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Pourquoi la Haute autorité de la Santé se discrédite

Publié le 15 mars 2012 par Balatmichel

Pourquoi la Haute autorité de la Santé se discrédite

par Guy Baillon

La compétence espérée de la HAS est qu'elle défende la réalité des connaissances en matière de santé. Voilà qu'elle interdit la psychanalyse !

On ne peut en vouloir à des familles en grande douleur d'exprimer leur angoisse, et devant les lenteurs des progrès réalisés dans le domaine des troubles psychiques graves, comme les psychoses et les troubles graves du développement et l'autisme d'exprimer des doutes. Mais certaines se disent avoir comme ennemis les acteurs des soins, et pour cela s'appuient sur les fausses interprétations faites par certains médias autour de termes scientifiques employés par les uns et les autres, alors que ces termes ont un sens précis dans le strict domaine qui est le leur. La HAS les suit !

Précisons d'abord que les certitudes que nous avons sur le plan de la connaissance de la vie psychique restent modestes sur le plan strict de la science, alors que les prétentions de certains chercheurs sont parfois sans limite, d'où des excès, source d'incompréhensions multiples. En termes simples tout ce que nous savons sur le psychisme de l'être humain montre que du début de sa vie à la fin, l'homme se développe sous des influences multiples, et que les trois grands axes de nos connaissances, les dimensions physiques, psychiques et environnementales (ou relationnelles), sont dans une intrication constante, depuis le bébé qui vient de naître (cette boule de chair si vulnérable qui attend tout de nous) à la personne qui avant de s'éteindre partage avec nous son dernier souffle (et nous écoute encore).

Il n'en est pas moins vrai qu'un certain nombre de chercheurs et, en arrière plan, d'acteurs de la société civile se sont à différentes reprises laissé prendre à l'absence de limite de leurs appétits d'argent et de renommée, ils ont souvent pris le parti d'exagérer la portée de leurs découvertes.

Cela a été dit à propos de l'éducation à différents moments de notre histoire, avec les excès que l'on connaît, ce qui n'annule en rien le rôle essentiel de l'éducation dans l'évolution de l'homme. Cela a été dit récemment pour la psychanalyse, qui s'est montrée arrogante dans l'attitude de certains, ce qui n'empêche de reconnaitre l'importance de l'affect et ses expressions inconscientes influant nos choix de vie. Cela a été dit à propos des découvertes faites sur notre corps et des illusions sur nos programmes génétiques, certes ils n'ont aucun effet direct sur notre vie psychique, ce qui n'annule pas les espoirs de découvrir des explications biologiques à certains aspects de notre psychisme, comme c'est le cas pour certaines modalités de notre humeur (joie, tristesse).

Mais certains termes ont été transposés sans nuance dans des champs différents : ainsi évoquer que la psychanalyse est utilisée auprès des enfants psychotiques a fait croire que l'on appliquait la méthode utilisée chez l'adulte pour lui permettre de comprendre ses choix névrotiques.

Parler de la psychanalyse pour l'autisme n'a pas pour les soignants comme objectif d'y mener la cure type utilisée dans les névroses pendant des séances se répétant plusieurs années de suite. Cette méthode n'est pas utile pour les enfants, ni pour les patients dits psychotiques qui ont au contraire besoin du regard pour échanger et parler. Dire qu'elle est utilisée là est faux. Par contre la formation psychanalytique des soignants les aide à être attentifs aux manifestations de l'affect de leur patient, pour que ceux-ci y aient accès plus consciemment.

Par ailleurs à l'encontre de certains courants analytiques outranciers : nous pouvons dire que tous les soins dits "institutionnels", c'est-à-dire collectifs, utilisent comme base une dimension éducative et comportementale quotidienne : en effet tout ce qui est de l'ordre du règlement intérieur (qu'il soit écrit, oral ou sous-entendu il existe dans toute structure) est pure expression éducative et comportementale. Donc même dans les espaces institutionnels où l'on dit utiliser la psychanalyse seule, le comportemental est toujours présent.

Nous pouvons affirmer aussi que la psychanalyse est présente dans de nombreux espaces qui ne s'affichent pas comme férus de psychanalyse, dans la mesure où ceux-ci veulent s'appuyer sur l'utilisation de l'écoute, de la parole et de la recherche d'une plus grande liberté de pensée, tentant de percevoir ce qui nous influence pour trouver plus de liberté. Ils sont imprégnés des découvertes de la psychanalyse, autour de l'humain.

Par contre ce qui est redoutable et inacceptable des différents côtés, c'est de faire croire que l'on peut créer des structures de soin autour d'une seule idée, chacun y perd sa liberté ; de ce fait pour des troubles aussi graves que l'autisme et les psychoses chacun doit être attentif pour que le fonctionnement de cette structure ne s'affiche pas comme ne reconnaissant qu'une seule influence, qu'elle soit comportementale, biologique ou psychanalytique. Les familles ont raison de se révolter devant des options qui n'utilisent qu'une référence. C'est le devoir de l'Etat que de les protéger. Ce devait être le choix de l'HAS.

Aussi le choix de la HAS de dire que la psychanalyse doit être interdite, est un choix entaché d'attitude partisane, qui ne s'explique que par le souci d'obéir à un diktat politique auquel elle se soumet. Le pouvoir pense gagner aux élections quelques voix "familiales" en faisant croire qu'il peut condamner des soins utilisant des termes qui leur font peur : parler de l'inconscient de chacun fait peur, tout comme la folie fait peur. Cette peur est juste et normale, le but de l'homme c'est de dépasser ses peurs pour créer sa liberté. C'est en soutenant l'homme dans sa connaissance de soi et du monde qu'il va pouvoir maîtriser cette peur, signal utile pour chacun.

Nous sommes là dans une démarche consciente, voulue par la personne. Interdire un mode de pensée (psychanalyse, éducation et comportement sont des modes de pensée) frise l'absurde, ouvre la porte à tous les excès permettant la domination de certains hommes par d'autres, grâce à l'obscurité croissante ainsi créée par cette interdiction.

Toute proposition de soin ou d'éducation affirmée, voulue comme "monothérapique" ou "monoéducative" constitue un vrai danger pour l'homme, car elle est une fermeture. Voilà ce que devrait affirmer l'HAS. La seule raison qui explique la soumission des membres de l'HAS à quelques paroles terrorisantes (la majorité des familles ne le pense pas) est leur dépendance à l'Etat : ils lui doivent leur poste social influent.

L'erreur la plus lourde de l'Etat est de ne pas comprendre que la rencontre avec les personnes en grande difficulté psychique comme les personnes dites psychotiques, et les personnes dites autistes, ou présentant des troubles graves du développement, exige d'affirmer que l'origine de ces troubles est "multidimensionnelle" et de veiller à ce que l'aide apportée soit aussi "multidimensionnelle", c'est-à-dire intègre les apports respectifs des trois grandes dimensions impliquées dans la vie psychique, la dimension psychique, la dimension physique, la dimension relationnelle, ce qui crée pour chacune une ouverture en continuité avec l'ensemble des acquisitions actuelles dans ces trois domaines. Cette multidimension, le Professeur Roger Misès, acteur de premier plan dès 1950, nous rappelle inlassablement dans ce débat qu'elle est la donnée fondatrice de notre pratique et de notre pensée en psychiatrie.

La compétence espérée des membres de la HAS est qu'elle défende la réalité des connaissances, mais aujourd'hui sous la pression de quelques mouvements de familles en grande douleur, ils font le choix de l'ignorance, prenant à la lettre les termes falsifiés de certains médias, simplement parce que cela favorise les choix politiques pré-électoraux du gouvernement.

Aujourd'hui en 2012 il est enfin temps de dépasser toutes les polémiques qui ont agité ces différents domaines et ont pu les opposer entre eux. Toutes les souffrances évoquées ici ont besoin de ce calme, de la modestie et de l'estime mutuelle des différents acteurs du soin psychique. Nous sommes en droit, à l'approche des élections, d'espérer que la HAS revienne à la raison et nous aide à obtenir l'attention de nos futurs élus pour redonner ce calme et cette énergie à tous ces acteurs du soin et refonder une psychiatrie ouverte et libre.

Le Huffington Post


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