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Henri Bergson, le temps et la durée

Publié le 18 mars 2012 par Copeau @Contrepoints

Le temps objectif est celui que retiennent les scientifiques. La durée est ce qui est perçu subjectivement par l’individu. Bergson s’élève donc contre la prétention de certains de tout analyser et tout comprendre de l’homme et de la société à partir de la science.
Un article de l’aleps.

Henri Bergson, le temps et la durée
Métastatique et Dynamique. Métastatique : la série de photos instantanées, prises à la suite. Dynamique : le film. C’est cette distinction qui est au cœur de la pensée de Bergson. Il distingue le temps et la durée. Le temps, c’est celui de l’observatoire (les économistes de l’école autrichienne parlent du « temps newtonien »), il est mesuré instantanément, il est objectif. La durée, c’est ce qui est perçu par l’individu, pour lui, il est le temps « réel », subjectif. Que les secondes sont parfois longues… Ce temps réel, c’est celui que mesure notre conscience, pas notre montre.

L’opposition entre temps et durée se complète par la distinction entre l’intelligence et l’intuition. L’intelligence nous permet d’analyser mécaniquement les phénomènes observés, et de rechercher des liens de causalité. L’intuition c’est ce qui nous permet de comprendre, parce que les découvertes de notre intelligence sont intégrées dans un savoir plus global et personnel. Intuition et intelligence ne s’opposent pas, elles se distinguent et se complètent.

L’erreur du Scientisme

Le temps objectif est celui que retiennent les scientifiques, c’est normal. En physique, dans les disciplines techniques, il n’y a pas de place pour la subjectivité. Mais la conséquence c’est que la science ne peut pas tout expliquer, puisqu’elle ne peut prendre en compte la durée. Bergson s’élève donc contre la prétention de certains de tout analyser et tout comprendre de l’homme et de la société à partir de la science. Bergson condamne ainsi le scientisme, mais aussi toutes les formes de déterminisme social, comme le positivisme d’Auguste Comte, ou l’historicisme des Allemands.

Bergson relève l’erreur qui consiste à appliquer les méthodes des sciences de la nature, qui peuvent permettre de découvrir des analogies, des cycles, et d’éternels recommencements, aux sciences de l’homme, qui sont confrontées à la dynamique et à la subjectivité. Mathématicien, Bergson dénonce l’usage déplacé des mathématiques en sciences sociales.

Des sociétés closes aux sociétés ouvertes

Il est vrai cependant que les sciences sociales, qui intègrent la durée dans leur approche, doivent expliquer l’existence de régularités, de règles. Les hommes ne peuvent vivre sans société, et la société ne peut survivre sans règle. Mais ce ne sont que des règles de survie, établies au contact de la nature, ce qui leur donne une assise suffisante, mais pas assez pour être définitive. C’est la source de conflits entre groupes humains, chacun cherchant sa survie malgré les autres. Ces règles caractérisent ce que Bergson appelle des sociétés closes.

Heureusement, « l’élan vital », « force créant de façon imprévisible des formes toujours plus complexes », habite quelques personnalités exceptionnelles, qui inventent des valeurs absolument universelles, qui ne servent pas à la conservation de la société mais à la création d’une humanité nouvelle. Les sociétés deviennent ouvertes.

De la mystique à la religion

Les personnalités sont exceptionnelles parce qu’elles ont gardé l’élan vital, la dynamique de la création. Elle sont nécessairement des mystiques, car elles se réfèrent à la création, et partant au créateur. Pour Bergson, l’exemple sublime de personnalité exceptionnelle est le Christ. Mais la rencontre avec Dieu, la mystique religieuse, est avant tout personnelle, elle éclaire l’intuition. Suivant un texte d’Anthony Feneuil, « la nature de Dieu ne se donne jamais qu’à travers sa personne. L’amour est le nom propre de Dieu : il le désigne dans la relation que nous pouvons entretenir avec lui, sans jamais l’insérer dans le réseau conceptuel de nos connaissances discursives. » Bergson verserait-il dans le relativisme métaphysique (à chacun son Dieu) ? C’est en tout cas ce qu’a condamné l’Église catholique. Pourtant Bergson, juif et fier de l’être, au point de revendiquer sa judaïté devant le régime de Vichy, est mort à la veille d’une conversion délibérée au catholicisme.

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