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WEEGEE: Le meurtre est son affaire

Par Fillinfr
©Weegee

©Weegee

Si avez la chance d’être à New-York, n’hésitez pas à faire un tour du côté de l’International Center of Photography, dans Midtown. A l’affiche en ce moment, et jusqu’en septembre 2012, une exposition du célèbre Weegee, intitulée « Murder is my business ». Des cadavres, des policiers, des badauds… Bienvenue dans l’univers de Weegee, photographe du New-York populaire et scabreux!

La première salle nous met tout de suite dans l’ambiance en présentant une reconstitution fidèle du studio du photographe, avec d’authentiques objets lui ayant appartenu (appareils photos, chapeau, coupures de presse…). Sont aussi exposés plusieurs clichés de Weegee se mettant en scène en détective et une série sur les procédures judiciaires réalisée pour le magazine LIFE. Cet ensemble donne un aperçu de son caractère intrépide et de sa vie intense de photographe de presse, spécialiste des scènes de crimes et d’accidents, toujours à l’affut du sensationnel. De là, le titre « Murder is my business », citation de Weegee, que l’on pourrait traduire par « le meurtre, c’est mon affaire »  et qui joue sur les différentes signification du mot, le meurtre étant à la fois son monde et ce qui le fait vivre, c’est à dire sa routine et son gagne-pain.

Son studio-chambre était situé juste à côté du quartier général de la police. Weegee avait pour habitude de passer au QG vers 7h du soir. Si tout était calme et si son coude ne le démangeait pas, signe qu’un événement allait se produire (« That’s not a gag, it really does itch when something is going to happen » Weegee), il rentrait chez lui. A son chevet, une radio était constamment branchée sur la fréquence de la police et une alarme le réveillait si besoin dès qu’il se passait quelque chose. Il se rendait aussitôt sur les lieux encore chauds du crime afin d’être le premier à prendre des clichés et à avoir la fraîcheur des réactions du public. Il avait la réputation d’être souvent là avant la police. Une fois les images prises, il fonçait au QG pour glaner des informations sur l’enquête, avoir des noms, des lieux, des détails, tout ce qui pouvait l’aider à légender au mieux ses photos. Il rentrait ensuite chez lui, développait ses photos dans sa chambre noire et, à la première heure, allait vendre ses tirages à la presse. Les parutions de ses clichés étaient accrochées aux murs du studio comme des trophées.

©Weegee

©Weegee

La seconde salle présente le fruit de ses expéditions : des clichés de cadavres encore fumants abattus dans de sombres histoires de règlements de comptes, braquages, victimes d’accidents de voiture, incendies et autres sordides évènements. Weegee disait des meurtres qu’ils étaient la chose la plus facile à photographier car les sujets ne bougeaient et ne s’énervaient jamais. Mais Weegee n’était pas qu’un simple photographe de tabloids. L’afflux des badauds venant assister au spectacle constituait un sujet aussi important pour lui que le simple fait divers, comme en témoignent de nombreux clichés.

Ses images sont tels des plans cinématographiques, avec un travail évident sur la composition, la lumière et le message. Il utilise l’environnement urbain comme un décor, accentue l’éclairage des rues en ajoutant du contraste, crée de véritables scénarios en saisissant toutes sortes d’attitudes et d’expressions, jusqu’au plus ambiguës, chez les protagonistes et les badauds, créant ainsi une intrigue. L’un de ses clichés célèbres, intitulé « Their First Murder » (leur premier meurtre), pris à New-York en 1941, est particulièrement troublant. Il montre un public composé essentiellement d’enfants venant d’assister à l’assassinat d’un racketteur par la police. Au second plan, une femme pleure le défunt; autour d’elle, une foule d’enfants du quartier médusés, amusés voire surexcités par le spectacle. L’ensemble présente une palette riche en émotions, mêlant tension, excitation, fascination, répulsion, exultation, douleur. Les corps sont tendus, en mouvements. Un fort contraste vient renforcer l’aspect dramatique de l’image.

©Weegee - Their First Murder

©Weegee - Their First Murder

Ce regard singulier et ce sens de la mise en scène, Weegee le porte sur tout ce qui fait New-York. Les faits divers ne sont qu’une partie de son activité. Il capture toutes les ambiances, des bas fonds à la haute société. Les plages de Coney Island, bondées et populaires, Harlem, les amoureux, les personnages haut en couleur, les passants anonymes… le quotidien prend une saveur particulière et se charge de sens sous son objectif. Son livre « Naked City » retrace ses rencontres singulières avec sa ville et ses habitants, regroupant nombre de clichés agrémentés de nombreuses notes personnelles, composant ainsi une sorte d’autobiographie du photographe. Publié en 1945, ce livre connaîtra un grand succès et sera à l’origine du film « La cité sans voile » de Jules Dassin.

L’exposition offre aussi à voir deux films de Weegee. « New-York Fantasy », 1948, est son premier film, en couleur, semi abstrait, presque psychédélique, où des signes graphiques urbains s’affichent et se déforment sous l’effet de flous et de jeux de lumières, créant une ainsi une sorte de danse hypnotique. Retranscrivant des impressions et des sensations de la vie métropolitaine, ce mouvement évoque le rythme intense de la ville. Le second, un film en noir et blanc, dans l’esprit de ses photographies de New-York, donne à voir les plages bondées de Coney Island, nous plongeant au cœur de l’agitation populaire estivale. La foule est dense, avec ces masses de new-yorkais venus profiter des beaux jours, et l’action filmée l’est tout autant avec des scènes typiques de la vie à la plage. Après le succès de « Naked City », Weegee tentera de se tourner vers le cinéma, avec malheureusement moins de succès que dans la photographie.

©Weegee - NY streets

©Weegee - NY streets

Personnage ambigu, passé à la postérité pour ses fameux clichés de photojournaliste de tabloids mais aussi consacré par l’institution, Weegee est un photographe à part dans l’histoire de la photographie. Son caractère et son mode de vie étaient ceux d’un personnage du cinéma noir de l’époque. Ses images en font un précurseur de la Street Photography américaine, qui connaîtra son apogée dans les décennies suivantes avec Garry Winogrand, Lee Friedlander et Diane Airbus notamment. Cette exposition est une bonne occasion de découvrir son univers et une autre facette de New-york.

Fleur Jouas

« WEEGEE : MURDER IS MY BUSINESS »
Jusqu’au 2 septembre 2012
International Center of Photography
1133 Avenue of the Americas at 43rd Street
New York, NY 10036
Mardi-Mercredi:10h-18h
Jeudi/Vendredi : 10h-20h
Samedi-Dimanche:10h-18h
Fermé le lundi

©Weegee

©Weegee

©Weegee - NY people

©Weegee - NY people

©Weegee - Cosney Island

©Weegee - Cosney Island

©Weegee - Cosney Island

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