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Hollande : effet d’annonce et électoralisme

Publié le 28 février 2012 par Sylvainrakotoarison

Le candidat socialiste veut taxer à 75% les très hauts revenus. Premier surpris : son conseiller spécial sur les sujets financiers et budgétaires, probablement son futur Ministre des Finances en cas d’élection…

yartiHollande20120201Ceux qui ne seraient pas encore convaincus viennent d’en avoir une preuve supplémentaire. La candidature de François Hollande ressemble à s’y méprendre à celle de Nicolas Sarkozy en 2007 : même type de meeting de lancement avec toutes les paillettes comprises et surtout, même démagogie clientéliste. Un dernier exemple assez marquant sur une mesure qui concerne si peu de monde qu’elle n’est que symbolique et lui permet de se gauchir un peu à faible coût.

Les réalités du direct à la télévision sont sans complaisance. Alors que l’émission politique de TF1 "Parole de candidat" le lundi 27 février 2012 se terminait, commençait sur France 2 l’émission d’Yves Calvi, "Mots croisés".

Sur TF1, François Hollande, dans un excès de révolte contre les hauts salaires (il n’a pas tort de se révolter), venait d’annoncer qu’en cas d’élection, il taxerait avec l’impôt sur les revenus à 75% tous les salaires au-dessus d’un million d’euros par an (c’est ce que les agences de presse ont repris, j’ai cependant cru entendre "par mois" à deux reprises).

Or, jusqu’à maintenant, le programme de François Hollande était de rehausser le taux marginal d’imposition de 41% à 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par an, ce qui rendait d’ailleurs le programme de François Bayrou beaucoup plus solidaire et social avec une tranche marginale supplémentaire à 50%.

François Hollande réagissait ainsi à cette information récente : « J’ai appris les progressions considérables des rémunérations des patrons du CAC40, deux millions d’euros en moyenne. Comment l’accepter ? ». Je note toutefois au passage que François Hollande a renié sa haine des riches, reconnaissant qu’il avait eu un abus de langage à l’époque…

Premier commentaire : François Hollande fait exactement comme Nicolas Sarkozy dans la construction de son programme d’action. Il utilise des faits d’actualité pour immédiatement faire une proposition hâtive, sans réflexion approfondie.

Car si la mesure préconisée ne me choque pas vraiment, il est clair qu’elle n’est que symbolique et en aucun cas efficace : ce n’est pas cela qui réduirait le déficit budgétaire (qui aurait peu de chance d’être réduit d’ailleurs avec tout ce qu’annonce François Hollande), et la question peut quand même se poser sur le risque d’expatriation fiscale. Le Canton de Vaud semblerait connaître en ce moment en Suisse un afflux de Française très aisés (ce qui, entre parenthèses, est assez choquant pour ceux qui aiment la France). Il y a aussi nécessité de garder dans le pays les profils à très haut potentiel.

Le Ministre de l’Économie François Baroin, sur France Inter le 28 février 2012, expliquait d’ailleurs avec malice que cette mesure, qui devrait concerner entre sept à vingt mille contribuables, risquerait d’avoir l’effet inverse à l’effet voulu : que les grandes entreprises augmentent ces salaires pour compenser.

Dès la fin de l’émission de TF1, visiblement, ce que les agences de presse ont retenu était justement cette taxation à 75% des très hauts revenus.

Sur le plateau de France 2, Yves Calvi s’est alors empressé de demander un commentaire à l’un de ses invités, le député socialiste Jérôme Cahuzac, président de la Commission des finances (successeur de Didier Migaud), qui a pour fonction d’être le conseiller du candidat François Hollande sur les sujets finances et budget. Donc, le principal intéressé de ce type de mesure.

Mais Jérôme Cahuzac, à la personnalité bien sympathique, est un homme très prudent et a dû reconnaître qu’il ne connaissait rien de cette mesure de François Hollande : « Vous m’interrogez sur une déclaration que pour ma part, je n’ai pas entendue. (…) Je ne sais trop que vous dire (…). Vous me permettrez d’être plus circonspect que vous ne semblez ne l’être (…). J’attends de voir un peu ce qu’il en est vraiment. ».

Invitée également d’Yves Calvi (aux côtés de Yann Wehrling pour François Bayrou, Louis Aliot pour Marine Le Pen et Philippe Poutou), Nathalie Kosciusko-Morizet a presque eu de la compassion pour Jérôme Cahuzac, comprenant qu’il se trouvait dans une position fort inconfortable : être obligé de commenter une mesure qui devrait émaner de lui-même et dont il n’a même pas eu connaissance alors qu’il allait passer à la télévision. J’imagine la colère après coup.

Geoffroy Didier, secrétaire national de l’UMP, n’a pas tardé à appuyer là où cela faisait mal, à savoir que le conseiller finances et budget du candidat socialiste « a carrément découvert la proposition de François Hollande (…), illustrant ainsi, une nouvelle fois, l’impréparation totale du programme économique du candidat ».

Sur France Inter le 28 février 2012, le directeur de campagne de François Hollande, Pierre Moscovici, a été un peu plus enthousiaste que son collègue socialiste en s’étonnant qu’on puisse s’étonner d’une telle mesure alors que le spécialiste PS Thomas Piketty a toujours considéré que les augmentations de ce genre sont impuissantes à réduire l’injustice fiscale.

Mais l’intérêt, justement, n’est pas sur le fond mais dans la manière de faire de François Hollande.

Bref, faire des effets d’annonce de mesures qui n’ont même pas été testées au préalable et sans en informer son conseiller direct concerné… cela ne vous fait-il pas penser à une certaine gouvernance ?

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Sylvain Rakotoarison (28 février 2012)


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