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Ecologie es-tu là ?

Publié le 29 février 2012 par Delits

En 2008 (déjà), Délits d’Opinion montrait comment le développement durable était passé d’une simple thématique, à l’origine plutôt secondaire, à un véritable enjeu politique. En 2008, l’attrait pour les problématiques environnementales connaissait son apogée, en partie grâce à l’action de Nicolas Hulot, qui était parvenu l’année précédente à faire signer son pacte écologique par les principaux candidats à l’élection présidentielle.

Quatre ans plus tard où en est l’écologie politique ?

Daniel Cohn-Bendit est parvenu à fédérer plusieurs mouvements au sein d’une grande force, EELV(Europe Ecologie Les Verts), qui a permis plusieurs gros scores lors d’élections intermédiaires. Quelques catastrophes écologiques et une alerte nucléaire plus tard, le terreau semblait fertile pour réaliser un gros score à la présidentielle de 2012.

Oui mais… les querelles internes et une primaire mal gérée ont renvoyé Nicolas HULOT aux activités de sa fondation et ont mis en avant une novice de la politique qui comme prévu se montre bien incapable de tenir la distance et de fédérer autour de son nom, de sa personnalité, ou au choix d’un grand parti écologique. Le Grenelle de l’Environnement, mené en grande pompe, est aujourd’hui un vague souvenir dont la plupart des associations co-actrices à l’époque de ce projet ambitieux ne cessent de dénoncer l’absence de résultats concrets et de revirements de dernières minutes.

Que reste-t-il de la vague écologique ?

Si l’importance de la question environnementale reste bien implantée dans les grilles de lecture, en particulier parmi les plus jeunes et les catégories socioprofessionnelles supérieures (les CSP+ et intermédiaires, les plus diplômés et les plus hauts revenus), celle-ci semble néanmoins avoir perdu de sa vitalité derrière les thématiques socio-économiques sans vraiment avoir pu capitaliser sur un « effet Fukushima ».

Dans sa dernière publication « Enquête sur les attitudes et comportements des Français en matière d’environnement« , le Credoc fait apparaitre ce contraste.

Une connaissance généralisée du développement durable… notamment chez les jeunes et les PCS+

Depuis 2004, une part toujours croissante de la population se représente d’une manière précise le concept de « développement durable », pour concerner désormais une majorité de nos concitoyens (51%).

Cette tendance de fond masque cependant de fortes inégalités notamment en fonction du niveau de diplôme. Les diplômés du supérieur ont en effet connu une croissance d’information parmi leurs rangs particulièrement élevée (+22 points entre 2004 et 2011), quand la proportion des non-diplômés  informés est resté stable entre 2007 et 2011 (22%).

Interrogés sur leurs perceptions autour du développement durable, nos concitoyens font principalement référence à la dimension environnementale (60%). L’économie (33%) ou le social (18%) n’apparaissent que loin derrière dans les citations.

Sur ce point, de très forts clivages existent parmi les différentes catégories de population. Les plus jeunes perçoivent très majoritairement les débats autour de son enjeu environnemental (respectivement 70% des 18 – 24 ans et 67% des 25-39 ans) quand les séniors sont plus éparpillés (« seulement » 39% d’entre eux mettent en avant cette association d’idée). La variable de diplômes agit également fortement : 77% des diplômes du supérieur et 70% des bacheliers mettant en avant cette dimension quand à peine un tiers des non diplômés l’entendent de la même façon (35%, la même proportion ne met en avant aucune évocation).

A noter que les personnes âgées de plus de 70 ans, les non diplômés, les ouvriers  et les personnes aux plus faibles revenus sont les moins nombreux à exprimer une association d’idées.

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Un impact au quotidien

La question de la responsabilisation de chacun est également en progrès. La quasi-totalité des Français estime ainsi que les efforts de chacun peuvent avoir un impact important sur la protection de l’environnement (93%). Près de huit sur dix estiment d’ailleurs que dans sa vie quotidienne il pourrait faire mieux pour assurer le respect du développement durable (78%, stable depuis 2004).

Cette proportion est plus importante auprès du public se déclarant très ou assez sensible à l’environnement (80% contre 68% des personnes peu ou pas sensibles à l’environnement).

Se retrouve également une proportion plus importante parmi les jeunes (86% des 18-24 ans et 56% des plus de 70 ans) et les PCS + : les plus diplômés (87% dans le supérieur pour 65% des non-diplômés), les plus hauts revenus (84% pour des revenus au-dessus de 3100€ et 67% des foyers aux revenus compris entre 900€ et 1500€).

Les ménages français prêtent également une attention plus importante à la quantité de déchets produits par leurs achats. Cette tendance de fond s’est accélérée depuis 2003. Désormais ils sont une majorité à se déclarer attentifs à la quantité de déchets générés par les produits de grande consommation qu’ils achètent.

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A noter que l’attention portée à la quantité de déchets générés augmente avec l’âge : quand les 18-24 ans ne sont qu’un  tiers à adopter ce comportement, la proportion monte à 59% des 40-59 ans et 63% des 60-69 ans. Elle est également plus développée parmi les cadres et professions intellectuelles supérieures et parmi les professions intermédiaires que parmi les ouvriers.

Les Français manifestent également une volonté de faire mieux au quotidien en vue de préserver l’environnement. La proportion était déjà importante en 2004 (76%), a crû en 2005 (80%), pour se maintenir à un niveau élevé jusqu’en 2011 (78%).

Cette volonté de mieux faire est particulièrement présente parmi les plus jeunes (86% des 18-24 ans, 88% des 25-39 ans, pour seulement 56% des plus de 70 ans), les plus diplômés (87% des diplômés du supérieur, seulement 61% des non diplômés) et les plus hauts revenus (84% des foyers à plus de 3100€ de revenus mensuels, 67% de ceux avec 900€ à 1500€).

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Des freins habituels à une consommation durable généralisée

Interrogés sur les leviers qui pourraient développer ces comportements responsables, les consommateurs mettent en avant la dimension financière : une majorité souhaite être rassurée sur l’absence de sur-coût d’une consommation durable (53%).

Cette dimension financière arrive en tête, dans les mêmes proportions que la possibilité d’un large choix de produits (52%) et la possibilité de « repérer plus facilement les produits respectueux de l’environnement par rapport aux produits classiques » (49%).

Les motivations varient selon les groupes sociaux. Les PCS les moins favorisées (non-diplômés, plus petits revenus, ouvriers et employés) attachent plus d’importance au prix des biens de consommation durable. Les cadres et professions intellectuelles supérieures et professions intermédiaires valorisent la possibilité de repérer ces produits et dans une moindre mesure le choix plus large de produits.

Un écolo scepticisme en hausse ?

L’affaire intitulée « Climat gate », mettant en scène plusieurs climatologues pris en flagrant délit de manipulation de chiffres en vue d’accréditer  la thèse d’une cause humaine dans le réchauffement climatique a peut-être laissé des traces. L’offensive médiatique de Claude ALLEGRE ou les scandales autour de produits présumés bio remplis de pesticides sont peut-être passés par là … toujours est-il qu’à partir de la fin 2009 les Français se sont mis à douter plus fortement de la véracité scientifique entourant les enjeux de développement durable.

Concernant les produits considérés comme les plus écologiques, la chute est assez impressionnante :

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Une analyse d’Ipsos met également en avant cet élément : les Français se montrent en effet « moins préoccupés par le futur de la planète (–8 points depuis 2006) tandis que le niveau de scepticisme quant à la gravité des menaces environnementales progresse (+6 points) : désormais 43% estiment même qu’elles sont exagérées. Cette crise de foi se nourrit pour une part d’une véritable défiance à l’égard des discours des autorités. Ainsi, seule une minorité de Français fait aujourd’hui confiance aux scientifiques pour dire la vérité sur les résultats et les conséquences de leurs travaux dans le domaine du réchauffement climatique (48%).« 

L’auteur précise même : « La crise de foi et la crise économique nourrissent aussi un début de crise de confiance des consommateurs. Le niveau de défiance vis-à-vis de l’information concernant les produits les plus respectueux de l’environnement atteint son plus haut niveau depuis 1997 (seulement 31% considèrent qu’elle est scientifiquement fondée, –13 points) »

Cette défiance se répercute directement dans des actes au quotidien : « Les Français affirmant de plus en plus qu’ils n’utiliseront pas l’affichage environnemental lorsqu’ils feront leurs courses (46%, +8 points). »

La profusion de labels, tendance contre-productive pour la conso écolo

Parmi les pistes d’explication est mise en avant la multiplication de labels bio, peu clair pour assurer une information fiable.

« Pour un produit ou un service, la seule promesse d’être plus respectueux de l’environnement que les autres n’est plus suffisante et c’est sans remords que de nombreux consommateurs avouent qu’elle ne les convainc plus. La profusion des logos, labels et appellations a aussi engendré une certaine confusion. »

Cet élément est mis en avant dans l’enquête du Credoc. La capacité des consommateurs à repérer les produits présentant des composantes favorables au respect de l’environnement stagne depuis 2004.

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Cette tendance pouvait sembler contre-intuitive. En effet, la consommation de produits bio a fortement augmenté depuis 2002 (63% des Français déclarent en consommer de façon occasionnelle contre 43% en 2002). Cette habitude comportementale aurait plutôt dû faciliter ce repérage et permettre une certaine routine dans le comportement de consommation. Il n’en est visiblement rien.

A-t-on raté le grand soir de l’écologie ?

Ces résultats mettent donc en évidence ce paradoxe : d’un côté les préoccupations environnementales n’ont jamais été aussi présentes dans les esprits, à tout au moins une partie de la population et la volonté de vouloir faire mieux au quotidien semble sincère, d’un autre, l’écologie politique semble avoir raté son grand rendez-vous et une vague de scepticisme semble s’être installé au sein de l’opinion publique.

Concernant l’action politique, la campagne d’Eva Joly qui ressemble de plus en plus à un fiasco, posera nécessairement la question de la stratégie politique d’EELV. Premièrement de l’avoir préférée à Nicolas Hulot qui avait su imposer un impact médiatique fort à l’écologie politique en 2007 et qui était crédité de prés de 10% dans les intentions de vote – on imagine mal aujourd’hui Eva Joly approcher les 5%, la différence parait abyssale et potentiellement embarrassante. Deuxièmement la question du rôle de Daniel Cohn-Bendit pourrait également être posée.

Moteur d’un mouvement ambitieux qui vit une force écologique unie réaliser des scores importants lors d’élections intermédiaires, son absence durant la présidentielle semble préjudiciable et coïncide de fait, sans tirer de conclusion hâtive, à un fiasco électoral.

Concernant la filière industrielle de biens écologiques, la consommation de biens respectueux d’un développement durable s’est également largement développée et des marges de manœuvre, notamment par la variable prix et la traçabilité des produits, ainsi que les effets bénéfiques escomptés, existent. C’est donc toute la communication des produits « écoresponsables » qui est à revoir afin de rassurer le consommateur sur son impact réel sur le respect de l’environnement et sur le prix à payer à cette fin.


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