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Discours de François Bayrou à Grenoble le 19 mars 2012 sur la tuerie de Toulouse (texte intégral)

Publié le 20 mars 2012 par Sylvainrakotoarison

(verbatim)
Discours de François Bayrou à Grenoble le 19 mars 2012
François Bayrou a tenu lundi soir une réunion publique à Grenoble, devant près de 2.000 personnes. Son discours fut marqué par le drame terrible survenu à Toulouse.
Bonsoir à tous. Merci de votre accueil, merci d'être là.
Je veux vous dire en quelques mots pourquoi nous avons décidé de maintenir cette rencontre qui naturellement aura un sens très différent de celui qu'elle aurait eu si cela avait été un moment électoral ordinaire.
Lorsque j'ai, ce matin, atterri rentrant des Antilles et que j'ai appris le drame qui est présent dans tous nos esprits, je me suis dit que, bien sûr, nous allions changer le programme de la journée, mais que nous maintiendrions ce rendez-vous, nous allions changer le programme de la journée parce que, lorsque le pays, la nation, sont profondément atteints comme ils l'ont été après cette horreur, et qu'il était donc nécessaire que je me rende auprès des familles de la communauté atteinte si profondément blessée, si profondément meurtrie, à jamais.
Mais il me semblait qu'il était nécessaire aussi que nous nous retrouvions cependant ce soir. Bien sûr par égard pour vous, mais parce que lorsque des questions aussi profondes se posent à un pays, à une nation, il est nécessaire que l'on en parle entre concitoyens, nécessaire que l'on mette devant nos yeux ce qui est le plus grave, le plus lourd dans notre histoire, dans l'histoire que nous écrivons ensemble.
Et bien entendu, cet acte horrible qui vient après d'autres actes horribles suscite en nous nombre de questions, nombre d'interrogations, et ce sont ces interrogations que je voudrais avec vous poser et auxquelles je voudrais que nous réfléchissions ensemble.
Ceci n'est donc pas un meeting, ce n'est donc pas une réunion électorale, c'est pour moi une très importante réunion de réflexion nationale. Nous sommes une partie de la nation et la nation a devant elle des problèmes qui sont profonds et qui méritent que l'on s'y arrête.
C'est la première fois dans l'histoire de la France que, ainsi, est perpétrée une tuerie qui vise des enfants et des enfants très jeunes, 7 ans, 6 ans, 3 ans je crois, des enfants tués en raison de ce qu'ils sont, de ce que sont leurs familles, de ce qu'est leur origine, de ce qu'est la religion de leur famille.
Et naturellement dans l'histoire, tuer des enfants en raison de leur origine, de leur religion, cela évoque des choses extrêmement profondes et que nous ne pouvons pas effacer de notre histoire, parce que tuer des enfants parce qu'ils sont juifs, l'histoire de l'Europe a déjà connu cela à l'échelle industrielle.
Et là, c'est chez nous, c'est sur notre sol. Et naturellement, en tout cas je l'espère de tout mon cœur, c'est le résultat d'une folie furieuse comme il en existe, comme il s'en rencontre partout assez souvent dans les pays. Mais ce que je crois profondément, c'est que ce type de folie s'enracine dans l'état d'une société et ce qui me frappe depuis longtemps, c'est que dans la société française ce type d'atteintes, d'attentats, d'actes se multiplient.
Les responsables de la communauté juive, mais les responsables de la communauté musulmane pourraient dire la même chose, les responsables de la communauté juive à Toulouse nous l'ont dit toute la journée : des injures, des menaces, des cocktails molotov et des écoles obligées de vivre derrière des portails blindés. Ce matin ils ne l'étaient pas assez, derrière des grilles, avec la peur au ventre, le sentiment d'être constamment sous pression. Et d'autres peuvent dire la même chose.
Il y a un degré de violence, de stigmatisation dans la société française qui est en train de grandir, et c'est purement et simplement inacceptable.
Ceci n'est pas sans rapport avec la responsabilité publique. Responsables publics, les hommes politiques ont aussi le devoir de veiller à l'évolution de la société dont ils ont la charge. Ils ont le devoir, les hommes publics, de veiller à ce que les tensions, les passions, les haines ne soient pas à chaque instant entretenues, à chaque instant encouragées et ne flambent pas.
Le fait de montrer du doigt les uns ou les autres en raison de leur présence dans le pays, de leur origine, de leur situation sociale, c'est d'une certaine manière faire flamber ce genre de passion, ce genre de sentiment. Et nous avons le devoir, je dis nous, spécifiquement nous dans cette salle, parce que nous avons depuis longtemps identifié ce genre de risque, parce que nous avons depuis longtemps dit : attention, ce n'est pas un bon service à rendre à la société française que de passer son temps à opposer même artificiellement, même électoralement, les gens les uns aux autres.
Notre responsabilité à nous, citoyens, engagés, hommes publics, c'est au contraire, au lieu d'attiser les passions de faire baisser les passions, au lieu de nourrir les affrontements de cultiver la compréhension réciproque. Et c'est très important dans les temps de crise que nous vivons parce que les temps de crise rendent les hommes plus fragiles et les sociétés plus encore.
Si l'on veut réfléchir depuis quelques décennies à ce que l'on a vécu, aux changements, aux pertes de repères, aux pertes de boussole, au fait que les cadres de la société qui étaient relativement stables et relativement fixes sont devenus très instables et très perturbés, alors on voit que l'on a un devoir d'égard, un devoir d'attention à l'égard de la société. Et avoir ce devoir d'attention, faire attention à ce que la société entend quand on parle, à ce que la société interprète quand on s'exprime, c'est aussi se prémunir contre les dérives des plus fragiles, parfois des plus fous de ses membres parce qu'il y a naturellement des gens qui sont constamment sur le point de dépasser les frontières, d'aller plus loin, d'entrer dans la folie ou d'entrer dans le drame.
Et je m'inquiète depuis longtemps, et vous le savez, de ce climat qui est en train de naître et de grandir en France. Tout à l'heure, en larmes, le président de la communauté juive à Toulouse ne disait pas autre chose. Il disait : "Est-ce que vous vous rendez compte ?" On lance des sujets dans le débat, on prononce des mots et ces mots-là, après, ils roulent comme une avalanche et quelquefois ils tombent sur des fous.
Alors nous ne savons rien, nous n'avons pas de détails précis sur la personnalité de celui qui a perpétré ce terrible massacre. Nous n'en savons rien, mais nous sentons bien que cela n'est pas sans lien avec une certaine évolution de la France et que nous devons faire d'autant plus attention.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que la communauté juive dit « attention ». Ce n'est pas d'aujourd'hui que dans la communauté musulmane il y a des gens qui disent « attention ». Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on a l'impression que des Français ne supportent plus d'autres Français. Des concitoyens dans la même rue, dans le même immeuble sont poussés à se stigmatiser, à se montrer du doigt, quelquefois à se détester.
Et cette évolution-là, c'est une évolution qui menace notre peuple, qui menace notre pays, qui menace la France au moment précisément où elle aurait le plus besoin de s'éloigner de ces risques.
J'ai été très frappé au cours de la journée parce que tout d'un coup on s'aperçoit qu'au fond, dans des moments aussi graves, il n'est qu'une réponse possible, qu'une réponse imaginable et cette réponse, c'est l'unité nationale, une part de compréhension réciproque et tout d'un coup le fait que l'on dise : oui, nous appartenons au même pays, au même peuple comme on appartient à la même famille.
Les enfants qui ont été tués ce matin à 7 h 56, bien sûr ce sont des enfants, des petites-filles juives et leur papa, mais ce sont nos enfants. Ce ne sont pas les enfants d'une communauté particulière, ce sont nos enfants, ce sont des enfants de France, sur le sol de France.
Ce n'est pas une partie de la nation qui est atteinte, c'est toute la nation qui est atteinte. C'est une famille un pays, et on le sent mieux aujourd'hui qu'à n'importe quel moment. Et donc, quand dans une famille il se passe des choses graves, il n'y a qu'une réponse, c'est que la famille se soude. Il n'y a qu'une réponse, c'est que l'on se serre les coudes et que l'on s'entraide les uns les autres.
Et voilà pourquoi, dans les moments graves on sent si bien ce que, nous, nous portons devant les Français depuis des années et des années et qui est plus d'actualité que cela ne l'a jamais été. Pour sortir le pays de la difficulté où il se trouve qui n'est pas seulement une difficulté économique, qui est une difficulté économique bien sûr, et sociale bien sûr, mais qui est plus que cela et tout le monde le sent bien, qui est une difficulté de société, une difficulté de sens que l'on donne à la vie, une difficulté d'engagement : comment se sortir de la crise et quel est le projet de société vers lequel nous allons ?
Et tout le monde sent bien maintenant, dans les moments graves que nous vivons qu'au fond, pour s'en sortir, il va falloir que l'on accepte d'être ensemble au lieu d'être perpétuellement les uns contre les autres. Et ceci n'est pas un message électoral, c'est un message national.
Jamais, à aucun moment de notre histoire, jamais lorsqu'il s'est passé des choses graves, on a pu s'en sortir sans faire appel à cette unité-là, et l'unité cela veut dire aussi que l'on écarte les tentations de toute nature qui visent à faire flamber les passions et les détestations.
Et notre rôle principalement, notre engagement dans la campagne électorale, le mien, c'est précisément que les Français aient un autre choix que l'affrontement perpétuel. Si vous regardez la manière dont les débats politiques s'organisent, alors vous verrez que je suis le seul dans cette campagne à dire : nous ne devons pas accepter d'être là principalement un camp contre l'autre et, à l'intérieur de chaque camp, les plus durs qui poussent à aller encore plus loin dans l'affrontement.
Dans les deux camps, puisqu'on voudrait résumer la vie politique française à deux camps, et comme vous le voyez dans les sujets les plus graves, les questions de camp deviennent secondaires. Il n'y a pas de camp devant le drame que nous vivons aujourd'hui, il n'y a pas de camp devant les inquiétudes d'un pays qui voit des dérives se produire, et monter des violences, et monter des intolérances, et montrer du doigt un certain nombre des siens et, d'une certaine manière, en faire des cibles de sorte que les esprits les plus faibles, les plus fous, font des fixations.
C'est en cela que je dis que cette violence folle s'enracine dans un état de la société qui mérite qu'on le corrige.
Eh bien, notre devoir à nous, mon engagement à moi dans cette campagne électorale, c'est de dire qu'il y a une autre approche des choses et que cette approche, c'est celle qui refuse précisément de faire de l'affrontement et de la division des Français l'alfa et l'oméga de la politique à suivre.
Nous, nous sommes là pour dire à notre pays que tous les défis qui sont devant lui, et certains sont très lourds et très graves, tous ces défis-là, nous allons devoir les relever ensemble parce que, lorsqu'il s'agit de parler aux enfants ou aux jeunes, de parler de leur avenir, évidemment, cela ne peut pas se faire uniquement dans ces déchirures et dans ces divisions. C'est vrai pour la crise économique. Qui pense que l'on va pouvoir, avec des débats absolument secondaires, purement politiciens, relever les défis qui sont devant nous, faire que notre pays passe de sans espoir pour les jeunes à un nouvel espoir pour les jeunes, de chômage explosif à chômage qui recule, d'appauvrissement continu à de nouveau retrouver un peu d'aisance et de facilité en particulier pour les familles ? Qui pense que l'on va pouvoir le faire sans réunir les forces du pays ?
Tous les pays qui nous entourent et qui ont, hélas, rencontré les mêmes difficultés que celles qui nous menacent à moyen ou court terme, tous ces pays ont été obligés de laisser derrière eux les divisions d'autrefois.
Je porte une grande attention à ce qui se passe en Italie. Ce n'est pas du tout le même schéma, il y a des différences, mais, lorsque l'Italie s'est retrouvée au bord du précipice, les grandes formations politiques italiennes ont été obligées d'accepter l'idée qu'ils allaient mettre en place une équipe qu'ils soutiendraient tous, une équipe d'intérêt général, pas d'intérêt partisan, d'intérêt général ! Ils l'ont fait et ce que Mario Monti fait en Italie, courageusement, difficilement, mais avec le soutien des Italiens, ce n'est pas autre chose qu'une politique d'unité nationale pour relever les yeux ouverts les défis qui se proposent à ce peuple, à ce grand peuple voisin. Et en Grèce, dans la pire des situations économiques et politiques, ils ont été obligés de laisser derrière eux les divisions qu'ils avaient pourtant envie de maintenir et qu'ils ont abandonnées simplement pour relever, provisoirement peut-être, les défis qui sont devant eux.
Je voulais vous dire cela parce que nous avons une grande responsabilité. Il ne s'agit pas, lorsque des événements graves se présentent dans un pays, de mettre entre parenthèses la réflexion du pays. Au contraire, c'est précisément le moment où il faut que les citoyens réfléchissent tous ensemble à ce qu'ils vont faire de leur avenir. C'est précisément devant les événements les plus graves que nous avons à trouver les réponses les plus justes. Ce n'est pas une parenthèse que nous sommes en train de vivre, c'est une question pour la France et chacun d'entre vous va nourrir cette réflexion avec les siens, avec ses proches, avec sa famille et je ne doute pas qu'il aura beaucoup d'idées à apporter ou à ajouter.
Moi, je voulais vous rencontrer pour que l'on mette cela à notre esprit, pour que l'on pose ces questions entre nous et aussi devant les Français.
Il y a, depuis trop longtemps, un climat qui se dégrade en France et la vie politique n'est pas étrangère à ce climat. Ce ne sont pas des liens de cause à effet, bien entendu, mais il faut faire très attention. Quand, dans l'histoire, on a besoin de voir un grand peuple se réunir pour essayer de sortir des difficultés dans lesquelles des erreurs accumulées l’ont placé, ce grand peuple a besoin d'avoir des dirigeants et des responsables et des cadres politiques qui se proposent de le réunir au lieu de le fracturer.
Je vous assure que, cet après-midi, dans une telle émotion et devant un tel drame à Toulouse, on avait envie d'unité nationale. On avait envie de responsables qui, tout d'un coup, se rendent compte à quel point l'essentiel, nous l'avons en commun, l'essentiel ne nous divise pas, l'essentiel nous rassemble et ceci n'est pas autre chose que le message que nous avons à porter dans cette élection présidentielle.
C'est vrai pour la crise économique, c'est vrai pour la crise sociale, c'est vrai pour la crise éducative, c'est vrai pour la crise démocratique, c'est vrai pour la crise morale et pour la crise nationale que nous rencontrons.
Nous sommes dans cette élection, je voulais le dire devant vous, un ferment d'unité pour la nation au lieu d'un ferment de division. Et qui relit l'histoire verra que les hommes qui ont marqué leur temps ont constamment choisi, devant les difficultés les plus graves, d'être des hommes d'unité et de repousser la tentation de la division, des fractures, des affrontements et des haines. C'est le moment de s'en rendre compte quand les choses sont si graves, et de ne pas l'oublier lorsque reprendront les joutes électorales parce que c'est devant ces événements que nous sentons le mieux l'urgence du pays.
L'urgence du pays est à l'unité, elle est au rassemblement, elle est à la prise de conscience de ce dont nous avons besoin pour nous réunir, pour faire monter le débat civique.
J'étais à Toulouse il y a une semaine à peine dans un meeting très chaleureux et très coloré. À la tribune, je citais Jaurès, l'homme qui a marqué Toulouse de son empreinte. Jaurès disait une chose formidable et que je partage lettre à lettre. Il disait : "La République prend son vrai sens lorsqu'elle élève les citoyens au lieu de les abaisser".
J'ai vu, nous avons vécu des mois et des mois pendant lesquels on avait l'impression que le débat politique ne cessait constamment et jour après jour d'être abaissé. Nous avons comme rôle, autant que nous le pourrons, avec les autres s'ils le veulent, de l'élever parce que la fonction de citoyen, le rôle de citoyen, le peuple au nom duquel on gouverne et par lequel on gouverne et pour lequel on gouverne, le peuple de citoyens, c'est un peuple qui demande ou qui exige d'être élevé vers les véritables problèmes, la véritable compréhension, la véritable vision de l'avenir et non pas d'être abaissé dans des sujets secondaires et des sujets qui, au fond, ne cherchent qu'une seule chose, c'est à verser de l'essence sur le feu pour que le feu flambe parce qu'on croit que, dans ce feu-là, il y a beaucoup de voix à prendre.
Je suis très heureux que nous soyons devant les Français dans un moment aussi grave et aussi lourd et aussi terrible. Je suis très heureux que nous soyons devant les Français avec le projet, au contraire, de les réunir, de parler de ce qui les rassemble, pas de ce qui les divise, de leur dire la vérité des choses comme elles sont, la vérité sur l'endettement du pays qui nous rend dépendant, qui nous enlève notre indépendance comme l'endettement d'une famille lui enlève son indépendance et sa sécurité et sa possibilité de regarder l'avenir et son optimisme. La vérité sur la dégradation de l'économie du pays qui ne produit plus, la vérité sur notre appareil éducatif que l'on cible perpétuellement, alors qu’il a besoin, au contraire, qu'on le soutienne pour que ses résultats s'améliorent, qu'on le protège et qu'on l'aide, la vérité sur une démocratie qui n'a plus réellement les qualités qu'on s'est plu à lui prêter dans le pays qui l'a inventée ou en grande partie inventée.
Donc tous ces impératifs que nous avons devant nous, ce sont des impératifs qui exigent une démarche nouvelle d'unité nationale. Et je suis heureux que nous ayons pu ce soir pendant quelques minutes à Grenoble, tous ensemble, d'où que nous venions, tous frappés par l'horreur des événements, que nous soyons venus nous rappeler l'essentiel, que nous sommes citoyens du même peuple, membres du même pays et que nous ne nous en tirerons qu'ensemble et que nous sommes donc décidés, déterminés, avec la volonté inflexible de repousser ceux qui voudraient que ce peuple-là soit perpétuellement en guerre contre lui-même.
Notre choix, c'est l'unité du pays et nous l'avons écrit dans notre slogan.
Nous avons besoin d'une France solidaire, c'est le seul moyen de sortir de la crise, c'est le seul moyen d'avoir un projet pour après la crise, une France dans laquelle on se serre les coudes, où les entreprises travaillent ensemble au lieu de considérer que le chacun pour soi doit l'emporter, dans laquelle le maître mot doit être solidarité, par exemple pour faire reculer la solitude, par exemple pour que le stress au travail ne soit pas aussi troublant, inquiétant, déstabilisant pour un grand nombre de Français qu'il ne l'est, une France solidaire dans une Europe solidaire et même en regardant du côté des pays en voie de développement en nous disant que nous avons une responsabilité, que ces pays-là, on ne peut pas les abandonner à leur sort et que donc les pays riches de la planète devraient considérer que leur intérêt est de les aider.
Je suis toujours stupéfait quand on parle d'immigration, sans comprendre que l'immigration vient d'abord de la misère. Naturellement que l'on ne peut pas accepter que des déséquilibres de populations se produisent et se mettent en place. Je rentre de Guyane, je puis vous assurer que, en Guyane, ce type d'inquiétude est présent et c'est présent aussi dans d'autres départements et territoires d'outre-mer. J'irai très bientôt à la Réunion et à Mayotte. Tout le monde sait que, bien sûr, Michel Rocard l'a dit une fois pour toute, très bien, dans une phrase dont en général on ne cite que la moitié. Il a dit : "Nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde, mais nous devons en prendre notre juste part !". Je trouve que c'est juste comme affirmation, mais il n'y a de réponse à cette question que par le développement des pays qui, de l'autre côté de la Méditerranée ou en Afrique, sont dans un tel désarroi et une telle misère que leurs enfants en partiraient à la nage, s'il le fallait. Et puis peut-être aussi en s'interrogeant sur les raisons qui font que, chez nous, il y a tant d'employeurs qui appellent une main d'œuvre immigrée parce qu'ils n'arrivent pas à trouver, ici, des gens qui répondent aux offres d'emploi qu'ils proposent, mais ce n'est pas une mince question non plus.
Donc on a besoin d'une France solidaire en son sein, solidaire en Europe et solidaire, l'Europe, avec les pays qui sont à sa porte dans un tel degré d'abandon. On a besoin de cela et cette unité-là se bâtit, elle se construit dans les moments graves de notre histoire.
On a eu beaucoup d'émotion cet après-midi parce que ce que l'on a vu est naturellement extrêmement lourd, l'émotion des parents, l'émotion de la communauté qui est tout entière frappée. Je trouve que cette émotion est un rappel de notre responsabilité, de notre responsabilité collective comme citoyens et comme hommes publics pour ceux qui le sont, et de notre responsabilité particulière comme ceux qui ont constamment défendu dans la vie publique française la certitude qu'un pays uni, rien ne lui résiste.
Merci beaucoup.

François Bayrou, Grenoble le 19 mars 2012.


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