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Délires d'une femme amoureuse

Publié le 11 mars 2008 par Katrin

Constance_de_salmA l’origine, il y a une image obsédante : une femme voit son amant, qu’elle veut épouser, disparaître dans la calèche d’une autre femme, belle et coquette, au sortir de l’opéra. Que penser de cette scène pétrifiante, fulgurante ? Est-il en train de la trahir sous ses yeux ? Va-t-il lui donner un signe ?

L’héroïne de « Vingt-quatre heures d’une femme sensible » de l’auteure méconnue Constance de Salm (1767-1845), va donc tenter de calmer les émotions qui l’assaillent, en écrivant 44 missives très amoureuses – mais somme toute assez peu érotiques, ce qui n’enlève rien à notre propos - en vingt-quatre heures de fièvres et de désespoir.

En revisitant la tradition du roman épistolaire du XVIIIe siècle, sous la forme de la contrainte temporelle des vingt-quatre heures, Constance de Salm donne un rythme haletant au texte, où l’expression de l’amour passe par mille sentiments et mille excès, du doute à la rage, de la jalousie à la passion, de la résignation au pardon.

Mais loin de proposer une simple intrigue sentimentale, Constance de Salm va à l’encontre des convenances de l’époque, qui conditionnent encore la femme sous la coupe de l’homme et qui voient d’un mauvais œil ses femmes libres aux « bas-bleus » qui revendiquent le droit à la littérature. Claude Shopp, à qui on doit l’édition présente, lui donne dans sa postface un portrait élogieux : elle défendit ardemment la cause féminine et tint un brillant salon littéraire, où se côtoyèrent Alexandre Dumas, Paul-Louis Courrier, Stendhal et Houdon. En peignant « une foule de sensations que l’amant le plus tendre peut à peine comprendre » et qui « lui semblent une sorte de délire », elle veut inciter les femmes à penser leur liberté. Elle démasque les mécanismes aliénants de l’amour, qui « d’un caprice, une fantaisie, une surprise du coeur, peut-être des sens » peut égarer les femmes de leur chemin et les faire dériver vers un malheur et « une crise terrible ».

En ouvrant ce « petit livre charmant », nous allons donc à la découverte d’un cœur vibrant et palpitant, un rubis délicat qui exprime dans ses mille facettes la fine fleur de l’âme. C’est dans l’émotion pure que la plume frémissante mène le lecteur vers une fin qui devrait réjouir les âmes romanesques.

Vingt-Quatre heures d'une femme sensible de Constance de Salm. Phoebus, 2007.

Cet article est paru dans Le Magazine des Livres en kiosque en Septembre 2007, par Katrin Alexandre Copyright


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