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[France - Nucléaire] L’ENFER DU NUCLEAIRE – Ma visite de la zone interdite de Fukushima, à Futaba

Publié le 02 mars 2012 par Yes

L’ENFER DU NUCLEAIRE (2) Ma visite de la zone interdite de Fukushima, à Futaba

par Janick Magne, jeudi 1 mars 2012, 21:49 ·

La petite ville de Futaba (Futaba-machi), fait partie des 8 municipalités qui constituent le district de Futaba (Futaba-gun) où vivaient jusqu’à la catastrophe du 11 mars près de 70 000 personnes. Située au bord du Pacifique, cette ville de  6400 habitants, pour l’essentiel des agriculteurs, des pêcheurs mais aussi des employés de la centrale nucléaire, accueille les réacteurs 5 et 6 de la centrale N°1 de Fukushima. Dans la ville voisine d’Ôkuma se trouvent  les tranches 1 à 4. La partie haute de la ville de Futaba a été relativement épargnée par le séisme et n’a pas été touchée par le tsunami et, sans la catastrophe nucléaire, les habitants pourraient aujourd’hui avoir repris le cours d’une vie normale et reconstruit la ville basse engloutie. Mais un ennemi invisible règne en maître dans la ville, empêchant toute velléité de retour et de reconstruction avant plusieurs décennies: la radioactivité.

   «Jamais je n’aurais imaginé… »

  

Dédié à mes amis de Futaba

Le 18 février, pour la troisième fois depuis la catastrophe et à condition de ne pas dépasser 5 heures sur les lieux, les habitants de la zone interdite étaient autorisés à retourner dans leur ville et à  passer chez eux. Oncles, tantes et cousins d’une de mes anciennes étudiantes, Manami, ont accepté que je me joigne à eux pour aller à Futaba.

Manami et son père allaient revoir la petite ville pour la première fois depuis la triple catastrophe de mars 2011. Ils voulaient se recueillir sur les tombes de leurs ancêtres. La jeune femme souhaitait retourner brièvement sur sa plage favorite au bord du Pacifique et prendre des photos de lieux chargés de souvenirs.

Il nous a fallu du temps pour organiser notre déplacement. Il m’a fallu fournir un CV et  la photocopie de mon passeport. La famille a dû dresser la liste des participants, expliquer leurs relations. Reçus quelques jours avant la visite, une dizaine de feuillets fournissaient dans le détail toutes sortes d’explications et précisaient qu’une tenue de protection complète de couleur blanche nous serait fournie : pantalon, tunique, couvre-chaussures en forme de bottes, deux paires de chaussons protecteurs en plastique, trois paires de gants dont deux de caoutchouc, un protège-tête, un masque de coton et  un dosimètre enregistreur. Les chaussons et les gants sont à utiliser en fonction des activités : selon qu’on entre dans la maison, qu’on s’assoit dans la voiture, selon qu’on range ou touche des objets, si l’on risque de se salir ou se mouiller les mains avec des liquides contaminés. J’avais acheté pour moi et mes amis des masques plus perfectionnés (conçus pour faire barrière à 99,9% des virus et bactéries) qui arrêtent bien la poussière, vecteur majeur de contamination  au césium et autres particules radioactives

Notre itinéraire était soigneusement défini, avec interdiction de s’en écarter. Il était hors de question de nous approcher de la centrale : nous aurions eu besoin d’une protection beaucoup plus efficace, et notamment d’un masque à gaz. On nous recommandait  aussi de ne ramasser aucun objet qui tomberait au sol par inadvertance.

A la gare routière de Naraha, située à l’entrée de la zone interdite (pas loin du J-Village qui est à l’origine une base d’entraînement de l’équipe de football du Japon), des employés de Tepco accueillent les visiteurs, vérifient les identités, font signer une décharge, distribuent les combinaisons de protection, attribuent un numéro à chaque voiture et remettent aux conducteurs un petit émetteur-récepteur. L’heure à ne pas dépasser est indiquée en gros sur un papier placé sur la face  intérieure du pare-brise : 14h30. Ne pas faire pipi, ne toucher à rien à l’extérieur, et uniquement avec des gants même à l’intérieur des maisons.

J’observe avec curiosité. En voyant les employés s’affairer à l’entrée de la gare routière, je ne peux m’empêcher de penser à l’entrée d’un parc d’attractions, tant leur diligence est grande et leur activité débordante. Comment font-ils, en tout cas pour les femmes, pour sourire ainsi ? J’admirerais presque cette capacité des Japonais à tout organiser et  tout minuter si cette remarque n’était ni si dérisoire ni si déplacée pour parler de ce lieu.

Semaine après semaine nous avons suivi les mensonges, les dissimulations, les erreurs gravissimes commises par Tepco et assisté au spectacle terrifiant du mépris affiché à l’égard des victimes et de la population par l’opérateur. J’essaie d’imaginer ce que ressentent les employés de la base. Ils ont leurs familles ici, ce sont des gens du lieu. Ils n’y sont pour rien. La plupart habitaient ici, dans les villes et villages aujourd’hui condamnés : beaucoup sans doute ont tout perdu. Le tsunami a certainement fait des victimes dans la famille de certains d’entre eux. Lorsque nous discuterons, plus tard, une employée de Tepco me dira : « Nous, on ne sait rien. On ne sait pas ce qu’ils font, ce qu’ils pensent, les dirigeants de l’entreprise. Nous n’avons aucune idée des tractations et des pressions. Qu’ils mentent sur l’état actuel des réacteurs, ça, c’est tout à fait possible, mais on ne sait rien. » Travaillant dans la centrale N°2 (Daini), lors de la grosse explosion de la N°1 (Daiichi), le 12 mars 2011, elle et ses collègues n’en ont rien su. Pourtant, c’est le même opérateur et la N°2 est à 12 km au sud, sur le même bord de mer.

La police est partout autour de  l’entrée au niveau de la gare routière. Et patrouille aussi à l’intérieur de la zone : les cambriolages sont nombreux. A Futaba, la petite ville que je visiterai aujourd’hui, 600 cambriolages ont été recensés. Les voleurs semblent revêtir des combinaisons de protection avant d’entrer : on les retrouve jetées au vent au bord des routes.

A l’entrée, nous sommes à 20 km de l’océan Pacifique, vers lequel nous allons nous diriger.

J’ai un Gamma-Scout, véritable compteur Geiger assez perfectionné, confié par un ami. Très vite, les chiffres montent. Mais ils varient sans arrêt. L’appareil peut ainsi passer de 2 micro-sieverts/h à 5 puis 9 avant de redescendre subitement à 1,5. Il y a des pics à 40 micro-sieverts et le maximum que je remarquerai sur notre itinéraire sera de 55 micro-sieverts. A titre de comparaison, le chiffre à Tokyo varie de 0,05 à 0,08 micro-sieverts.

Au retour, une fois nos combinaisons ôtées et rendues au contrôle pour destruction, j’observerai un pic de 37 micro-sieverts qui me fera regretter de ne plus porter ma tenue blanche, mais l’exposition est fugace, heureusement. Sur un parking au sortir de la zone interdite et de la gare routière, les mesures oscilleront encore de 1 à 5 micro-sieverts sans arrêt.

Nous sommes dans une région de collines plantées de forêts de hauts conifères. Entre les arbres, sur ma gauche, je vois de jolies maisons parfaitement intactes, avec des rideaux aux fenêtres et je m’étonne : est-on bien dans la zone interdite ? Mes amis sont-ils sûrs que personne n’habite là ? Aucun doute, hélas. Je découvre ainsi avec stupéfaction toute une série de maisons impeccables que le tremblement de terre ne paraît pas avoir atteintes. Ni le tsunami, car nous sommes encore de l’autre côté de la colline. La route ici n’a pas souffert non plus. Si ce n’est pour nos combinaisons de protection, nos masques un peu étouffants, mon Gamma Scout qui ne cesse de grimper, et le silence dans la voiture, on n’imaginerait pas que quelque chose d’inhabituel s’est passé. Au volant, l’oncle un peu nerveux nous demande de ne pas ouvrir les vitres. Manami surveille l’apparition de l’océan sur la droite.  Elle est toute en joie quand enfin elle le distingue, entre des rideaux d’arbres.

Notre première étape est le cimetière. Descendue de voiture en protège-chaussures blancs, il me faudra enfiler avec difficulté les chaussons de vinyle bleu lorsque je reprendrai ma place dans l’habitacle : la poussière contaminée ramassée à l’extérieur ne doit pas se répandre dans la voiture et être transportée ailleurs. Désormais, ces chaussons bleus, je les réserverai à la voiture, marchant à l’extérieur en bottes de protection blanches,  ôtant puis réenfilant les chaussons bleus avec effort à chaque fois que je quitte puis retrouve l’habitacle. Je finirai par prendre le pli.

Dans cette partie du cimetière, quelques stèles sont tombées. Des herbes folles commencent à envahir la place. « Ne publie pas de photo de tombes si les noms sont reconnaissables », me demande-t-on. J’expurgerai mes photos. Manami s’accroupit devant la tombe de ses ancêtres et prie en silence. Une fois relevée, je réalise que les jambes de sa combinaison de protection sont couvertes de petites épines bien accrochées. Il faut les enlever avant qu’elle n’entre dans la voiture. En l’aidant à s’en débarrasser, à travers mes gants blancs, une épine me pique le doigt. Pourquoi ai-je la vague et inconfortable sensation que tout ceci n’est pas réel ?

Après le cimetière, nous pénétrons dans la ville haute. L’oncle nous fait faire le tour du village en voiture. Les rues ne sont pas très larges. Manami d’abord, moi ensuite, nous enfreignons l’ordre de son oncle : pour mieux filmer et photographier, nous ouvrons un peu les glaces latérales. Je sais que je devrais garder mes appareils dans une poche de plastique transparent pendant la prise de vue, mais c’est tellement contraignant que  j’abandonne vite l’idée. Simplement, dans la voiture, je remets les appareils dans un sac plastique que je jetterai après.

Là où des maisons se sont écroulées, en tendant le bras par la vitre, on toucherait presque du doigt les toits effondrés, posés entiers sur la route avec leurs tuiles à peu près en place. On ne voit plus les murs, qui ont cédé sous le poids des toits trop pesants et qui se trouvent en-dessous, informes et écrasés.

Bien peu de voitures en dehors de la nôtre. Ils ne sont pas nombreux, ceux qui se sont décidés à venir aujourd’hui. Manami demande à revoir la rue commerçante au centre de la petite ville. Impression étrange : des rideaux sont encore là, qui volent au vent glacial de février, à moitié sortis de grandes baies vitrées défoncées. Pour la plupart, les façades des magasins n’ont pas tenu. Ce n’était pas du solide. Depuis près d’un an, tout est resté dans l’état : on entrevoit le bric-à-brac d’objets tombés les uns sur les autres derrière des portes ouvertes et des fenêtres brisées. Les voleurs ont peut-être rajouté au désordre. Est-ce une impression ? Il me semble distinguer une vague odeur de poisson avarié mais je ne sais pas si c’est l’odeur particulière, assez désagréable, du masque ou si c’est dans la ville. L’odeur de pourriture était paraît-il terrible en été : aliments avariés, réfrigérateurs inutiles vidant leurs ventres puants, animaux morts… Les corneilles venues piller les ordures dans les semaines qui ont suivi la catastrophe ont complètement disparu. J’ai lu qu’il n’y avait plus d’oiseaux dans la région. Ils s’affaiblissent et meurent, frappés d’un mal invisible.

Dans l’ensemble, à part quelques maisons anciennes ou mal construites, la ville haute a été relativement peu touchée. Les fils du téléphone, les fils électriques, sont toujours en place, quelques poteaux un peu de guingois mais la majorité bien droits. Malgré le grand jour, le vide et le silence sont impressionnants. Triste décor d’un film dont les acteurs  se seraient enfuis. Ville désertée et immobile. Pointe du temps arrêtée sur un paysage, tel un compas immobile.

La voiture atteint la dernière maison, s’arrête, nous descendons à pied vers la mer. C’était l’une des plus belles plages, me dit Manami : sable fin, conifères élancés. Elle est encore belle. La digue est détruite, les rambardes métalliques brisées et tordues par endroits : un effet du tsunami. Les arbres n’ont donc pas tous été arrachés sur ce bout de la côte… Les plus gros, que la vague mortelle a recouverts, ne semblent pas avoir souffert. Mais on me montre un immense espace vide, un terrain vague, plus loin, là-bas, vers le nord de la plage : les arbres étaient jeunes et n’ont pas résisté. Et puis il y avait  des maisons… dont il ne reste rien.

C’était la ville basse.

Les centrales sont un peu plus au sud, la N°1 d’abord, tout près, et la N°2 12 km plus loin. Mais je ne les verrai pas d’ici : la côte est irrégulière et les cache à la vue.

La maison de la cousine, en plein vent face à la mer, est intacte. Mais c’est aussi l’une des plus contaminées.

La maison de l’oncle et la tante a perdu une petite partie de son toit et tout est sens dessus dessous à l’intérieur. Manami me raconte qu’ils avaient laissé le chat et le chien enfermés, croyant revenir dès le lendemain de l’alerte du 12 mars, lorsque l’ordre d’évacuer a été lancé. Les animaux, rendus fous de faim, de soif  et de peur ont achevé de tout saccager.

Je me souviens des éleveurs obligés de tuer leurs vaches contaminées au césium, je me souviens de ces fermiers revenus traire leurs vaches malgré tout, avant de jeter le lait radioactif et contaminé à l’iode 131 et au césium 134 et 137. Un éleveur s’est suicidé après avoir tué ses animaux et, avant de mourir, a tracé ces mots sur le mur de l’étable : « Fermiers, ayez le courage de dire non au nucléaire. »

L’oncle de Manami avait-il des vaches ? On m’emmène vers une modeste étable de bois aux portillons tout simples. Une main se tend pour me montrer les restes des animaux : un crâne, de gros os épars. Sur la route, une demi-mâchoire de vache dans la boue. L’oncle aussi croyait qu’il reviendrait, il n’a pas mis ses vaches en liberté. Elles sont mortes sur place, les chiens errants les ont achevées.

Je pense à cet homme de 52 ans resté dans la zone interdite, juste à côté de Futaba où nous sommes, dans la petite ville de Tomioka, et qu’on a surnommé le Bouddha. Il consacre son temps à libérer les animaux et à veiller sur eux comme il le peut : 400 vaches, 60 porcs, 30 poules, 10 chiens, une autruche (la mascotte de Tepco) et des dizaines de chats. Sans eau, sans électricité, ne pouvant consommer ni l’eau de la rivière, radioactive, ni les poissons bourrés de césium, il ne veut pourtant pas quitter la place. Pour lui, c’est un acte de résistance au lobby nucléaire. A Tomioka, le taux de radioactivité dépasse celui de Tchernobyl, selon les analyses de la JAXA (Japan Aerospace Exploration Agency) qui lui a offert un dosimètre. Dans cette ville, les corps des morts étaient tellement radioactifs qu’ils n’ont pas été rendus aux familles.

J’ouvre grand les yeux mais je ne verrai pas le Bouddha.

Un peu plus tard, avant de sortir de la zone interdite, nous verrons sur le bas-côté de la route une vache crevée au ventre gonflé, en putréfaction, un liquide suspect coulant du milieu  de son ventre.

Avant de partir, sur la place devant la mairie abandonnée de Futaba, nous ôtons nos combinaisons et rassemblons le tout dans un sac poubelle qui sera remis au contrôle pour destruction. Je repense aux paroles du maire de Futaba, rencontré quelques jours plus tôt : « Vous verrez la mairie, bien trop grande et trop belle pour une petite ville comme la nôtre ! » L’argent de Tepco a tout acheté : la mairie et les hommes.

(Voir mon témoignage précédent sur ma rencontre avec le maire de Futaba, M. Katsutaka Idogawa)

Au contrôle, on passe la voiture de l’oncle et nos pieds au compteur Geiger. Doses acceptables. « Avez-vous quelque chose dans le coffre ? » Il faut mesurer la radioactivité des paquets rapportés des maisons abandonnées, souvent  trop radioactifs pour pouvoir être sortis de la zone. On nous remet un certificat à nos noms, avec la dose reçue : 4 micro-sieverts en 4 heures et demie sous combinaison de protection.

Et puis nous allons retrouver notre voiture, laissée sur un parking en dehors de la zone. C’est le point de rendez-vous, la famille au complet se réunit : oncles, tantes, cousin, cousines… Mon Gamma Scout oscille encore entre 1 et 5 micro-sieverts. Une des tantes a rapporté de chez elle en catimini un sac de vêtements et une casserole. Son fils sort un compteur Geiger professionnel de sa voiture : trop radioactifs ! En mesurant de nouveau très attentivement il réalise que c’est le sac plastique autour de la casserole qui est radioactif. Les vêtements ? Le manteau pose un problème mais lui pense qu’en le lavant, ça ira… Vraiment ?

Nos trois voitures se suivent à la recherche d’un restaurant bon marché. Nous mangeons modestement. Et puis chacun vient à ma table me parler de son expérience.

La tante, jolie femme de 60 ans, regard triste et visage un peu défait, me confie : « Jamais je n’aurais imaginé devenir aussi pauvre. Nous n’avons plus rien. » Coiffeuse à Futaba, elle a évidemment perdu son travail. Lui est dans la décontamination, il nettoie à l’eau les objets utilisés dans les écoles et les gymnases d’alentour contaminés par le césium. Il a été irradié, à des doses qui ne l’inquiètent pas encore, me dit-il. L’argent  gagné sert à payer le crédit de la maison désormais inhabitable. Ils ont trouvé un minuscule appartement ailleurs. Elle me dit que son plus grand regret est de n’avoir pas pu accueillir les gens de la ville basse quand leurs maisons ont été englouties par le tsunami… Sa maison irradiée est condamnée.

La cousine travaille pour Tepco et vit désormais dans un préfabriqué d’urgence. Elle passe plusieurs nuits par semaine dans la centrale N°2. Trop de travail, elle dort sur place, sur un futon.

Le  césium est partout. D’autres particules radioactives aussi : on finit par le savoir, même si les information circulent mal. Tepco et le gouvernement lâchent des bribes  longtemps après les faits mais les gens désormais s’organisent, s’informent. Quand on met bout à bout ce qu’on réussit à glaner, on a la surprise de découvrir des choses très graves : qu’il y avait du tellurium 129m (résultant de la fission de l’uranium) sur 100m  autour de la centrale. Qu’en juin on trouvait encore de l’iode 131. Que le Césium, encore relâché par la centrale, a été emporté très loin vers le nord et le sud ; qu’à 250km de là, à Yokohama, dans la banlieue de Tokyo, on a trouvé du strontium 90. Et que le gouvernement a reconnu avoir découvert du plutonium à 80km de la centrale. Maintenant, on ne cherche plus le plutonium : pensez, si on en trouvait ?!

Ce que j’ai vu en quelques heures à Futaba me laisse profondément mal à l’aise. Après le tsunami, aussi terrible qu’il ait été, cette ville aurait pu être reconstruite, les stèles du cimetière redressées, les rizières ensemencées, si seulement il n’y avait pas eu la centrale… Un accident nucléaire n’a rien de commun avec un accident industriel ou une catastrophe naturelle : une ville radioactive, envahie de particules invisibles, ça ne se répare pas. L’entraide n’y fait rien, la bonne volonté est impuissante.

La fraternité ne compte plus. Il n’y a plus de place pour l’homme, son travail, ses champs, ses animaux d’élevage, sa vie, son réseau de solidarité, son passé, son avenir.

342 000 personnes ont quitté la région. 8% du territoire du Japon ont été contaminés. Parmi les réfugiés de la zone interdite rencontrés, aucun ne croit plus au retour.  « Si on y croyait, on ne serait pas partis », me disent certains.

Un bras de fer permanent continue à se jouer entre les réfugiés, la société Tepco et le gouvernement. La tâche est rude. Les compensations tardent à venir.

Cette visite m’aura aussi fait comprendre une autre chose, terrible : la radioactivité et les particules radioactives étant invisibles, leur effet sur la santé n’étant pas immédiat, la majorité des gens préfèrent ne pas y penser. Nous avons vu sur la plage à Futaba des jeunes se promener sans aucune protection, pas même un masque pour préserver leurs voies respiratoires. J’ai vu une jeune femme faire son jogging à proximité du J-Village et des gens promener leur chien là où mon Gamma-Scout grimpait à 7 micro-sieverts. A moins d’être avertis, à moins d’être systématiquement informés par des organismes compétents, à moins d’une volonté politique claire allant dans ce sens, il est difficile pour les populations d’imaginer la perversité du danger. La responsabilité des autorités est lourde et la transparence est indispensable pour que soient prises les mesures de protection  adéquates.   Qui au Japon saura agir dans ce sens ?

Janick MAGNE, enseignante, au Japon depuis 33 ans

Candidate EELV aux Législatives 2012 dans la 11ème circonscription des Français hors de France (Asie-CEI(ex-URSS)-Océanie)

Ma visite à Futaba, dans la zone d’exclusion de Fukushima, a eu lieu le samedi 18 février 2012

L’ENFER DU NUCLEAIRE (2) Ma visite de la zone interdite de Fukushima, à Futaba.


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