Notre monde, dans quelques temps. Dégradé et désargenté, le sergent Braffort revient à Paris-mégapole à l’issue d’une mission qui a mal tourné. Cette ville transformée lui réserve bien des surprises et peut-être un avenir imprévu…
Edité chez Delcourt,
Scénario de Serge LEHMAN,
Dessin de Stéphane CRÉTY,
Couleurs : Gaétan GEORGES
sortie le 18/01/2012
Collection : Neopolis
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Public conseillé : Adolescent / Adulte, homme ou femme
Style : Super-héro à la “française”, anticipation, fantastique
Références : X-men, Spider-man, Metropolis (1927) de Fritz Lang, Metropolis (2001) de Rintaro, Blade Runner (1982) de Ridley Scott, Dark city (1998) d’Alex Proyas
Ce que j’en pense
Posons le décor : Notre monde dans quelques années. Peu de changement : la technologie a évolué. Avec elle, de nouvelles armes sont apparues, les voitures volent, la pollution et la pauvreté ont progressé dans les grandes villes tandis que l’argent et le pouvoir sont toujours les moteurs de l’humanité. Pas très dépaysant tout ça, mais suffisamment pour changer les règles du jeu et imaginer des aventures.
C’est le cas de notre guide : Le sergent Frank Braffort dont nous suivons en début d’album le passé immédiat. Soldat émérite et peu conventionnel (il lit Baudelaire), Frank est tombé dans un piège lors de sa dernière mission dans le caucase. Un drone combattant a massacré toute son unité, à l’exception de lui-même et son amie, Melissa Taleb. Ces deux là ont été sauvés, mais par quoi ou qui ? C’est bien incertain. En tant que lecteur, nous n’aurons pas le fin mot de l’histoire, mais à en croire les souvenirs du sergent, ce fut l’intervention d’un gars volant en cape rouge qui a détruit l’engin de mort. Oui, vous avez bien lu. Ca vous rappelle quelqu’un ?
Tant mieux, car vous allez vite comprendre : Nous quittons le récit d’anticipation pour une série de super héro (à la française). Carrément étonnant ce changement de style.
Après ce préambule, retrouvons notre guide. Je parle de guide car Frank revient à la vie civile, enfoncé par son supérieur et déphasé après 7 années de campagne. Il y a perdu pas mal de repères. Désargenté, dégradé, sa soeur parisienne est son dernier point d’ancrage. Il recommence presque à zéro, dans ce “nouveau monde” qui le heurte et l’interroge.
Premier bon point pour Lehman et Crety. Ils nous décrivent un Paris-métropole très précis et très crédible. Commençons par la ville en elle-même. Mégalopole assumée (paris-métropole) son architecture n’a que peu évolué (Paris sera toujours Paris). Les changements sont d’un autre genre. Les problèmes sociaux et politiques se sont largement développés. Un réseau pirate (le réseau éclair) abreuve les parisiens de nouvelles en temps réel. Symbole de cette crise contestataire, un hologramme gigantesque du fantôme (îcone des années 1950) s’inscrit en permanence dans le ciel de Montmartre. Au dessus du petit peuple, 2 politiciens (La maire Caprice et le Préfet Beauregard ) s’affrontent quotidiennement à coup de déclarations médiatiques.
Ce ne sont que de petits problèmes, comparés à l’émergence de formes cybernétriques auto-générées. Ces “anomalies”, apparues il y a quelques années dans toutes les grandes villes, augmentent, en nombre, en volume et en complexité. Quel est le rapport entre Frank et ces entités ? Aucune idée, mais il semblerait que leur évolution soit liée d’une quelconque façon au retour de Braffort. Pourtant ce n”est pas le développement des anomalies qui inquiète Frank. Il a des problèmes bien plus urgents à résoudre. Tout simplement, trouver un travail pour gagner sa vie. Même si son image a été ternie récemment par ses supérieurs, il n’en est pas moins un militaire efficace, reconnu par ses anciens camarades. sa recherche d’emploi l’amène à rencontrer l’ex colonel Alain-Jan Assan, chef de la sécurité du Préfet et c’est là que tout s’enchaîne. Au premières loges d’un manifestation cybernétique hors du commun, il s’impose comme sauveur du même préfet et se voit proposer un poste assez .. particulier. Mais je n’en dirai pas plus. Sachez seulement que le récit prend des allures initiatiques de “super héros”…
Que dire de l’album ? Avant tout c’est un très bon moment de lecture, digne de la génèse “d’Iron man” ou de ‘Spider man”. Je ne suis pas un grand lecteur de comics. Habituellement, le style graphique me gène. C’est donc, pour un lecteur de bande dessinée franco-belge comme moi un vrai plaisir de conjuguer ce style et une bonne histoire de super héro bien amenée.
En effet, c’est une belle entrée en matière avec tous les éléments nécessaires au récit. Le monde est détaillé et cohérent. Les personnages sont un peu “typés”, mais ne tombent pas dans la caricature pour autant. Lehman, qui avait déjà montré son talent dans ce type de récit (La Brigade Chimérique) décrit des personnages assez complexes (spécialement Braffort, Melissa, Beauregard) sans bâcler les secondaires. Je suppose qu’ils seront développés ultèrieurement. L’histoire coule bien aussi, et le virage fantastique m’est tombé dessus à l’improviste. A la fin de ce premier tome de placement, je ne désire qu’une chose : Lire la suite. Vite !!!
Coté graphisme, c’est en terre très connue qu’on avance. “Masqué” est dans la collection “Néopolis” avec raison. Tout comme un bon “Sillage”, un “Golden City” ou un “Aquablue” ( séries phares de ce label Delcourt), “Masqué” se lit avec facilité. Le dessin de Crety a gagné en clarté, malgré une foule de détails. L’ encreur du projet n’y est pas étranger. Julien Hugonnard-Bert tire le meilleur du dessin de Crety. Sa gestion de la “graisse” (épaisseur du trait) permet de valoriser les différents plans et améliorer la lisibilité générale. Le rendu final : Découpage > Dessin > Encrage > couleur est digne d’un très bon tome de Néopolis. Vivement que ce niveau se maintienne !
Coté découpage, Les planches sont composées avec peu de cases. Les plans sont assez cinématographiques (plongé, contre plongée, perspective forcée) mais l’enchaînement est limpide. Le texte n’est pas trop présent et un bon équilibre dialogue / visuel permet d’en apprécier autant les dialogues que le dessin.
D’ailleurs, le design du monde est vraiment travaillé. Puisqu’il s’agit d’un récit d’anticipation et de science-fiction, Les “anomalies” ont été travaillées avec soin. Le même travail a profité aux décors. On y trouve des paysages urbains actuels (rues de Montmartre et de Banlieue déshumanisé, genre la “défense”, rues surpeuplées asiatiques, typées “Blade Runner” ainsi que des lieux grandiloquents) sans parler de l’antre du Fantôme, mix improbable de 3000 ans d’architecture sacrée…
Petit plus : La première édition de cet album est augmentée d’un cahier graphique qui montre le “design character” (les recherches graphiques) de l’album. Une bonne façon d’approcher le travail de Crety. Cerise sur le gâteau : ils ont présenté ce cahier sous forme d’un blog nommé “Métrologie”, le blog de la (dé)mesure parisienne. Fun, non ?
Pour résumer, je dirais que ce polar-fantastique-franco-super-héroique démarre en trombe. Si vous voulez passez un bon moment sans prise de tête en découvrant la génèse d’un super héro, C’est par ici que cela se passe. Pas d’hésitation : volez au secours de Frank (à moins que ca ne soit l’inverse).
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