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Les aléas du sponsoring : Cas des Lions du Sénégal lors de la CAN 2008

Publié le 11 mars 2008 par Satyam Dorville

Marjolaine revient sur la Coupe d’Afrique des nations qui s’est achevée le mois dernier, et notamment sur les problématiques du sponsoring sportif.

La MTN Africa cup of Nations – Coupe d’Afrique des Nations (CAN) a eu lieu au Ghana du 20 janvier au 10 février 2008 ; pendant ces trois semaines, l’ensemble du continent a vibré au rythme du ballon rond. Le Sénégal n’a pas dérogé à la règle et de grands espoirs étaient fondés sur le Onze national. Lors d’une cérémonie largement médiatisée, les Lions de la Téranga se sont vus remettre le drapeau national par le Président de la République. De plus, afin de veiller au confort de l’équipe, c’est à bord de l’avion présidentiel que les joueurs ont rejoint Accra (capitale du Ghana). Lors des premiers jours de cette CAN, qui constituait l’événement incontournable de ce début d’année, tout un pays uni comme un seul homme, rêvait d’un nouvel exploit à l’instar de la réussite de l’équipe pendant le Mondial 2002.

Outre la population, des entreprises ont également misé sur le succès de l’équipe. Et, le football sénégalais en mal de liquidités depuis de nombreuses années, a su attirer plusieurs partenaires dans la perspective de cette CAN. En 2005, Puma avait remplacé le Coq Sportif pour habiller les joueurs. Plus récemment, la Fédération sénégalaise de football (Fsf) a changé d’agent marketing, Pamodzi a donc cédé la place à Promo Consulting, ce qui a fait l’objet d’un contrat et a fait couler beaucoup d’encre. Mbagnick Diop, le DG de Promo Consulting est pourtant arrivé avec des arguments de taille, le Crédit Mutuel du Sénégal a sponsorisé à hauteur de 100 millions de cfa (152 500€) la Fsf, tandis que la Lonase (loterie nationale du Sénégal) signait un chèque du même montant, Cnart Assurances et Air Sénégal International figurent également sur la liste. Autant dire que les sponsors se sont multipliés au plus grand bonheur de la fédération.

kirène lions can

Parmi les sponsors officiels des Lions de la Teranga deux marques sont particulièrement présentes dans les médias d’une part Orange premier opérateur de téléphonie mobile dans le pays, filiale du Groupe Sonatel (affiliée à France Télécom) qui s’investit depuis 1997 dans le football- et d’autre part Kirène, première eau minérale sur le marché (détient aussi la franchise Candia). Ces deux annonceurs n’ont pas lésiner sur les moyens, des promotions sur les cartes prépayées Orange ont eu lieu chaque jour de match des Lions, l’affichage a aussi été largement utilisé (grands formats et sucettes voir photos 1 et 2). Les spots publicitaires pour la CAN ont par ailleurs inondé les chaînes locales même après le retour prématuré de l’équipe nationale. Il est vrai qu’Orange et Kirène sont deux poids lourds sur le marché publicitaire sénégalais, ils sont des habitués du top 10 des annonceurs TV. En Janvier 2008, Orange est le premier annonceur et Kirène occupe la 8ème place.

Les contrats de sponsoring individuel ne sont pas encore monnaie courante au Sénégal. A l’heure actuelle, seul le capitaine de l’équipe El Hadj Osseinou Diouf (attaquant de Bolton) a monnayé son image et est présent sur les affiches de Tigo (deuxième opérateur de téléphonie mobile et seul concurrent d’Orange jusqu’à maintenant). Cet « enfant terrible » comme il est surnommé jouit d’une très forte popularité chez les jeunes, le slogan de la campagne était adoptez la Diouf attitude.

Les marques en sponsorisant l’équipe nationale voulaient visiblement tirer partie de l’émotion suscitée par l’événement et de la joie procurée par Les Lions de la Téranga. A côté de la volonté de valoriser son image de marque, il s’agit également de s’assurer d’un lien fort avec les consommateurs car tant Orange que Kirène sont des marques leaders dans leur activité respective mais consciente de la concurrence de plus en plus féroce à laquelle elles sont soumises (implantation imminente de l’opérateur de téléphonie Sudatel, offensive du challengeur Fontaine pour les eaux minérales).

orange lions cameroun can

Après leur premier match (égalité face à la Tunisie), les commentaires n’étaient pas tendres, mais suite à leur défaite dimanche 27 janvier face à l’Angola (3-1), la situation a viré au cauchemar. Les supporters présents sur place étaient prêts à en découdre avec les joueurs et la police ghanéenne a dû intervenir. Le coach Henri Kasperczak a jeté l’éponge et démissionné dès le 27 au soir. A Dakar, des étudiants ont investi les rues et brûlé des affiches de Tigo sur lesquelles figurait Diouf ainsi que des affiches d’Orange (cf photo 1). La presse titrait le lendemain « pitoyable » ou encore « tchim » (la honte en wolof, langue officielle). Chacun allant de son commentaire pour expliquer cette déconfiture mais la « cerise sur le gâteau » est arrivée le mercredi lorsque les échos de la virée nocturne de Diouf, Sylva (gardien) et Ndoye dans un bar (une discothèque selon certains) sont arrivés jusqu’à Dakar. Nombre de spécialistes estimaient qu’il fallait les exclure purement et simplement, l’entraîneur a en fait décidé de ne pas les titulariser pour le dernier match.

Jeudi 31 janvier, pas de miracle, le premier match du jour de la poule D ayant confirmé les deux pays qui participeraient aux quarts de finale, le Sénégal n’avait plus qu’a jouer (égalité face à l’Afrique du Sud) et préparer ses valises. Au lendemain de l’élimination de l’équipe nationale à l’issue du premier tour, les sentiments qui ont prévalu sont amertume et déception même si les jeux étaient déjà presque faits depuis le second match de poule. « Catastrophique » s’est-on sûrement dit chez les sponsors, car il ne s’agit pas « simplement » d’une défaite, c’est en fait la rupture entre le pays et ses idoles. Les Lions de la Téranga, rebaptisés les Lions de la Véranda depuis leur précédente prestation, sont finalement rentrés au pays en catimini, pour ceux qui ne s’étaient pas déjà directement envolés pour l’Europe. Dans la capitale sénégalaise, pas d’accueil triomphant et surtout rien à capitaliser pour les sponsors…un investissement à passer en pertes et profits !

Ce passage éclair lors de cette CAN restera certainement dans les annales car plus d’un mois après, le sujet est encore débattu. Une telle expérience risque bien de « doucher » certains projets de sponsoring. Déjà en mars 2007, dans l’Observateur (quotidien sénégalais) paraissait un article « football sénégalais, mauvaise gestion et mauvais résultat, pourquoi ça ne marchera jamais ». Qui osera maintenant miser le football sénégalais ? A suivre donc jusqu’à la Coupe du Monde de 2010.

Marjolaine BLANC
3 mars 2008


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