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Le n°2 de l'OAS parle

Publié le 06 mars 2012 par Bernard Girard
Bertrand Le Gendre qui fut longtemps journaliste au Monde vient de publier un livre d'entretiens avec Jean-Jacques Susini qu'il présente comme le n°2 de l'OAS. Livre qui nous replonge dans ces années de plomb et qui nous donne surtout l'occasion de regarder, comme au travers d'un trou de serrure, ce que peut être la vision de l'histoire d'un terroriste rangé des affaires mais responsable, directement et indirectement, de centaines de morts.
Le n°2 de l'OAS parle
On n'est pas déçu. Non seulement il n'a rien regretté (sinon l'attentat contre André Malraux organisé par quelques étudiants parisiens et l'assassinat de six éducateurs à Chateau Royal, à coté d'Alger, un centre fondé par Germaine Tillon), mais il a toujours la même haine. "En quittant mon pays et les miens, je songe, dit-il en conclusion de ce livre, au serment d'Hannibal : haïr Rome jusqu'à son dernier souffle."
Issu d'une famille très conservatrice, pétainiste, voire fasciste  (il avait un oncle qui gardait dans son bureau une photo de Mussolini), il entame des études de médecine et plonge vite dans l'activisme avec une idée en tête, une seule, semble-t-il, mais très fixe : conserver l'Algérie française. Lorsque l'OAS se crée il en devient le n°2 chargé de la propagande. Et lorsqu'il revient sur cette aventure, cinquante ans plus tard, il n'éprouve pas le besoin de porter le moindre jugement politique sur ce que fut son action. Ses analyses portent exclusivement sur les faiblesses organisationnelles de l'armée secrète, faiblesses qu'il décrit longuement et attribue pour l'essentiel à la tradition militaire de la plupart de ses membres (arrogance, bureaucratie…) et à l'indiscipline brouillonne et fanfaronne de ses camarades pieds-noirs.
On devine, à le lire, que s'il a beaucoup réfléchi à cet échec, il ne s'est intéressé qu'à sa dimension technique sans jamais remettre en cause le projet politique. Lorsque Bertrand Le Gendre lui fait remarquer que le FLN était poussé par le vent de l'histoire, il répond : "Les choses auraient pu tourner autrement. De Gaulle aurait pu disparaître, victime d'un accident, d'un problème de santé ou d'un attentat."
Pourquoi l'OAS n'a-t-elle pas plus séduit les pieds-noirs? Pourquoi a-t-elle suscité aussitôt la répulsion des métropolitains, l'opposition du contingent et les réticences de l'essentiel de l'armée professionnelle? Quelle est sa responsabilité dans l'exode massif des pieds-noirs? Autant de questions qu'il semble ne s'être jamais posées alors même que c'est de ce coté qu'il faudrait chercher des éléments d'explication.
Lorsqu'il parle des musulmans, ce pied-noir qui avoue être resté toute sa jeunesse enfermé dans la villa familiale, révèle une méconnaissance abyssale de ceux qu'il combattait. Ses jugements sont on ne peut plus sommaire quant ils ne frôlent pas une forme inconsciente de racisme comme dans ce passage où on l'interroge sur le FLN : "Il y a une différence : le fanatisme religieux qui, souvent, anime les musulmans pro-FLN. Chez les Européens, il y a beaucoup de gens résolus mais ça s'arrête là (…) Le fanatisme nous est étranger. Nous refusons des commettre des attentats-suicides. On ne peut pas attendre des Européens la même résistance au combat que des musulmans. Et à la torture le cas échéant. Nous n'appartenons pas à la même civilisation, à la même culture. C'est un trait fondamental."
Ce jugement faussé s'applique également à ce qu'il dit de ses camarades. Il trace de Degueldre, responsable des commandos Delta chargés des assassinats un portrait aimable, presque fleur bleue (il était amoureux…) . Même chose pour Claude Piegts, autre terroriste condamné à mort pour avoir participé à l'exécution d'un policier et au massacre de Chateau-Royal.
On retiendra de ce livre deux autres éléments : le portrait qu'il trace du général Salan qui parait s'être lancé dans une aventure à laquelle il ne croyait pas et le récit qu'il fait de sa tentative désespérée et absurde de nouer des liens avec le FLN à la toute fin. Tentative qui lui sera reprochée par ses amis d'extrême-droite et qui confirme ce qui transparait au travers tout ce livre : le terrorisme n'est pas une pensée politique mais une dérive obsessionnelle qui aveugle sur à peu près tout, ses ennemis, ses adversaires, ses soutiens potentiels… La leçon vaut probablement pour bien d'autres mouvements extrémistes.
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