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Précarité énergétique : un problème devenu structurel

Publié le 20 mars 2012 par Pslys

« Je m’adresse à vous pour vous exprimer ma détresse… » Des lettres comme celle de MmeF., une retraitée à qui on a coupé le gaz parce que sa pension de 750 euros ne lui permet plus de faire face, le médiateur national de l’énergie en a reçu des centaines en 2011.

Longtemps limitée à quelques centaines de milliers de foyers, la précarité énergétique a fortement augmenté à la fin des années 2000. Elle frappait, en 2011, 3,8 millions de ménages modestes (8 millions de personnes), qui doivent consacrer plus de 10 % de leur budget aux dépenses d’énergie. « En 2011, plus de 15 % des saisines reçues par le médiateur relevaient de difficultés de paiement », indique cette institution dans son rapport annuel, publié mardi 20 mars.

En pleine campagne présidentielle, l’occasion de rouvrir le dossier était trop belle. « Nous avons décidé de publier notre rapport plus tôt pour que ce sujet prenne sa place dans le débat, reconnaît Bruno Léchevin, délégué général du médiateur. D’autant que nous y formulons des propositions. » Fournisseurs d’énergie (EDF, GDF, Suez…), mouvements de consommateurs, associations caritatives, centres communaux d’action sociale ou élus locaux, tous constatent une forte augmentation des difficultés de paiement et des demandes de rééchelonnement des factures impayées.

L’explication de ce phénomène est tristement banale : la crise économique, conjuguée à la hausse des prix (+25 % pour le gaz et +8 % pour l’électricité en deux ans). Le problème est devenu structurel et se cumule avec l’envolée des prixdes carburants à la pompe, frappant particulièrement les ménages modestes en milieu périurbain ou rural, qui ne peuvent se passer de leur voiture.

DES TARIFS SOCIAUX MODESTES

Cette précarité énergétique affecte d’ailleurs surtout les foyers modestes vivant en zone rurale (90 %), dans des logements anciens, rarement rénovés : salariés à faible revenu ou licenciés, familles monoparentales, retraités aux pensions modestes, bénéficiaires des minima sociaux, ménages surendettés. Selon le médiateur, la dette moyenne atteignait 1 900 euros en 2011.

Le gouvernement a créé, en mars 2011, un Observatoire de la précarité énergétique, qui doit lancer cette année une enquête nationale pour mieux évaluer ce nouveau fléau social. Face à ces difficultés, les tarifs sociaux restent modestes. Pour ceux qui gagnent moins de 648 euros (personne seule) ou 971 euros (couple), la ristourne annuelle moyenne est de 95 euros pour l’électricité et de 142 euros pour un foyer de quatre personnes se chauffant au gaz, rappelle le médiateur. Ce sont les 30 millions d’abonnés – pas EDF – qui les financent à travers la contribution au service public de l’électricité (CSPE), insiste M. Léchevin.

La CSPE représente 135 euros pour un consommateur au chauffage électrique payant une facture de 1 500 euros. Le montant qu’il verse pour cette contribution est égal à la réduction maximale permise par le tarif social (136 euros). Ainsi les plus démunis peuvent payer autant, voire plus qu’ils ne reçoivent au titre de ces tarifs sociaux ! EDF se fait rembourser ces aides par la CSPE ou le Fonds de solidarité logement (FSL), alors qu’il vante ses tarifs sociaux dans ses campagnes publicitaires pour améliorer son image, dénonce le médiateur. Ses concurrents, eux, ne peuvent pas proposer ces tarifs, soulignent l’Autorité de la concurrence et la Commission de régulation de l’énergie, qui voient là une pratique anticoncurrentielle et demandent au gouvernement d’y remédier.

PAS ASSEZ DE BÉNÉFICIAIRES

En outre, tout le monde ne réclame pas ces tarifs sociaux. Avec 650 000 bénéficiaires pour l’électricité et 300 000 pour le gaz, on est loin des 2,3 millions d’ayants droit. Le gouvernement vient d’automatiser ces aides sur la base des fichiers des organismes sociaux, ce qui permettra de toucher 1 million de ménages supplémentaires.

Mais tout cela reste trop modeste, estime le médiateur. Il propose d’étendre à tous les « précaires de l’énergie » la trêve hivernale (pas de coupure entre le 1er novembre et le 15 mars) qui ne concerne aujourd’hui que les bénéficiaires du FSL.

Il préconise, surtout, la création d’un « chèque énergie » distribué par les caisses d’allocations familiales. Son montant tiendrait compte des revenus et des performances énergétiques du logement. Coût : un milliard, soit trois fois l’enveloppe consacrée au tarif social de l’électricité. « Mais un milliard, c’est ce que paient les consommateurs pour financer le solaire photovoltaïque dans le cadre de la CSPE, calcule M. Léchevin. C’est un choix de société. » Ce dispositif permettrait de réduire le nombre de coupures ou de réduction de la fourniture d’énergie. On en connaît mal le nombre, regrettent les auteurs du rapport. Cent mille, affirme EDF. Au moins trois fois plus, corrige le médiateur. Et sans doute 150 000 pour le gaz. Un problème qui a peu mobilisé les candidats à l’Elysée.


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