Magazine Journal intime

L'herbe rouge

Par Araucaria
L'herbe rouge


Quatrième de couverture :
Dans son style étonnant qui mêle la fantaisie et l'absurde avec l'émotion la plus poignante, Boris Vian nous raconte les aventures d'un savant qui a inventé une machine pouvant lui faire revivre son passé et ses angoisses.Sous le travestissement de l'humoir noir, ce sont ses propres inquiétudes que met en scène Boris Vian, avec la frénésie d'invention burlesque qui l'a rendu célèbre.
Un extrait :
Le vent, tiède et endormi, poussait une brassée de feuilles contre la fenêtre. Wolf, fasciné, guettait le petit coin de jour démasqué périodiquement par le retour en arrière de la branche. Sans motif, il se secoua soudain, appuya ses mains sur le bord de son bureau et se leva. Au passage, il fit grincer la lame grinçante du parquet et ferma la porte silencieusement pour compenser. Il descendit  l'escalier, se retrouva dehors et ses pieds prirent contact avec l'allée de briques, bordée d'orties bifides, qui menait au Carré, à travers l'herbe rouge du pays.
La machine, à cent pas, charcutait le ciel de sa structure d'acier gris, le cernait de triangles inhumains. La combinaison de Saphir Lazuli, le mécanicien, s'agitait comme un gros hanneton cachou près du moteur. Saphir était dans la combinaison. De loin, Wolf le héla et le hanneton se redressa et s'ébroua.
Il rejoignit Wolf à dix mètres de l'appareil et ils terminèrent ensemble.
- Vous venez le vérifier? demanda-t-il.
- Il m'a l'air d'être temps, dit Wolf.
Il regarda l'appareil. La cage était remontée, et entre les quatre pieds râblés béait un puits profond. Il contenait, rangé en bon ordre, les éléments destructeurs qui viendraient s'ajuster automatiquement à la suite les uns des autres, au fur et à mesure de leur usure.
- Pourvu qu'il n'y ait pas de pépin, dit Wolf. Après tout, ça peut ne pas tenir. C'est calculé juste.
- Si on a un seul pépin avec une machine pareille, grogna Saphir, j'apprends le brenouillou et je ne parle plus que ça tout le reste de ma vie.
- Je l'apprends aussi, dit Wolf. Il faudra bien que tu parles à quelqu'un, n'est-ce pas?
- Pas d'histoires, dit Lazuli, excité. Le brenouillou, c'est pas encore pour demain. On met en marche? On va chercher votre femme et ma Folavril? Il faut qu'elles voient ça.
- Il faut qu'elles voient ça... répéta Wolf sans conviction.
- Je prends le scooter, dit Saphir. Je suis de retour dans trois minutes.
Il enfourcha le petit scooter qui partit en grondant et cahota sur le chemin de briques. Wolf était tout seul au milieu du Carré. Les hauts murs de pierre rose s'élevaient nets et précis à quelques centaines de mètres.
Wolf, debout devant la machine, au milieu de l'herbe rouge, attendait. Depuis quelques jours, les curieux ne venaient plus, ils se réservaient pour le jour de l'inauguration officielle, et préféraient, dans l'intervalle, aller voir, à l'Eldorami, les boxeurs fous et le montreur de rats empoisonnés.
(...)
"Un problème se pose à moi. Comment vous parler de ce roman de Boris Vian? Je peux tout premièrement vous dire que je l'ai apprécié. Que j'ai aimé cette histoire racontée d'une façon absurde, que j'ai trouvé intéressantes les trouvailles littéraires de l'auteur et que j'ai savouré les mots qu'il invente. Mais ce roman est rempli de noirceur, de passages violents ou dramatiques, alors j'hésite à vous avouer que certaines fois j'ai ri ou souri... Et pourtant c'est la vérité, car le style de Boris Vian a pour effet d'atténuer les effets du drame. Le sujet déjà en lui-même n'a rien de drôle puisque la machine que le savant a inventée et va utiliser a pour effet d'effacer tous les souvenirs jusqu'à la disparition totale de la mémoire.
J'appréhendais la lecture d'un livre de Vian. Il y a maintenant plusieurs dizaines d'années, un professeur de français, avait voulu nous faire étudier en classe "L'écume des jours", son enseignement était si chaotique que nous n'avons jamais terminé la lecture de ce roman, et pis encore jamais eu envie de l'achever, tant il nous paraissait dénué d'intérêt. Je m'insurge souvent sur la capacité qu'ont certains enseignants à nous dégoûter à jamais de la matière qu'ils enseignent. Je suppose qu'eux-mêmes n'ont plus le feu sacré ou n'ont jamais eu la vocation de pédagogue.
En ce qui me concerne aujourd'hui, heureuse d'avoir pu lire avec plaisir ce texte savoureux, je vais laisser passer quelque temps, découvrir d'autres auteurs, de nouveaux textes, et puis je me plongerai dans la re-découverte de "L'écume des jours"."
Boris Vian - L'herbe rouge - Le Livre de Poche n°2622 -

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