Footit et Chocolat : des destins hors du commun
Né esclave à La Havane en 1864, le seul héritage
qu’il a gardé de ses parents est son prénom : Raphaël. Il est adopté à l’age de
10 ans par celle qu’il appelle sa mère de lait qui le vend quelques années plus
tard à un riche marchand portugais. Celui-ci l’emmène dans sa propriété près de
Bilbao comme domestique. Raphaël s’enfuit et exerce de nombreux métiers pour
survivre. Il s’associe à Trompette pour transporter les bagages des voyageurs.
Mais Trompette lui fausse compagnie avec la caisse. Il est repéré dans un
cabaret de la ville par le célèbre clown anglais Tony Grice qui l’embauche.
C’est ainsi que Raphaël arrive à Paris où il rencontre Footit.
Footit, issu d’une grande famille de cirque
anglais, fut d’abord écuyer puis, installé en France, devint clown, clown
blanc. A la recherche de l’Auguste avec qui former un duo, il voit dans
Chocolat une aubaine pour renouveler le genre et attirer un public friand
d’exotisme. En choisissant pour victime un Noir, il voit juste et le duo
connaît rapidement un succès considérable.
Leurs numéros, écrits par Footit, combinent mime, acrobaties et
dialogues. Ils n’hésitent pas à y introduire des éléments emblématiques de la
modernité, chemin de fer ou téléphone, dont la pratique par des béotiens
provoque l’hilarité. Par la satire ils détournent à leur profit la notoriété de
leurs contemporains, en caricaturant par exemple Sarah Bernhardt, un des clous
de leurs spectacles
Leur singularité exacerbée par la négritude de Chocolat influence
les intellectuels et les artistes. Ils ont été les premiers acteurs du cinéma
muet, apparaissent dans le praxinoscope d’Emile Reynaud et dans les premiers
films des frères Lumière. Ils ont fortement marqué les peintres d’avant-garde,
regroupés à Montmartre, qui étaient fascinés par l’esthétique du cirque. Henri
Bergson écrira son fameux essai sur le rire après les avoir vus au Nouveau
Cirque. Ils sont source d’inspiration pour les écrivains (Jean Cocteau, Julien Green),
les musiciens (Claude Debussy) ou les peintres (Toulouse-Lautrec). Plus tard.
Samuel Beckett puise dans l’histoire de Footit et Chocolat pour
créer les personnages de Pozzo et Lucky dans En attendant Go-dot.
La «
culture de masse », qui en est encore à ses débuts, s’empare du duo : une
multitude de jouets, de magazines pour enfants et d’affiches publicitaires
prennent Footit et Chocolat pour héros.
Le personnage de Chocolat devient tellement
populaire au cours des années suivantes, qu’il entre dans le dictionnaire.
Comme nous l’enseigne aujourd’hui encore le Robert : « être chocolat, c’est
être berné ».
Raphaël vit à Montmartre et fréquente les
artistes d’avant-garde comme Toulouse-Lautrec qui nous a laissé plusieurs
portraits de lui. Raphaël et Footit sont filmés par les Frère Lumière et
deviennent ainsi les premiers acteurs du cinéma muet.
Mais au début du XXe siècle, dans le contexte de
l’affaire Dreyfus, il n’est plus possible de montrer sur scène un Noir humilié
par un Blanc. Le clown Chocolat ne fait plus recette. Rafael de Leïos se bat
alors pour être reconnu comme un véritable comédien. Sans succès.(1*)
Il meurt dans la misère, le dimanche 4
no-vembre1917 à Bordeaux où il fut enterré au cimetière protestant de la rue
Judaïque.(2*)
Tandis que Footit (George Tudor Hall : 1864-1921)
fut inhumé dans la 93ème division du Père-Lachaise, avec les honneurs.
Footit est un clown acrobate et mime, issu d’une grande famille de
cirque anglais, et engage Chocolat pour jouer l’Auguste. C’est l’humiliation du
clown noir par le clown blanc qui faisait rire le public. Mais Footit et
chocolat peuvent être considérés comme les premiers artistes du théâtre
performance. Il ont été les premiers clowns à message, leur numéros écrits par
Footit sont en rapport avec l’actualité de leur temps. Mais ils ont parfois une
dimension philosophique, saluée par un grand nombre d’intellectuels