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Louis Aragon : Tapisserie de la grande peur

Publié le 24 février 2012 par Unpeudetao

Le paysage enfant de la terreur moderne
A des poissons volants sirènes poissons-scies
Qu’écrit-il blanc sur bleu dans le ciel celui-ci
Hydre-oiseau qui fait songer à l’hydre de Lerne
Écumeur de la terre oiseau-pierre qui coud
L’air aux maisons oiseau strident oiseau-comète
Et la géante guêpe acrobate allumette
Qui met aux murs flambants des bouquets de coucous
Ou si ce sont des vols de flamants qui rougissent
Ô carrousel flamand de l’antique sabbat
Sur un manche à balai le Messerschmidt s’abat
C’est la nuit en plein jour du nouveau Walpurgis
Apocalypse époque Espace où la peur passe
Avec son grand transport de pleurs et de pâleurs
Reconnais-tu les champs la ville et les rapaces
Le clocher qui plus jamais ne sonnera l’heure
Les chariots bariolés de literies
Un ours Un châle Un mort comme un soulier perdu
Les deux mains prises dans son ventre Une pendule
Les troupeaux échappés les charognes les cris
Des bronzes d’art à terre Où dormez-vous ce soir
Et des enfants juchés sur des marcheurs étranges
Des gens qui vont on ne sait où tout l’or des granges
Aux cheveux Les fossés où l’effroi vient s’asseoir
L’agonisant que l’on transporte et qui réclame
Une tisane et qui se plaint parce qu’il sue
Sa robe de bal sur le bras une bossue
La cage du serin qui traversa les flammes
Une machine à coudre Un vieillard C’est trop lourd
Encore un pas Je vais mourir va-t’en Marie
La beauté des soirs tombe et son aile marie
À ce Breughel d’Enfer un Breughel de Velours

Louis Aragon (1897-1982).

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