Magazine
Promesses de réhabilitation (ah, la sémantique!) pour ce quartier abandonné: Marina de luxe, Cité du vin, résidences cossues. Pour l'heure friche industrielle peuplée de lambeaux humains, décatis, vieillards, souffreteux où se croisent,rue Achard vers la forme de radoub dévastée, jeunes artistes en gestation dans le ventre mou de l’art et vieux chômeurs, anciens dockers ou métallos, courbés, las et contraints du port jadis prospère. La nuit tombée, les livreurs de pizza viennent sous escorte et les jours de paiement des allocs ou du RSA le bureau de poste ressemble à fort Knox. Les convoyeurs de fonds livrent aussi à la banque alimentaire et aux restos du cœur, le holster en folie, armés comme des porte-avions. De nuit et l’hiver le tram ne traverse plus le pont du pertuis. Entre les bassins à flot des noctambules gerbent un mauvais vin, s’empêtrent dans leur vomi et titubent, et trébuchent, et roulent sur des bouteilles vides. Ce peuple des orques difformes parfois choie dans sa gangue sur le platin de l’estran. La marée montante et vigoureuse en extrait certains parfois de la vase que l'on retrouvent vers Cambes et dans la page des faits divers. Des formes sans ombres traversent des rues sans réverbères, en toute « discrétion »négocient une barette se réchauffant au soleil d’une bagnole immolée. Impécunieux, décadent, j’y habite et y suis à l'aise: ainsi que le colonel Kurtz: "j'aime l'odeur du napalm au petit matin". Apocalypse Now, c'est ici et maintenant!