Cette maison regorge de souvenirs de famille. Des objets insolites ou anodins, qui évoquent pour nous des personnes que nous avons aimées, qui ont apporté ici un peu de leur univers, des morceaux d'elles-mêmes.
Beaucoup de spectateurs du dernier film de Steven Spielberg ont aimé Tintin et sa maquette de bâteau réalisée en trois exemplaire, La Licorne, et avant eux, des générations de lecteurs des bandes dessinées d'Hergé. Chez moi, la Licorne, ou tout du moins sa réplique, trône dans mon salon depuis 2004. C'est l'oeuvre patiente de mon père, qui avait alors déjà passé les 90 ans.Les après-midis d'hiver sont longues lorsqu'on est un homme entreprenant. Papa s'était trouvé ce dérivatif : construire des maquettes de bâteaux. Il venait à Paris dans une boutique spécialisée et rien ne lui apparaissait hors de portée. Mieux, des plans d'une maquette, il tirait parfois deux navires, en recopiant les pièces dans du balsa, pour faire deux cadeaux. Car il avait aménagé un placard avec tous les outils nécessaires, mais il n'avait pas assez de place pour les garder chez lui. Alors, il les donnait à des personnes qu'il appréciait.Cette maquette du Soleil Royal de Louis XIV, il l'a amenée ici lui-même par le train, dans un emballage conçu spécialement pour elle. Il avait mis de côté toute la mâture, qu'il a terminée dans sa chambre, à l'occasion du mariage de Victoire. Malgré ses difficultés de vision et ses mains plus très sures, il a réussi un prodige de délicatesse dans l'assemblage des sabords, ou le déploiement des filins et des écoutes.Avant ce beau bâtiment, il y en eut de plus sobres, comme cette vedette d'avant guerre, ou encore des chalutiers, et j'ai aussi, à Paris, une réplique de la Santa Maria de Christophe Colomb, une sorte d'incontournable des maquettistes en chambre.J'admirais profondément sa patience, son habileté et sa persévérance. Quand je me lance dans un ouvrage manuel (mais pas seulement !), je pense à lui.
Son esprit rôde dans cette maison qu'il aimait rejoindre si souvent. Je le sens ...