Le Figaro publie le 23 février 2012 un article sur les Français qui quittent la France ici, résumé par ce chapeau :
"Ils sont quelque 200.000 en Belgique, 160.000 en Suisse, et leur nombre s'accroît à raison d'au moins 1200 départs par an. Leurs griefs: le poids de la fiscalité, bien sûr, mais surtout «l'imprévisibilité» et la «culture anti-riches» qui règnent en France."
Le phénomène se serait accéléré en ce début d'année. Ainsi les candidats à l'évasion fiscale n'attendraient-ils pas le 6 mai 2012.
Si ces futurs ou actuels évadés avaient encore un doute, François Hollande, qui clame haut et fort qu'il veut faire payer les riches, leur aura ôté.
Cette une du Figaro est à rapprocher d'une étude sur le Coût de l'émigration de Contribuables Associés, qui date du 20 mars 2009 ici [d'où provient l'image]. Cette étude, qui n'a pas pris une ride, montre que l'émigration vers la Suisse et la Belgique, où se trouvaient alors respectivement 9,5% et 6% des Français de l'étranger , n'est que la pointe d'un iceberg :
"Chaque année, 233.000 Français quittent définitivement ou pour une longue période la France et 168.000 y reviennent, soit un solde migratoire négatif de 65.000 personnes."
Les raisons de ces départs sont multiples :
"Emigrations de main d’oeuvre, de compétence, entrepreneuriale, étudiante, fiscale, retraitée."
Ces émigrations ont évidemment un coût. Dans cette monographie de Contribuables Associés :
" Jean-Paul Gourévitch évalue les dépenses consenties par l’État pour l’éducation de ces émigrés, les manques à gagner fiscaux et sociaux et la perte de recettes entraînée par ces départs à un montant annuel de 11,117 Mds d’euros.
En contrepartie, les économies réalisées par l’État et les recettes générées par les transferts de fonds et les retours ne représentent que 3,323 Mds d’euros."
Bref la France s'appauvrit, se vide d'une partie de ses élites, notamment en raison de la pression fiscale toujours plus forte, laquelle n'incite ni à y entreprendre ni à y travailler. Au premier rang de cette pression fiscale se trouve l'ISF (impôt sur la fortune), suivi par l'IRPP (impôt sur le revenu des personnes physiques), que la moitié des foyers fiscaux ne paient pas... et par l'IS (impôt sur les sociétés).
Peut-être faudrait-il élever un mur aux frontières de la France avec des miradors pour que ces foutus riches français ne s'échappent surtout pas avec leur magot ...
La mentalité d'un certain nombre de Français à l'égard des riches émigrés français n'est pas non plus pour les inciter à revenir. C'est ainsi que, dans l'édition du Monde datée du 24 février 2012 j'ai relevé cette lettre gratinée d'un lecteur ici :
"En 1789, nos aristocrates ont en majorité quitté la France où ils risquaient de perdre leur tête. Ce mouvement de masse dicté par l’instinct de conservation pouvait se comprendre. Aujourd’hui, nos contemporains les plus riches menacent de quitter l’hexagone chaque fois que la fiscalité risque d’augmenter quelle que soit d’ailleurs la couleur du gouvernement. Il s’agit dans ce cas d’une tentation moins glorieuse et même quelque peu ignoble – compte tenu de la progression des revenus des plus aisés – d’échapper à la solidarité nationale. Est-il besoin de rappeler à ces gens coupables d’incivilité que l’impôt est le moyen de diminuer les inégalités lorsqu’il est proportionnel aux revenus et de financer les services publics et la protection sociale ? L’amour de l’argent n’excuse pas la lâcheté."
Ce lecteur trouve "ignoble" que des Français parmi les plus riches "menacent de quitter l'hexagone" parce que l'Etat veut les tondre davantage, alors qu'ils ne sont pas à plaindre puisque les "revenus des plus aisés" auraient progressé. Ils ne seraient animés que par de vils motifs : vouloir "échapper à la solidarité nationale" par "amour de l'argent"...
Le problème est qu'une solidarité suppose le consentement. En l'occurrence elle est forcée et n'est qu'un puits sans fond, depuis des décennies. C'est la faillite de l'Etat-Providence à la française, qu'a révélé au grand jour la crise de son endettement, faillite sur laquelle il convient de se taire. Est-il donc ignoble de vouloir sauver ce qui peut être sauvé d'un tel désastre, en étant dicté par l'instinct de conservation ?
Ce serait lâche, selon ce lecteur, de se soustraire à la rapacité de l'Etat. L'impôt serait "le moyen de diminuer les inégalités lorsqu'il est proportionnel aux revenus". Diminuer les inégalités ne peut se faire pourtant réellement qu'en permettant à chacun de devenir plus riche et non pas en appauvrissant la plupart et en redistribuant arbitrairement les richesses, c'est-à-dire en prenant dans la poche des uns pour donner aux autres.
Parce que c'est l'Etat, qui s'abrite derrière la loi et rançonne le contribuable de manière confiscatoire, on ne parlera pas de vol - alors que c'en est un -, mais de financement de services publics et de protection sociale, sur lesquels on ne demande l'avis de personne tout en les rendant obligatoires.
Enfin le lecteur du Monde ignore qu'en France, comme dans bien d'autres pays, l'impôt n'est pas le moins du monde proportionnel aux revenus, mais progressif avec les revenus, c'est-à-dire que plus le contribuable gagne plus le taux auquel il est imposé augmente, jusqu'à devenir tout simplement confiscatoire.
Comme on le voit ce lecteur est bien emblématique de cette "culture anti-riches" qui fait fuir à toutes jambes ceux qui entreprennent et disposent de biens. Ces, plus ou moins, riches ont d'autant plus raison de voter avec leurs pieds que les lois fiscales en France sont changeantes, voire bien souvent rétroactives, ce qui empêche de faire le moindre projet.
Ceux qui peuvent émigrer vers des cieux moins tourmentés ont également d'autant plus raison de le faire que l'évasion fiscale en demeurant sur place leur est de plus en plus interdite. Ils ne peuvent donc plus, en attendant des jours meilleurs, mettre à l'abri le fruit du travail de toute une vie, ou celui de ceux qui les ont précédés dans la vie.
Si, à Dieu ne plaise, François II (Hollande) devient Président de la République française et qu'il décide de suivre le modèle américain d'extraterritorialité fiscale, l'étape suivante sera, pour l'évadé, de renoncer, la mort dans l'âme, à la nationalité française pour échapper au mauvais sort réservé aux ressortissants.
Francis Richard