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Bénabar m’emmerde ! C’est pas moi qui l’ai dit en premier…

Publié le 24 février 2012 par Legraoully @LeGraoullyOff

Ici Brest, les Bretons parlent aux Lorrains ! Je ne voudrais en aucun cas concurrencer ici la rubrique de notre ami Cédric Boyon, je n’ai de toute façon pas les compétences pour y parvenir, manquant cruellement d’oreille musicale. Il ne sera donc question ici que de paroles. D’autre part, ce qui va suivre n’est de toute façon pas objectif puisque je déteste Bénabar depuis le premier jour : quand j’ai entendu ses jappements pour la première fois, alors que j’étais encore lycéen, je l’ai tout de suite surnommé « Bénabouse », c’est vous dire ! Mais n’empêche.

Bénabar m’emmerde ! C’est pas moi qui l’ai dit en premier…

N’empêche que quand les Guignols ont parodié sa chanson « politiquement correct » pour en faire le clip de campagne de Bayrou, « politiquement centriste », j’ai eu envie de découvrir l’original, historie de voir si cette chanson méritait vraiment d’être détournée pour en faire l’hymne de la girouette en chef du MoDem. Et bien je n’ai pas été déçu du voyage, mes enfants ! Ça commence comme ça : « J’aime mes parents, j’aime mes enfants ». Ah bon, et bien grand bien t’en fasse, tu as une belle famille, manifestement, puisque tes parents ne sont pas des gros cons dont tu as honte et  vu que tu as fait des enfants parce que tu voulais vraiment en vouloir et non pas, comme beaucoup, parce que la pression exercée par la société était trop forte ou, pire, pour toucher les allocations familiales ; j’espère seulement que tu n’ériges pas ça en norme, parce qu’on ne pourrait pas en vouloir à un fils de SS de détester son père ou à un père de toréro d’avoir honte de son fils assassin !

Bénabar m’emmerde ! C’est pas moi qui l’ai dit en premier…

Cliquez pour agrandir et constater à quel point parents et enfants peuvent être vaches entre eux.

Après, Bénabar joue au chanteur engagé, mais sans trop se mouiller : « j’aime pas la guerre ni la misère ». Tu n’aimes pas ? Personne n’aime ça. Dire « je n’aime pas », c’est facile, ça n’engage à rien : les jeunes qu’on a envoyé à la boucherie en 14-18 n’aimaient pas la guerre non plus, ils sont quand même allés se faire charcuter sans discuter, moutonnesquement. Dire « j’aime pas la guerre », c’est être loin du « Déserteur » de Boris Vian. De même, dire « j’aime pas la misère », n’implique pas que tu t’engages en faveur des démunis ou que tu te révolterais si on te faisait vivre dans la misère : il y a tant de miséreux qui acceptent leur sort sans broncher, les cons ! On peut donc déjà confirmer : oui, le propos de Bénabar est proche de celui de Bayrou par son absence d’audace.

Bénabar m’emmerde ! C’est pas moi qui l’ai dit en premier…

Ce côté « je désapprouve, mais je m’en tiens là », on le retrouve tout au long de la chanson, littéralement bourrée de formules négatives qui rejettent des idées considérées, à juste titre, comme dégueulasses, mais sans rien affirmer d’autre en contrepartie. « Je ne suis pas raciste », par exemple : il faut se méfier de cette formule, car PERSONNE n’ose se déclarer raciste aujourd’hui ; bien entendu, beaucoup de gens tiennent des propos racistes, mais ces mêmes gens ne reconnaitrons jamais ouvertement que leurs propos sont racistes. « Je ne suis pas raciste » peut très bien être suivi de « …mais quand même, c’est pas des gens comme nous ! » ou, sans aller jusque là, de « …mais il faut bien que les immigrés fassent l’effort de s’intégrer ». De toute façon, « je ne suis pas raciste », ça ne veut pas dire « je suis antiraciste » de même que « J’porte pas d’fourrure » ne veut pas dire « je suis contre le port de la fourrure et je suis prêt à lacérer les manteaux de fourrure que portent ces pétasses ». « Je ne suis pas misogyne » ne veut pas dire « je suis féministe » et dire « je ne regrette pas la guillotine » ne fait pas de vous un ennemi du tout-répressif : on peut très bien être contre la peine de mort et pour la rétention de sûreté.

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Même eux ne se disent pas racistes !

Cette attitude devient quelque peu perverse par la suite : « Je n’ai rien contre les mosquées, je ne me sens pas menacé par les minarets ». En affirmant qu’un tel jugement est « politiquement correct », il sous-entend que ceux qui rejettent l’islam le font forcément par racisme : pour ma part, je rejette TOUTES les religions, l’Islam autant que les autres, les églises, les synagogues et tous les autres lieux de culte me mettent aussi mal à l’aise que les mosquées, les processions des catholiques dans l’espace public me scandalisent autant que les prières de rue des musulmans. Je ne suis pas islamophobe, je suis cultophobe : je mets les imams, les rabbins, les curés, les pasteurs et autres gourous dans le même sac à charlatans, j’estime que pour rééquilibrer le nombre de lieux de cultes, il ne faut pas construire davantage de mosquées mais détruire certaines églises. Intolérance ? Accuser d’intolérance les ennemis de la religion, c’est accuser de racisme les ennemis du Front National ! Bref, pour moi, toutes les religions sont à foutre au panier, l’Islam y compris : me mettre dans le même panier que Claude Guéant et Éric Zemmour pour ça, c’est pratiquer l’amalgame. Passons sur « Je ne crois pas que les homos ne sont pas normaux ou forcément coquets » qui n’implique aucune revendication en faveur du droit des homosexuels à se marier et à avoir des enfants.

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A bas toutes les calottes !

Une autre phrase, apparemment innocente, présente cependant des non-dits malsains : « Je précise que je ne crois pas qu’il y ait trop de juifs dans les médias ou la finance ». Oui, je suis d’accord, le problème des médias et de la finance, ce n’est pas la présence des Juifs. Seulement, il y a quand même un problème, qui n’a rien à voir avec l’origine ethnique des gens qui travaillent dans ce milieu : la connivence entre les médias et les milieux d’affaires, qui permet à ces derniers d’asséner à leur gré l’idéologie néo-conservatrice et, bien entendu, l’arrogance de la finance qui s’est arrogé le pouvoir de disposer du sort des populations, au mépris des conséquences désastreuses pour tant d’innocents. À quel moment Bénabar dit-il qu’il y a un problème ? Nulle part. À l’écouter, la judaïcité des mandarins des médias et de la finance serait le seul problème, lequel est évoqué pour mieux être nié (à juste titre). Donc, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles, les journalistes sont tous neutres et honnêtes, les financiers sont tous compétents et respectueux de l’humain et ceux qui disent le contraire sont des salauds antisémites : Bénabar a compris quels culs il fallait lécher pour faire carrière… Finissons-en avec les phrases formulées négativement : « Je milite pas, tiens-toi bien, pour l’extinction des dauphins, j’veux pas qu’ils meurent » ne veut pas dire qu’on milite pour leur protection : à ce tarif-là, n’importe qui peut être qualifié d’écologiste militant ! Et pourquoi spécialement les dauphins ? Ce n’est pas la seule espèce menacée d’extinction par la faute de l’homme ! Mais les dauphins, ils sont mignons, c’est ça ? C’est de l’écologie tendance Nicolas Hulot, ça ! « Je ne parle pas à la concierge ni à la femme de ménage comme à des chiennes » : ben moi non plus, et alors ? Pourquoi je le ferais ? Si c’est pour dire ça que tu fais des chansons, tu ferais mieux de faire concierge ou homme de ménage, justement !

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On peut reconnaître Jean-Michel Apathie-Patata : il n'est pas juif et là n'est pas le problème...

Il ne faut pas être injuste, il y a quelques affirmations, mais ce n’est quand même pas la majorité et, de surcroît, elles sont tout aussi symptomatiques que le reste de cet engagement de bisounours que je m’emploie à dénoncer : « j’trie mes ordures ». Moi aussi, mais je ne m’en vante pas et je n’en veux pas à ceux qui ne le font pas : même si on est des millions à trier nos déchets, ça ne compensera pas les ravages causés par la marée noire du Golfe du Mexique, et on aura beau couper l’eau pendant qu’on se lave les dents, ça ne protégera pas autant la nature que l’abandon du nucléaire. Le léchage de cul aux industriels-sponsors potentiels continue… « Je déconseille la drogue même aux mineurs » : tu la déconseilles, tu ne l’interdis pas, tu n’as donc même pas le courage d’aller jusqu’au bout de ta logique hygiéniste… Et puis qu’est-ce que tu appelles la drogue ? Le chocolat aussi, c’est de la drogue ! Bon courage pour dissuader un mineur d’en consommer ! Et puis, si tu ne t’adresses pas qu’aux mineurs, je te souhaite aussi bon courage pour décourager mon beauf’ de boire du pastis : je te dis pas la tannée que ce con borné va te mettre quand tu lui diras que son Ricard, c’est autant de la drogue que le cannabis ! Ceci pour dire tout le monde s’enivre d’une façon ou d’une autre, personne ne passe son temps à ne faire que du bien à sa santé : la drogue, ce n’est pas simplement le cannabis ou le crack, il y en a des milliers d’autres en vente libre. Déconseiller la drogue, c’est pratiquement déconseiller de vivre. Pour conclure, Bénabar nous déclare « Il faut respecter tous les gens, je l’enseigne à mes enfants. » Cela est bel et bien, mais « tous les gens », ce ne sont pas simplement les concierges et les femmes de ménages, ce ne sont pas simplement les faibles et les opprimés, ce sont aussi les forts et les oppresseurs, contre lesquels il est urgent de se révolter. Bénabar me donne l’impression de réécrire avec le point de vue de l’instituteur cette chanson popularisée par l’excellent Graeme Allwright :

Qu’as-tu appris à l’école, mon fils

A l’école aujourd’hui ?

Qu’as-tu appris à l’école, mon fils

A l’école aujourd’hui ?

J’ai appris que les gendarmes sont mes amis

Et tous les juges très gentils

Que les criminels sont punis pourtant

Même si on s’trompe de temps en temps (…)

Que le gouvernement doit être fort

A toujours raison et jamais tort

Nos chefs sont tous très forts en thème

Et on élit toujours les mêmes.

C’est ça qu’on m’a dit à l’école, Papa

C’est ça qu’on m’a dit à l’école.

CONCLUSION : Si on écoute attentivement les paroles de « Politiquement correct » en faisant abstraction de leur indigence insondable et de l’absence totale d’imagination dont leur auteur fait preuve, il s’avère que cette chanson se résume à une désapprobation de fléaux contemporains, désapprobation qui n’engage en rien celui qui l’exprime et, qui plus est, se trouve mêlée à un respect indéfectible, bien qu’implicite, des autorités religieuses, médiatiques et financières. La chose est d’autant plus perverse qu’en surfant sur la vague du « politiquement incorrect », dont des têtes de cul telles que Zemmour, Ménard ou Collard se sont fait les hérauts, Bénabar met dans le même panier que ces derniers quiconque s’autorise une pensée un tant soit peu plus originale que la sienne : il y aurait d’un côté les gentils politiquement corrects et de l’autres les méchants politiquement incorrects. En clair, l’impertinence d’un Desproges, d’un Choron ou d’un Siné est d’emblée ravalée au même rang que les ratiocinations des « nouveaux réacs ». Le refrain de la chanson, c’est « Je t’emmerde » ; oui, je le confirme, tu m’emmerdes ! Je vais plutôt réécouter Hubert-Félix Thiéfaine, Éric Mie et Lisa Louise, tiens ! Allez, salut les poteaux !


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