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Le rapport Perruchot sur l’argent des syndicats: des révélations étonnantes, des propositions insuffisantes

Publié le 24 février 2012 par Lecriducontribuable
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Le rapport interdit du député  Nicolas Perruchot sur le financement des syndicats est paru sur Internet. Alain Mathieu, président de Contribuables Associés l’a lu. Il analyse pour Le Cri du Contribuable le contenu de ce rapport.

Pour ménager les syndicats, le gouvernement avait bloqué la parution du rapport Perruchot, du nom du député Nouveau Centre qui a obtenu la création d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur les finances des syndicats français.

Ce rapport a cependant été publié, le 16 février dernier, sur le site Internet du magazine Le Point.

[Vous pouvez le consulter à cette adresse : http://www.lecri.fr/wp-content/uploads/2012/02/rapport-perruchot.pdf] .

Cotisations : 3 à 4 % des budgets

Le système français est unique. Alors que dans tous les pays comparables 90 % des ressources des syndicats de salariés proviennent des cotisations de leurs membres et du placement de leurs réserves, en France les cotisations des membres ne couvrent que « 3 à 4 % » de leurs budgets.

Le reste provient de sources très variées, difficiles à mettre au jour : « mises à disposition » de personnel et de locaux par des administrations et de grandes entreprises publiques et privées, subventions accordées sur les fonds de la formation, de la Sécurité sociale, de l’assurance-chômage, des handicapés, des assurances vieillesse complémentaires, du 1 % logement, subventions de l’Etat et des collectivités locales, etc.

D’après le rapport, les ressources des syndicats de salariés atteignent ainsi 4 milliards d’euros par an, soit 3 à 4 fois les ressources des syndicats anglais ou allemands, qui ont pourtant 5 à 10 fois plus de membres.

Nicolas Perruchot a eu du mérite à trouver ces chiffres. Il a interrogé de nombreux organismes, recoupé ses sources, convoqué pour audition de nombreux responsables. Il s’attaque particulièrement au FONGEFOR, un fonds qui gère une partie des fonds de la formation professionnelle.

Comités d’entreprise

Il montre que les syndicats agricoles sont encore plus subventionnés que les autres.

Il dénonce la « porosité financière » entre les comités d’entreprise des grandes entreprises et les syndicats. Il déplore que  le comité des œuvres sociales d’EDF soit si riche qu’il puisse acheter la société Trigano et des immeubles du tourisme social, et qu’il puisse lancer une publicité contre une loi votée par le Parlement.

Il s’étonne que « des cheminots négocient une convention collective de la boulangerie », que les dizaines de milliers d’administrateurs des caisses de Sécurité sociale soient assistés de « conseillers techniques » bien rétribués, que des syndicalistes soient appelés à siéger inutilement dans des centaines d’organismes (par exemple, dans chaque région, quatre organismes différents sur l’emploi), avec remboursements de frais et de salaires, que des frais soient remboursés sans justificatifs.

Les seules entreprises publiques rémunèrent « 30.000 à 40.000 » salariés mis à disposition des syndicats, la fonction publique en fournissant de son côté 14.000.

Pour leurs seules activités sociales et culturelles les syndicats d’EDF dépensent 186 millions d’euros par an, et ceux de la SNCF 93 millions, que les commandes des comités d’entreprise soient régulièrement passées, sans appel à la concurrence, à des fournisseurs « amis ».

Les archives du CE de la SNCF détruites

Il s’étonne également que les experts comptables des comités d’entreprise soient toujours les mêmes, que le Salon des prestataires de services aux comités d’entreprises se tienne toujours à Montreuil, à côté du siège de la CGT, au moment où la CGT réunit tous ses secrétaires de comités d’entreprise, que les archives comptables du Comité d’entreprise de la SNCF aient été détruites par un incendie.

Nicolas Perruchot constate qu’il n’est pas sain que « les mêmes personnes gèrent des financements (de formation par exemple) et les organismes qui en bénéficient ». « La concomitance de moyens considérables et d’une faible transparence conduit inévitablement à des dérives » affirme-t-il.

Syndicats patronaux : des réserves considérables

Il s’attaque également aux syndicats patronaux, dont la représentativité n’est pas claire, une entreprise pouvant être affiliée sans le savoir à différents syndicats. Dans de nombreux cas, le « paritarisme », c’est-à-dire le partage 50/50 avec les syndicats ouvriers, finance les syndicats patronaux, dont certains ont des réserves considérables : l’UIMM (syndicat des industries métallurgiques) vit à 63 % du placement de ses réserves.

Les chambres de commerce et celles d’agriculture, financées par des impôts, contribuent au financement des syndicats. Par exemple le congrès « Planète PME » de la CGPME est partiellement financé par la Chambre de commerce de Paris.

Des propositions insuffisantes

Devant un tel constat, Nicolas Perruchot aurait pu chercher à nettoyer complètement ces écuries d’Augias : préconiser la suppression de tout financement public des syndicats.

En même temps il aurait pu contribuer à la « convergence » avec l’Allemagne souhaitée à juste titre par le président de la République, par exemple en proposant de supprimer des versements obligatoires des entreprises qui n’existent pas en Allemagne, comme les versements pour le logement et la formation professionnelle, et la taxe d’apprentissage.

Mais, espérant obtenir la publication d’un rapport consensuel,  il a dû faire des concessions aux autres députés de sa commission d’enquête.

Ses propositions sont donc faibles. Certes il demande une plus grande transparence des comptes des syndicats :

- les comptes des confédérations devraient être consolidés avec ceux de leurs unions départementales et de leurs syndicats de branches,

- une nomenclature comptable commune devrait être établie pour rendre comparables les comptes des différents syndicats,

- les mises à disposition de personnel et les autres avantages en nature devraient être évalués,

- les comptes des comités d’entreprises devraient être certifiés par des commissaires aux comptes,

- les fonctionnaires mis à la disposition des syndicats de fonctionnaires devraient figurer dans les bilans sociaux de leurs administrations,

- les emplois de permanents devraient faire l’objet de conventions publiées, à durée limitée.

Nicolas Perruchot propose de fusionner la médecine du travail avec celle de la Sécurité sociale.

Il propose de « supprimer ou réduire » les fonds du FONGEFOR et de « diminuer » ceux des OPCA (organismes récoltant les cotisations obligatoires des entreprises pour la formation professionnelle).

Suppression de tout financement public

Il recommande de plafonner les frais remboursés par les conseils d’administration des caisses de Sécurité sociale. Mais plutôt que de proposer la signature d’accords de financement paritaire des syndicats patronaux et ouvriers, il eût mieux valu proposer la suppression de tout financement public.

Car actuellement, la mission principale des syndicats de salariés est la défense des privilèges du secteur public, d’où proviennent tous leurs dirigeants et la majorité de leurs membres.

Cette mission est remplie grâce à l’organisation de manifestations de rues empêchant la mise en œuvre de réformes qui réduiraient ces privilèges, manifestations dont certaines ont conduit à la démission d’une dizaine de ministres.

Pour un syndicalisme moins politique

En limitant leurs ressources financières aux seules cotisations de leurs syndiqués, on éviterait le blocage des réformes. Le syndicalisme deviendrait moins politique, plus soucieux des intérêts de tous les salariés.

Il favoriserait comme au Royaume-Uni, en Allemagne et bientôt en Italie, les négociations d’entreprise qui, primant sur les négociations de branches, éviteraient de nombreuses faillites d’entreprises et des licenciements. La France se porterait mieux.

Mais s’il était allé jusque-là, Nicolas Perruchot n’aurait peut-être pas pu dévoiler toutes les sources de financement qu’il a décrites et toutes les aberrations qu’il a dénoncées. Son rapport n’aurait sans doute pas été publié, même par Le Point.

Alain Mathieu

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