en drainant la force vitale de l’économie, et résolument s’en tenir à tous ces vestige, ce gaspillage et cette inefficacité qui ont alimenté la situation économique actuelle. Les politiciens, sachant d’où viennent leurs contributions de campagne, ne sont que trop heureux de rendre service et de cimenter des anciens arrangements institutionnels dans le droit. L’ACTA est le TARP de l’establishment du divertissement.

La culture libre de l’Internet — free à la fois dans le sens de la liberté et dans le sens du coût monétaire — a le potentiel pour desserrer et, finalement, défaire la mainmise des anciennes institutions sur les sociétés occidentales. Dans The Effects of the Economic Crisis on Young People j’affirme que la génération montante et en devenir devrait créer une économie alternative utilisant l’Internet et des technologies personnelles afin de s’immuniser contre les déprédations des entreprises subventionnées et les autorités monétaires inflationnistes. Mais si cette culture de l’activité créatrice sur Internet est annulée par l’ACTA, les institutions vampiriques pourraient persister indéfiniment.

Ce ne serait pas la première fois dans l’histoire que la stagnation et le déclin caractérisent une ère entière. L’Égypte antique, les empires romains et byzantins, les Âges Sombre en Europe, la France des Bourbons, et l’Union soviétique ne sont que quelques exemples ; des institutions obsolètes et parasitaires, avec suffisamment de force, peuvent gâcher la vie de plusieurs générations avant de finalement s’effondrer sous leur propre poids oppressif.

Pour sûr, l’ACTA ne tuerait pas l’Internet — pas directement, en tout cas. Mais si même des usages courants sur Internet — pour ne pas mentionner les essais de développement de nouvelles technologies en ligne pour la création et la distribution de contenu — rendaient quiconque passible de persécution criminelle, combien de personnes ordinaires, averses au risque, choisiront d’y participer ? Pas même un semblant d’infraction à la loi serait nécessaire pour être lésé par l’ACTA.

En effet, ce qui se passerait avec l’ACTA, à ​​une échelle beaucoup plus grande, peut être déjà prévu en l’observant les mesures de répression récentes du gouvernement fédéral américain sur des innocents, des bloggeurs légitimes. Le 16 juillet 2010, les autorités fédérales ont fermé blogetery.com, un site qui hébergeait 73 000 blogs, en vertu de l’allégation selon laquelle certains de ces blogs reproduisaient des œuvres protégées par copyright. Toute personne raisonnable reconnaîtra, bien sûr, que la plupart des propriétaires de blog n’ont probablement commis aucune violation que ce soit, mais des millions d’heures d’efforts humains ont néanmoins été anéanties par cette nouvelle forme de censure arbitraire. Voudriez-vous investir votre temps et votre énergie dans le développement d’un blog de ​​grande qualité si vous craignez que celui-ci puisse être détruit à tout moment, et non à cause des actions que vous avez prises ?

Je doute que les autorités fédérales connaissent aucunes affres de culpabilité ou de regret à cause de cela. Après tout, il est beaucoup plus facile de contrôler une population qui n’a accès qu’à trois chaînes d’informations le soir, et qui sont des copies conformes les unes des autres. Avec l’ACTA, les livres brûlés par l’Inquisition espagnole ne seraient rien en comparaison de la connaissance humaine et de l’effort créatif qui seraient à jamais éradiqués dans la logique de protection de droits de propriété intellectuelle discutables.

Je prédis que l’ACTA va entraîner une guerre sur Internet, s’apparentant à la guerre contre la drogue. L’utilisation d’Internet ne disparaîtra pas, mais de nombreuses activités parfaitement légitimes seront reléguées à toutes sortes de marchés noirs, complétés de tous les maux qui en découlent, crimes physiques, fraude, et création artificielle d’un état de nature hobbesien. La qualité des produits et des services vont également diminuer, car les gens vont orienter leurs efforts pour éviter toute persécution plutôt que vers l’innovation.

Le créateur en ligne deviendra un hors-la-loi, et des activités qui auraient pu être à la base clairement bénéfiques (ou du moins inoffensives) pourraient finir par s’associer à d’autres actes plus sinistres — comme on a pu le constater avec la guerre contre la drogue. Pour les « gens respectables », l’Internet ne sera plus considéré comme le nexus de la civilisation qu’il est, mais plutôt comme un point d’appui pour le gangstérisme ou, au mieux, un champ de bataille désordonné que les gens concernés par un minimum de stabilité dans leur vie feraient bien d’éviter. On conçoit sans peine que l’effet paralysant sur le progrès serait alors la plus grande tragédie de notre temps.

Un effort déterminé doit être lancé par toutes les parties, à juste titre consternées par les violations que l’ACTA entraînerait. Heureusement, de nombreux alliés, de divers horizons et perspectives intellectuelles, peuvent être trouvés pour cette bataille. Malheureusement, les défenseurs de l’ACTA feront tout ce qu’ils peuvent pour contourner les canaux du gouvernement et de la société civile où le débat approfondi et détaillé serait possible.

L’incapacité des législateurs nationaux à voter sur le traité est particulièrement inquiétante, car elle permet la mise en œuvre rapide et derrière les coulisses de ces traités, sans pouvoir mesurer les retombées politiques pour les supporters de l’ACTA. Il ne reste d’autre option au public pour s’opposer à l’ACTA que d’utiliser directement toutes les méthodes de communication pacifique et de persuasion qui sont à leur disposition.

Il est important de rappeler que convaincre d’autres personnes de s’opposer à ce traité ne requiert en rien leur conversion aux idées libérales ou libertariennes. Bien que personnellement, je rejette le concept de propriété intellectuelle, il reste malgré tout possible d’en soutenir l’idée générale, tout en refusant le régime draconien que l’ACTA mettrait en œuvre. C’est mon espoir que la mise en place de la défense de la propriété intellectuelle puisse passer autrement que par la censure et l’intimidation de gens innocents ; de ce fait, l’annulation de ce traité est un objectif beaucoup plus urgent actuellement. Si l’ACTA est bloqué, alors peut-être la civilisation aura-t-elle une chance de s’en tirer.

Un objectif à moyen terme serait, pour les consommateurs, par leurs choix pacifiques et parfaitement légitimes, de rejeter l’establishment du divertissement en dehors de leur existence. Tant que les institutions vampiriques qui la composent continueront d’exister, elles continueront à faire pression en faveur d’un protectionnisme violent au prix des libertés individuelles. Il est temps de cesser d’acheter les produits totalement superflus de ces institutions et cesser d’avoir affaire avec leur production. La culture s’en trouvera notablement améliorée, ce qui fera nettement progresser la situation des créateurs autonomes.

Nous devrions délibérément accroître notre consommation et notre utilisation des produits sous licence Creative Commons — et la rémunération de ses producteurs grâce à nos dons et nos recommandations. Beaucoup de producteurs sincères et respectueux envers leur public continuent leurs opérations sous le modèle du droit d’auteur, et le supportent ainsi innocemment, tout en s’abstenant d’en faire une arme contre leur public ; leur travail peut encore être encouragé. Néanmoins, les individus qui, délibérément et consciemment, supportent des entités comme la RIAA et le MPAA ne devraient plus recevoir l’assistance de personnes attachées à leur liberté.

Stopper l’ACTA est absolument indispensable à court terme, et reléguer la propriété intellectuelle aux poubelles de l’histoire est un objectif louable à long terme. Cependant, durant la période intermédiaire, il est important de reconnaître que même en cas de défaite aujourd’hui, l’ACTA peut être ressuscitée dans d’autres lieux et d’autres formes. Il est plus que temps de lancer une rébellion contre les organisations « culturelles » qui veulent nous imposer la tyrannie de l’ACTA.

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Paru sur le site du Ludwig Von Mises Institute.
Source : Mises Daily
Traduction : Barem pour Contrepoints.


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