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La NFL est reconnue comme l’exemple parfait de parité, surtout grâce au cap salarial qui fait en sorte que chaque équipe dépense environ le même montant, année après année. Cependant, dès 2012, des disparités allant jusqu’à 30 millions de dollars pourraient survenir entre les budgets des différentes formations. Tout cela en raison d’une clause du nouveau contrat de travail qui permet aux équipes de reporter l’espace non utilisé du plafond salarial d’une année vers l’année suivante. C’est la règle du carry-over cap space. Regardons-la de plus près.
Fonctionnement du nouveau système
Le mécanisme est simple comme bonjour. L’an dernier, le maximum permis en salaires était 120 375 000 $. Pour les fins de l’exemple, on dira 120 millions. Bien que le maximum 2012 n’a pas encore été officiellement établi (il le sera dans les prochains jours), on s’attend à une limite sensiblement pareille l’automne prochain. Disons donc 123 millions aux fins de cet exemple pour tenir compte de l’inflation (faut bien les compenser pour la hausse du prix de l’essence ces pauvres gars-là!!). Donc, si une équipe a dépensé « seulement » 110 millions en 2011, les 10 millions non utilisés pourront être additionnés à ce qui lui sera permis de dépenser l’automne prochain. Dans mon exemple, cette équipe pourrait donc verser des salaires pour 133 millions en 2012 (contre 123 millions pour le reste de la ligue). Attention, la formation n’est pas obligée de dépenser les 133 000 000 $. Cependant, elle PEUT aller jusque-là si elle le désire.
Les formations avaient jusqu’au 28 février dernier pour avertir, par écrit, les bureaux de la ligue de leur intention ainsi que de la somme exacte qu’ils vont prévoient reporter. La ligue avertit ensuite la NFLPA et il y a fort à parier que le grand public sera informé au cours des prochains jours de montants exacts que chaque équipe a reporté. On s’attend évidemment à ce que chaque dollar non utilisé en 2011 soit reporté au plafond de l’année suivante.
On sait qu’au moins 30 des 32 équipes pourront reporter des sommes l’an prochain, mais pour l’instant, les chiffres exacts ne sont pas connus. N’empêche que Pro Football Talk avait fait cet estimé en cours de saison. Il peut avoir changé depuis, mais John Clayton d’ESPN confirmait des chiffres semblables pour quelques équipes dernièrement. Ça veut donc dire qu’une équipe comme les Jaguars pourrait hypothétiquement dépenser jusqu’à 150 millions de dollars l’an prochain. De leur côté, les Chiefs ont déjà confirmé à leurs partisans via leur site web qu’ils appliqueraient 20 millions de plus à leur masse salariale 2012, ce qui n’est rien pour ralentir les rumeurs d’une poursuite active de l’agent libre Peyton Manning.
Les impacts (mineurs) à long terme
Théoriquement, vous avez donc une recette pour déconstruire à petits feux la belle parité qui a fait la force de la NFL. Ne vous en faites cependant pas trop, la NFL y a aussi pensé. A compter de 2013, chaque formation devra aussi respecter un plancher salarial, lequel sera calculé selon un pourcentage (90 % ou 95 %) du plafond salarial. Sachant que ce sont habituellement des organisations comme celles des Jaguars (ou des Bucs, Bills, Bengals ou autres pingres notoires) qui sont significativement en dessous du maximum permis, le report des sommes inutilisées l’année suivante aura une importante conséquence. En effet, ceci haussera leur plancher salarial. Exemple : Supposons que le cap salarial 2013 soit de 127 millions de dollars. Si le plancher est fixé à 90 %, ça obligerait tout le monde à sortir les chéquiers pour au moins 114 000 000 $. Or, si les Jags sont encore 30 millions en dessous de la limite en 2012 et qu’ils décident de reporter cette somme au complet contre le cap de 2013, le montant sur lequel leur plancher salarial serait calculé s'établirait à 157 millions de dollars (le 127 millions du plafond plus leur report de 30 millions). Ils seraient donc tenus de dépenser au moins 90 % de cette somme, soit plus de 140 000 000 $. Le pari de la ligue est qu’ils n’auront pas les capacités financières de le faire.
La campagne 2012 est donc la seule qui pourrait voir des écarts disproportionnés entre les masses salariales des équipes. A la NFL on croît qu’à compter de l’an prochain, les reports des sommes inutilisées seront mineurs, car les formations concernées n’auront pas les moyens de gonfler si significativement leur masse salariale. L’autre chose à ne pas oublier est qu’à compter de 2013, le plancher salarial réduira de beaucoup les disparités observées cette saison. Vous ne verrez plus d’équipes être 25 ou 30 millions sous la limite lorsque le minimum sera établi.
Les raisons justifiant ce nouveau mécanisme
Pourquoi instaurer cette règle direz-vous? Pour deux raisons. Premièrement, l’année 2010 fut disputée sans limite maximale, ceci en accord avec la stratégie de négociation de la ligue en vue du lock-out qui se préparait. Le retour du plafond en 2011 a obligé certains à se départir de joueurs, mais dans les règles complexes qui légifèrent le système de paie, il traîne toujours de la « dead money » dans le calcul du plafond de chaque équipe. De l’argent qui provient, par exemple, de portions garanties de contrats de joueurs libérés ou échangés. Un peu ce qui traînera dans les livres du CH s’ils rachètent le contrat de Gomez l’an prochain. C’est rare au hockey, fréquent au football. Ces règles créent donc plus de latitude pour ne pas trop pénaliser les grands dépensiers de 2010, ce qui est juste puisque c’est une décision d’affaires de la ligue qui a créé la balloune salariale de l’avant lock-out.
L’autre raison est que le report des sommes inutilisées sur le cap salarial de l’année suivante est une demande des équipes depuis longtemps. Soyons francs, l’interdiction des années précédentes était contournée par plusieurs stratagèmes malhonnêtes. Un des plus populaires (appliqué ici dès 2004 par les Vikings) consistait à offrir des bonis de performances irréalistes aux joueurs les années où l’équipe n’atteignait pas le plafond. Évidemment, on ne les présentait pas comme irréalistes dans la comptabilisation du plafond, donc ils étaient inclus au calcul. Comme ils n’étaient pas versés, ils étaient soustraits du plafond l’année suivante, dégageant ainsi une marge de manœuvre. Plutôt que de continuer hypocritement de se fermer les yeux, la NFL a donc légalisé une pratique qui était devenue courante.
2012 : l’année où prendre un risque ?
L’intérêt pour 2012 est donc le suivant. Verrons-nous une équipe prendre une chance et se mettre « all-in » en vue du prochain Super Bowl? Un club comme les 49ers, à qui la rumeur accorde plus de 15 millions pouvant être additionnés au plafond 2012, pourrait donc tenter le grand coup et afficher une masse salariale frôlant les 140 millions l’an prochain. Attention cependant, car si ça échoue (ou même si ça réussit et que le Vince Lombardi retourne à Candlestick), il faudra faire des coupures drastiques en 2013 ou restructurer les contrats avec une précision quasi-chirurgicale pour respecter le plafond 2013. C’est tout un risque à prendre. Hypothéquer ton futur pour 2-3 ans, voire même plus, dans l’espoir de tout rafler cette année! Ce sera une raison de plus de suivre attentivement la période des agents libres qui se mettra en branle prochainement.