Un an après avoir lancé une action de communication pour sensibiliser les citoyens aux impacts environnementaux d’une agriculture industrielle, France Nature Environnement a souhaité interroger les français à propos de leur perception des menaces qu’une certaine agriculture fait peser aussi bien sur leur environnement que sur leur santé et leur alimentation. A quelques heures du salon de l’agriculture, les citoyens, interrogés par l’institut CSA, expriment leur souhait de voir émerger de nouvelles pratiques en matière de production agricole. Les candidats à l’élection présidentielle sauront-ils répondre à leurs attentes ? s’interroge France Nature Environnement.
Lors du précédent salon de l’agriculture, France Nature Environnement avait joué les trouble-fête avec sa campagne d’affichage intitulée Kill Bees. Elle avait profité de cette grand-messe annuelle pour faire entendre une voix dissonante au milieu des louanges habituelles alors que l’agriculture française va à la rencontre des citoyens. “Malgré les tentatives de certains pour étouffer cette voix, le discours a été entendu jusqu’au plus haut niveau de l’Etat. Il convenait donc pour FNE de faire un état des lieux à la veille de cette nouvelle édition” résume la fédération écologiste qui regroupe plus de 3000 associations.
La Région Bretagne avait porté plainte contre cette affiche présentant une plage recouverte d’algues vertes, et qui visait à dénoncer les conséquences de l’élevage industriel du porc pendant le précédent salon de l’agriculture.
Des résultats probants
En Bretagne, première région agricole de France, le taux élevé de nitrates dans les rivières – dû à l’élevage intensif et aux engrais – est responsable de la prolifération des algues vertes sur les plages. Invités à se prononcer sur cette situation par l’Institut CSA, plus d’un Français sur deux (56%) souhaite une réduction du nombre de porcs en Bretagne afin de préserver le territoire, contre 39% n’y étant pas favorables. Un souhait de réduction exprimé de manière relativement homogène par l’ensemble des interviewés, quoique logiquement plus prononcé chez les sympathisants Europe Ecologie / Les Verts (71%). [1] Pour Jean-Claude Bévillard : “Ce résultat nous donne satisfaction. Il démontre que nos concitoyens ont compris l’importance d’agir sur les causes de la prolifération des algues vertes. Ils mesurent aujourd’hui les limites du ramassage des algues vertes qui, outre son coût, ne règle pas le problème de fond”.
Si la pollution environnementale sensibilise certainement les Français, c’est bien la question de l’alimentation qui semble mobiliser plus largement l’opinion. Dans un débat souvent rythmé par les scandales alimentaires et sanitaires, près de trois personnes interrogées sur quatre (73%) expriment leur inquiétude face à la présence éventuelle de traces de pesticides dans les produits alimentaires (dont 30% « Très inquiet » et 43% « Assez inquiet »). Une crainte plus particulièrement exprimée par les Français les plus âgés : respectivement 79% et 75% des interviewés âgés de 50 à 64 ans et 65 ans et plus se déclarent inquiets contre 62% de ceux âgés de 18 à 24 ans. “Le grand nombre de citoyens exprimant son inquiétude quant à la présence de pesticides dans les produits alimentaires souligne les attentes de la population en ce qui concerne l’application du plan Ecophyto, élaboré lors du grenelle de l’environnement, qui doit permettre, d’ici 2018, de réduire de 50% l’usage des pesticides. Le chemin est encore long puisque la tendance actuelle est à une augmentation de l’utilisation de ces produits” souligne FNE.
Enfin, les Français apparaissent également attachés aux différents labels et appellations visant à reconnaitre et identifier plus facilement certains produits alimentaires. Plus de neuf personnes sur dix (91%) soutiennent ainsi la mise en place d’une appellation « Sans OGM » sur les emballages de produits alimentaires d’origine végétale, animale ou apicole, 48% allant jusqu’à qualifier de « Très bonne chose » cette nouvelle législation. Seuls 7% des interviewés jugent que cette mesure est une mauvaise chose. Ce plébiscite non négligeable traduit l’adhésion massive au principe qui permettra en pratique de choisir ces produits labellisés en toute confiance, mais aussi et surtout, l’intérêt général des Français à l’égard des principes de traçabilité agroalimentaire.
“L’arrivée, à partir du 1er juillet 2012, d’un étiquetage « sans OGM » pour les produits végétaux, les produits animaux transformés ou non et les produits issus de l’apiculture est une grande satisfaction pour FNE qui avait profité de sa campagne de 2011 pour porter cette revendication, se félicite FNE. Notre sondage confirme donc que les consommateurs sont en attente d’une plus grande transparence et d’une meilleure information concernant les produits qui se retrouvent dans leur assiette”.
Bruno Genty, président de FNE résume : “Les chiffres du sondage confirment que les français continuent de se soucier des thématiques environnementales malgré le peu de place que la campagne présidentielle leur réserve. Nous espérons que les candidats à l’élection présidentielle liront ce sondage qui démontre les inquiétudes et les attentes d’un grand nombre d’électeurs soucieux de la qualité de leur alimentation, de leur santé et de leur environnement. A eux de leur répondre à l’occasion du salon de l’agriculture.”
Trois questions à Bruno Genty
Un an après, quel bilan faites vous de la campagne menée par France Nature Environnement en 2011 ?
Tout au long de l’année, les faits nous ont malheureusement donné raison. Les algues vertes ont envahi massivement les plages bretonnes cet été, l’usage des pesticides a augmenté au cours des 3 dernières années (chiffres Ecophyto 2018 d’octobre 2011) et les importations de soja OGM pour l’alimentation du bétail se poursuivent. Les agriculteurs ont bien sûr leur part de responsabilité, mais ils sont loin d’être les seuls. Notre objectif n’était surtout pas de dénoncer une profession dans son ensemble, mais bien les excès d’un système -agriculture industrielle, dirions-nous pour faire simple- qui se heurte aujourd’hui à ses propres limites. Notre sondage montre que les citoyens sont sensibilisés. C’est déjà une grande victoire. Dans la foulée de notre campagne, nous avons reçu beaucoup de témoignages de soutien, provenant à la fois de particuliers que de divers professionnels. Je pense notamment à certains exploitants agricoles malades suite à des contaminations par des pesticides. Aujourd’hui, il manque surtout une volonté politique de résoudre les problèmes, ce qui accentue le fossé entre des systèmes agricoles très différents. C’est toujours pareil : pour ne pas heurter des intérêts particuliers, on laisse faire des pratiques qui ne sont ni durables, ni pérennes. A ce jour les évolutions sont maigres même si nous notons la publication très récente du décret relatif à l’affichage des produits sans OGM, ce qui est un progrès. Espérons que les citoyens vont aussi voter avec leurs sous !
Quelles sont les raisons d’espérer l’avènement d’un nouveau modèle agricole ?
S’il n’y avait pas d’espoir, nous n’aurions pas de raison de poursuivre notre action. Après, il faut noter que ce que nous avons dans notre assiette interpelle de plus en plus de personnes. Aujourd’hui, personne ne souhaite manger des pesticides ! La crise à laquelle nous sommes confrontés est le fruit d’un modèle qui nous y a menés. Il y a donc aujourd’hui une véritable opportunité de changer pour dépasser cette crise. C’est bien le sens de l’ “Appel des 3000 pour un contrat environnemental” que portent FNE et ses associations membres. Autre motif d’espoir : une partie de l’agriculture est fondée sur des pratiques respectueuses de l’environnement. C’est le cas de l’agriculture biologique bien sûr mais des agricultures durables en général comme c’est aussi le cas des pratiques agricoles à haute valeur environnementale. Elles ont en commun de s’insérer au mieux dans leur milieu, d’être économes en énergie et en engrais ou en produits de traitement. Ce sont ces agricultures qui sont porteuses d’avenir. Ce sont ces pratiques qu’il faut encourager et soutenir car elles répondent à l’intérêt général
Qu’attendez-vous du prochain quinquennat ?
De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour demander que notre pays s’oriente vers une diversification de l’agriculture, un développement de l’agriculture de proximité, la protection de l’espace agricole. Les déclarations des candidats à la Présidence de la République lors de notre récent Congrès vont largement dans ce sens. Reste maintenant à ce que les actes suivent les déclarations. Nous y travaillons. Nous attendons du prochain Président de la République qu’il porte haut et fort cette réforme du modèle agricole. Nous attendons de lui qu’il n’oppose plus, comme on l’entend trop souvent aujourd’hui, agriculture et environnement, agriculteurs et environnementalistes. C’est idiot car la nature est l’outil de travail, le support de l’activité agricole. La réduction de l’usage des pesticides, le développement de l’agriculture biologique, un usage plus économe de la ressource en eau et la préservation de sa qualité ainsi que le socle environnemental pour les aides de la Politique Agricole Commune sont nos trois priorités pour le prochain quinquennat.
2012 : l’appel de FNE aux candidats
Dans le cadre de son Appel des 3000 pour un contrat environnemental, adressé aux candidats à l’élection présidentielle, FNE a mis un accent particulier sur l’agriculture plus en phase avec les ressources du territoire, moins dépendante des pesticides, des engrais et des importations, respectant mieux la nature et fournissant une alimentation de qualité au consommateur.
Algues vertes
Éliminer les causes de la prolifération des algues vertes en développant un élevage lié au sol : ne plus autoriser la moindre extension du cheptel, favoriser la reconversion vers l’élevage sur paille ou en plein air, les alternatives de qualité (élevages biologiques, élevages fermiers, label rouge) et les circuits courts, faire appliquer la loi (installations classées…) et vérifier sur le terrain la réalité des plans d’épandage. A plus long terme, les importations de soja pour l’alimentation animale, qui sous-tendent le modèle hors-sol breton, doivent être remises en cause.
Pesticides
Interdire les pesticides les plus dangereux, notamment pour la population, les travailleurs agricoles et les abeilles.Atteindre l’objectif de réduction de 50% de l’usage des pesticides d’ici 2018. L’ensemble des acteurs doit être mobilisé : les agriculteurs bien sûr, mais aussi les coopératives, le négoce, l’agroalimentaire et la grande distribution. Les distributeurs de pesticides doivent s’engager clairement à contribuer à cette réduction des pesticides. Des mesures plus dissuasives, comme l’interdiction des pesticides sur les aires d’alimentation de captages d’eau potable ou une taxation forte des pesticides devront être mise en place si la baisse de l’usage des pesticides n’est pas amorcée significativement en 2013 (à mi-parcours de l’application du plan Ecophyto 2018).
Tendre vers le « zéro pesticides » dans les villes et jardins.
OGM
Interdire à terme l’utilisation des OGM dans l’alimentation animale et leur culture en plein champ
Changer de modèle agricole
Convertir 20% de la surface agricole en agriculture biologique d’ici 2020Développer les circuits de proximité en lien avec les producteurs locaux grâce à des mesures fiscales, des aides à l’installation et des campagnes de communication
Orienter les aides de la politique agricole commune (PAC) vers une agriculture soutenable et liée au territoire. Lier les aides à l’agriculture à l’adoption de bonnes pratiques comme une part de l’exploitation agricole dédiée à la nature (haies, bosquets, mares) et la diversification des cultures (4 cultures différentes par exploitation). Soutenir l’agriculture biologique et l’agriculture de Haute Valeur Environnementale issue du Grenelle. Protéger la vocation nourricière de l’agriculture
Limiter la destruction des terres agricoles et des espaces naturels par des mesures réglementaires et fiscales, en encourageant notamment l’établissement de « ceintures nourricières » autour des villes
Supprimer toute incitation financière au développement des agrocarburants industriels. Ces derniers ont un impact négatif sur l’environnement, ils concurrencent la vocation nourricière de l’agriculture et ils contribuent à la destruction de milieux naturels et forestiers, notamment tropicaux.
Les déclarations des candidats au congrès de FNE
« Les pesticides sont une menace pour les espèces vivantes. » François Bayrou
« Je veux garantir le droit à une alimentation saine et de qualité. Commençons par faire de la restauration collective un grand chantier pour la qualité de l’alimentation, avec un objectif simple et clair : 100% de bio pour nos enfants dans les crèches et les maternelles. » Eva Joly
« Je propose de favoriser non seulement l’agriculture biologique mais plus largement une agriculture à haute productivité environnementale » Corinne Lepage
« Je souhaite un monde rural préservé et revitalisé plutôt que d’artificialiser de nouvelles terres pour des constructions bon marché et loin de l’esthétique locale » Dominique de Villepin
« L’autonomie et la souveraineté sont les instruments de la relocalisation, applicables notamment à « l’agriculture » et à « la brevetabilité du vivant ». Jean-Luc Mélenchon
« Je ferai en sorte que les critères agro-environnementaux soient des critères qui permettent la distribution des aides aux agriculteurs. J’insisterai sur la multiplicité des agricultures. » François Hollande
[1] Sondage exclusif CSA pour France Nature Environnement réalisé par téléphone le 20 février 2012. Echantillon national représentatif de 1 000 personnes âgées de 18 ans et plus, constitué d’après la méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef de ménage), après stratification par région et catégorie d’agglomération.
Pesticides dans les produits alimentaires : les Français expriment massivement leur inquiétude – [CDURABLE.info l'essentiel du développement durable].