Dans notre petite série exprimons un peu comment travaillent les fiscs cantonaux et fédéraux en Suisse, il est une méthode peu connue du public mais que l'on peut appeler la méthode de "la mort subite".
De quoi s'agit-il en vérité ? non pas tellement d'une taverne de bière sympathique au coeur de Bruxelles ni de la marque de sa bière assez forte mais goûteuse: non, en réalité il s'agit d'un plan destiné dès le départ à frauder le fisc par une opération qu'il aura beaucoup de peine à saisir.
Imaginez un groupe international voulant récupérer en Suisse des dividendes d'origine suisse et étrangère (le produit des actions que les sociétés distribuent sur leurs profits annuels aux actionnaires). Ceci n'est pas compliqué, il suffit de créer une petite holding dont personne ne connaît vraiment l'existence et surtout l'identité des actionnaires, quelque part dans un canton de préférence alémanique et en nommant un administrateur dit de paille qui sera certainement docteur-avocat-notaire ou du genre. Il suffit ensuite de d'"injecter momentanément des actifs" dans la holding sous la forme d'actions de sociétés du groupe, le tout en finançant cette opération par un emprunt de la holding auprès d'une banque par exemple.
Une fois cette opération effectuée, quand même quelques mois avant l'échéance des dividendes, il est simple comme bonjour de les encaisser. Ce qui est plus difficile est de récupérer l'impôt à la source qui frappe ces dividendes et qui en Suisse s'appelle l'impôt anticipé. Il s'agit de sommes pouvant être considérables dans la mesure où le taux de cet impôt s'élève en Suisse à 35 % du produit des dividendes, et facilement 10 à 20 % dans d'autres pays.
Si le plan est mené de façon suffisamment subtile, la récupération est possible même avant le fameux délai d'une année que le simple contribuable suisse doit attendre pour récupérer l'impôt anticipé sur les intérêts portés au crédit de son CCP…qui s'élèvent à quelques francs ou dizaines de francs par année, au mieux.
Ensuite, notre fameuse petite société holding devrait elle payer des impôts, même réduits, sur son bénéfice. Et c'est là que la mort subite intervient : la société transfère les fonds à ses actionnaires, se trouve vidée de sa substance et se trouve donc en totale illiquidité avant même d'avoir déposé sa première déclaration d'impôt et bouclé son premier exercice. Il ne reste plus à l'administrateur qu'à déposer le bilan, en s'excusant presque auprès du juge qui évidemment ne posera aucune question gênante.
Quand le fisc voudra éventuellement voir ce qui s'est passé (quelques années après au mieux), il trouvera en face de lui un office des faillites qui ne saura même plus où il a mis les pièces et qui sera incapable de lui fournir des détails, dans la mesure où une comptabilité annuelle n'aura même pas été bouclée, ni déposée, ni revisée.
Ce petit plan constitue de la pure escroquerie morale et une magnifique fraude fiscale. Et pourtant elle reste quasiment impunie dans tous les cas, faute de pièces justificatives.
Vive la technique. Ah, juste un détail, la société aura préalablement remboursé son crédit bancaire (garanti par la maison-mère à l'étranger) et restitué les actions "logées momentanément dans son bilan" aux actionnaires du groupe.
Donc le seul qui perd dans l'histoire c'est le fisc, qu'il soit suisse ou étranger.
Et il se trouve encore des individus qui prétendent que la fiscalité en Suisse est normale ….