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Fucking Karma

Publié le 11 mars 2008 par Mlle A

 


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Posté dans le cadre de l'exercice de style de Kaleidos-coop

Une initiative très sympa : on part d'une image (normalement) et chacun décline, avec son style, un texte sur ce qu'elle lui inspire.




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Quand je revois cette vidéo, je me dis que c'est normal qu'on ait payé. Ce fucking karma qui nous rattrape. A l'époque, la guerre ne faisait plus vraiment rage, la guerre, c'était nous, dans ce pays où nous n'avions plus rien à faire. Nous qui aurions préféré être à la maison. Nous, qui étions dans l'attente. Perpétuelle. En quête de quoi s'occuper, s'amuser. Un rien nous faisait rire. Cette vidéo par exemple. C'est moi, là qui suis derrière la caméra. Moi qui suis mort de rire avec le sergent Walt. Moi qui le regarde tendre cette bouteille et qui m'amuse de voir ces enfants assoiffés, pauvres, au bord du gouffre courir derrière le camion. Qu'est-ce qu'on a ri ce jour-là. Surtout avec ce môme-là, incroyable, qui courrait comme si sa vie en dépendait. En fait, tout connement, c'est parce que sa vie en dépendait, à Samir. Mais nous on était trop cons pour le percuter. Après tout, c'était nous les victimes de cette guerre. On n'avait pas demandé à être là.

Samir. Ce n'est que plus tard qu'on a su son nom. Parce qu'on n'avait pas pensé que Samir, il avait une famille. Des gens influents. Des combattants. Quand on est tombé dans l'embuscade, trois jours après, on n'a pas percuté. On n'a pas fait le rapprochement. Quand ils nous ont emmené dans la cave, toujours pas. Et puis un homme nous a mis sa photo sous les yeux. Nous, on l'a pas reconnu le mioche qui courrait derrière notre camion. C'était pas la bonne réponse. Ils ont frappé. Encore. Et encore. Deux jours ont passé. Je ne voyais plus le sergent bouger. Moi, je ne sentais plus mes jambes. Je n'avais rien bu, ni manger depuis l'enlèvement. Je ne savais pas ce qu'ils attendaient de nous. Je priais pour que l'armée vienne nous délivrer.

La porte de la cave s'est ouverte. Il est entré du haut de son mètre vingt, il a descendu les marches, il s'est approché de moi. Avec une bouteille d'eau à la main. J'aurais donné ma vie pour pouvoir boire un peu. Comme si ma vie en dépendait. Et elle en dépendait. Alors je l'ai reconnu. C'était le môme qui courrait derrière le camion. Et la bouteille, celle qu'on avait lancé, fiers de nous, fiers comme des coqs. Qu'est-ce qu'on a ri ce jour-là. Avec ses yeux froids tout plein de fierté, il a débouché la bouteille, et l'a bu, à minuscules gorgées, pendant ce qui m'a paru des heures, jusqu'à la dernière goutte. Et j'ai pleuré.

Ils nous ont relâchés dans la nuit, jetés de l'arrière d'une fourgonnette dans le désert. On nous a retrouvsé au petit matin. Sergent Walt était dans un sale état. Je n'ai jamais retrouvé l'usage de mes jambes. Mais quand je vois cette vidéo, je sais pourquoi on a payé. Fucking Karma je vous dis.


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